페이지 이미지
PDF
ePub

Nous en partîmes le lendemain 24o. & nous allâmes grand train pour gagner Chiraverd. Nous arrivâmes au foleil couchant : c'est une maison de plaifance du Sultan d'Arafch, fituée au milieu d'une grande forêt. Pour y arriver, il nous fallut paffer diverses petites rivieres, & quantité de ruiffeaux d'une eau claire, mais mauvaise; parce qu'elle traverfe des marais où l'on éléve le ris. Le ris fe féme dans les campagnes: quand il est monté un demi pied, on le tranfplante dans les marais, où les hommes qui y travaillent ont l'eau à mi-jambe. A notre départ, il fallut ufer de violence pour tirer la taxe des habitans: il en coûta à un pauvre vieillard d'avoir cent coups de bâton fous la plante des pieds; c'eft une cérémonie trèsordinaire dans ce Pays-ci.

Le 25. Octobre, nous continuâmes à marcher comme les jours précédens, par un chemin couvert d'arbres, & traverfé de ruiffeaux; nous paffâmes auffi une affez groffe riviere, & nous arrivâmes à Liffa, gros & riche Bourg, où cependant nous fùmes très-mal logés.

:

La traitte du 26. ne fut que de deux lieues, & nous nous arrêtâmes à Peské, qui n'eft qu'un méchant hameau la campagne étoit couverte de certaines petites fleurs, qui s'élèvent d'un oignon comme les tulipes, & qui ne paroiffent fur les collines de Chamaké que pendant le mois de Mars.

La journée du 27. ne fut que de quatre petites lieues jufqu'à Mahamed-ducani, gros Bourg, dont les habitans bien vêtus font voir qu'ils font fort à leur aife.

En chemin nous rencontrâmes une petite caravanne allant à Tauris. Cachhie, fils de Coggia Zachara Cherimani, nous apprit la mort des deux freres, Meffieurs Cavaliers de Dieppe. Ils étoient tous deux Calviniftes : le cadet avoit perverti fon aîné, qui étoit ci-devant Catholique. Ayant été obligés tous deux de fortir de France, ils fe retirerent dans le Royaume du Nord, où ils furent favorablement reçus. Ils pafferent enfuite en Perfe, dans le deffein d'y faire fortune. Ils y porterent quantité de médailles & de pierres gravées, & entreprirent l'établissement d'un commerce entre l'Allemagne & la Perfe; mais la mort qui les furprit tous deux, mit fin à leurs projets.

Le 28. nous partîmes à midi, pour nous rendre à Rokna, pan

un chemin au travers des forêts de différens arbres; mais principalement de buis, qui s'éléve fort haut. Entre ces arbres, nous en remarquâmes deux d'une efpéce particuliere : l'une a les feuilles femblables à celles du cerifier, mais plus grandes. Il porte quantité de fruits jaunes, comme les prunes de Brignole. Ils font très-doux, & fans noyaux. Les gens de ce Pays appellent ce fruit Kourma, & le font fécher pour le manger pendant T'hyver. L'autre, au lieu de feuilles, porte de grandes panaches comme des branches de fougère. Rokna fignifie village fale, & répond parfaitement à fon étymologie.. C'eft le dernier endroit de la Sultanie d'Arafch, laquelle comprend ce qui anciennement étoit appellé le Pays des Cafpiens & des Caduciens dans la

Médie Atropaténe. Selon toutes les apparences, nous avions paffé, fans nous en être apperçu, le lieu où, felon Ptolémée, fut autrefois Cyropolis, fur la Mer Cafpienne, à 42. dégrés & demi de latitude. Je m'appliquerois inutilement à en chercher les veftiges.

Le 29. nous quittâmes Rokna à neuf heures du matin, inarchant comme nous faifions depuis plufieurs jours dans les forêts, & traverfant une infinité de ruiffeaux. Nous en paffâmes trois plus grands que les autres, fur des ponts de pierre d'une feule arcade. Nous vînmes enfuite à un gros village, où l'on fait des pots de terre, dont l'ufage eft ordinaire dans tout le Pays. Avant que d'y entrer, notre timbalier s'étant mis à battre les habitans au nombre de plus

« 이전계속 »