trés dans Erzeron, reprirent leurs fonctions avec plus de ferveur que jamais. Les perfécutions ont cela d'avantageux, qu'elles purifient & animent le zéle des hommes Apoftoliques, & rendent leurs difciples plus dociles à leur voix. On voit dans les Actes des Apôtres, que le nombre des premiers Fidéles croiffoit au milieu des perfécutions. Le fang des Martyrs, dit Tertullien étoit une femence de nouveaux Chrétiens. La Mission d'Erzeron perfécutée, eut le même avantage : le Pere Ricard & le Pere Monier, qui l'ont cultivée pendant plufieurs années, envoyerent il y a quelque tems au Pere Général des Jéfuites, & au Pere Fleuriau, un Journal de tout ce qui s'étoit paffé fous leurs yeux. Ils y expofent d'abord que la grande étendue de leur Miffion

les obligea de la partager en deux parties.

La premiere, difent-ils, porte le nom de faint Grégoire, que les Arméniens ont furnommé l'Illuminateur; elle comprend les Villes de Torzon, Affankala, Cars, Béazit, Arabkice, & quarante Villages. La feconde nommée faint Ignace, renferme les Villes de Spire, Baybourz, Akaska, Trébizonde, Gamichkané, & vingtfept Villages.Chaque Ville compte dans fon enceinte plus de quinze cens Catholiques. Le Pere Ricard, qui avoit fait une étude particuliere de la Médecine, sçachant par expérience combien elle lui étoit utile pour annoncer-par-tout la parole de Dieu, fe donnoit publiquement pour Médecin cette qualité lui ouvroit l'entrée dans toutes les maifons, & même dans celles des

il fe

Officiers Turcs, où il étoit trèsbien reçu. Par ce moyen, procuroit, & à fon Compagnon, la protection qui leur étoit néceffaire. Le Pere Monier visitoit les Chrétiens pour les inftruire dans leurs maifons; mais il y alloit plus de nuit que de jour pour éviter l'éclat, qui n'auroit fervi qu'à réveiller la jalousie & l'animofité des Schifmatiques contre les Catholiques. Les deux Peres avoient avec eux un de nos Freres, très-bon Pharmacien. Leur fage conduite, & les fervices qu'ils rendoient aux malades de la Ville, avec un parfait défintéreffement, leur leur gagna la protection du premier Aga, qui par amitié pour eux, leur donna une maison très-propre & commode à leur ufage. Soutenus de cette puiffante protection, ils exerçoient pailiblement le ministère

,

Evangélique ; ils affembloient devant le jour les Fidéles de l'un & de l'autre fexe tantôt dans une maison & tantôt dans une autre. Les Miffionnaires faifoient féparément le Catéchifme aux enfans & des inftructions aux perfonnes plus âgées enfuite ils écoutoient les Confeffions de leurs Difciples, & leur adminif troient la fainte Euchariftie. Lorfque le jour les furprenoit, des Prêtres Arméniens moins obfervés que les Peres Miffionnaires alloient les communier chez

eux.

Comme les Arméniens célébrent la Fête de Pâques plus tard que les Catholiques, fuivant l'ancien Calendrier, les Miffionnaires, pour éviter un concours qui auroit été fafpect, commençoient dès l'entrée de notre Carême, à difpofer leur troupeau à la Communion

munion Pafchale. Pour le faire plus facilement, & avec plus de fruit, ils féparoient la Ville en différens quartiers. Ils les vifitoient les uns après les autres, donnant à tous les inftructions néceffaires, & faifant enforte que tous leurs disciples fe fuffent toujours religieufement acquittés du devoir Pafchal avant la Pâque des Arméniens.

Leurs occupations dans la Ville, ne les empêchoient pas de prendre un tems pour parcourir les Bourgs & les Villages de leur diftrict; mais toujours. avec les mêmes précautions, évitant fur-tout l'éclat & le grand jour qui les auroit fait connoître. Ils avoient dans leur confidence des Prêtres Arméniens, Miffionnaires comme eux , qui prenoient les devants, & qui alloient préparer la voie à ces deux Peres. Tome III. N