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Le prétexte des Conférences de Cambrai, fut de faire la Paix entre le Roi & l'Empereur, & de régler les differends qu'il y avoit du cofté de Flandres, entre le Duc de Gueldres, que le Roi avoit pris fous fa protection, & le jeune Archiduc, Prince Souverain des Païs-Bas; chofes aifées à terminer, dans la difpofition où l'on eftoit, de part & d'autre, de s'allier eftroitement pour réünir fes forces contre les Venitiens. L'Empereur promit, par le Traité, de donner au Roi, pour lui, pour tous fes Enfans, & pour toute leur poftérité, l'Inveftiture du Milanez, moiennant cent mille efcus d'or, qui lui feroient paiez comptant, le jour mefme qu'il la donneroit,

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Par le mefme Traité, il fut dit que le Duc de Gueldres rendroit deux Places importantes, qu'il avoit prifes injuftement, fans avoir aucun droit deffus, & qu'à l'égard des autres, que lui & le jeune Archiduc avoient conquifes l'un fur l'autre, & fur lefquelles ils avoient des droits & des prétentions, ils en demeureroient en poffeffion, jufques au jugement définitif, qui feroit rendu dans fix mois, par des Commiffaires, du Roi, du Roi d'Angleterre, de l'Empereur, & du Roi d'Ecoffe, Ce n'auroit pas efté la peine que la Doüairiere de Savoye & d'Amboife fe fuffent abouchez, pour ne faire rien de plus que de

régler

régler ces différends. Le vrai sujet de l'entrevuë eftoit de faire une Ligue pour perdre les Venitiens, ou du moins pour les obliger à rendre ce qu'ils avoient pris, & détenoient injuftement à l'Empereur dans le Frioul, au Roi dans le Milanez, au Pape dans la Romagne, & au Roi Catholique dans le Royaume de Naples.

Le Roi Catholique redemandoit aux Venitiens, Trani, Monopoli, Brindes, Otrante, Gallipoli, Villes fur le Golphe Adriatique. Ces Villes leur aiant efté engagées pour des fommes confidérables, qu'ils avoient preftées dans le tems, on ne pouvoit, ce femble, selon les loix de l'équité, redemander les Villes, fans offrir de rembourfer les fommes; mais c'est à quoi le Roi Catholique ne fe crut pas eftre obligé, dès qu'à l'occafion de la Ligue il fe flatta de les recouvrer, fans qu'il lui en coustast rien. Il n'eft que trop ordinaire, principalement aux Politiques, de faire de leurs intérests la régle de leurs sentimens. L'Empereur reclamoit, tant au nom de l'Empire, qu'au nom de la Mailon d'Autriche, dont il eftoit le Chef, le Patriarchat d'Aqui lée, quelques Places dans le Frioul, Rouvre dans le Trentin; & au-delà des Alpes, Verone, Padouë & Vicence. Le Roi redemandoit, Cremône, Crême, Breffe, Bergame, &

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le Païs d'au-delà de l'Adde. A la verité, par le Traité qu'il avoit fait avec les Venitiens, lors qu'il conquit Milan fur Sforce, il avoit confenti qu'ils s'emparaffent deces Villes, & qu'ils les retinflent pour eux; mais leur ingratitude les lui faisant envisager, comme gens tout-à-fait indignes & déchus de ces avantages, il ne croioit pas qu'il fuft injufte de profiter de l'occasion, pour leur enlever, s'il le pouvoit, ces Villes & leurs Territoires, qui avoient toûjours fait partie du Milanez. Les Venitiens, depuis mefme le Pontificat de l'Impérieux Jules II. avoient efté assez hardis pour le faifir, à sa barbe, de Faenza & de Rimini, Villes appartenantes à l'Eglife. Prefque un Siècle auparavant, ils avoient ufurpé fur elle, Cefenes, Cervia, Imola, Ravenne; ufurpations qui paroiffoient insupportables à ce Pontife, dans le deffein où il eftoit de réünir à fa Couronne tout ce qui avoit esté du Patrimoine de S. Pierre.

Quelque jufte que fuft le reffentiment de ces Princes, on ne comprenoit pas, que, contre leurs propres intérefts, ils vouluffent s'allier enfemble, pour perdre une République, qui les tenant dans l'équilibre, pouvoit feule empefcher qu'ils ne fe ruïnaffent les uns les autres. La part qu'ils croioient avoir de la dépoüille des vaincus, pouvoit - elle raisonna

blement

ON EST

CETTE L 1

PAROIST

PRINCIPELA

PLUS QUE

blement dédommager ces Potentats du mal qu'ils avoient à craindre de la deftruction de ces Républicains? Jules II. le premier Moteur de la Ligue, & qui s'en déclaroit le SURPRIS DE Chef, devoit fon exaltation, moins au crédit GUE, QUI de fes amis, qu'aux bons offices des Venitiens; AVOIR POUR mais indépendamment de la reconnoiffance PASSION que ce Pontife leur devoit, eftoit-il de fon L'INTEREST. intéreft de fe liguer contre eux, avec l'Empereur & les Rois de France & d'Arragon? Que gagnoit-il, ou pluftoft que ne rifquoit-il pas, en concourant à establir les Empereurs en Italie? Il y a long-tems que l'on a dit que le Pape ne doit pas moins fe garder des Empereurs Chreftiens, à caufe de leurs prétentions, que des Sultans des Turcs. Un pouce de terre en Italie, eft en quelque maniere plus important à l'Empereur, qu'une Province ailleurs. Que gagnoit le Pape à augmenter en Italie la puiffance du Roi de France & celle du Roi d'Arragon, formidables Voifins qui le tenoient comme envelopé, n'y aiant plus de Venitiens qui puffent lui donner fecours ne se mettoit-il pas à la merci de ces Monarques, quand l'envie leur prendroit, ou de le déthrosner, ou d'enlever celles de fes Places qui feroient à leur bienféance?

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Le Roi, de fon cofté, n'avoit-il pas, ce semble, plus à craindre de cette Ligue, dont M m

cepen

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cependant il estoit l'auteur, qu'il n'avoit à en espérer ? Si le succès en eftoit heureux, ne se donnoit-il pas pour Voifin le plus grand de fes Ennemis, je veux dire, l'Empereur, Ennemi de tout tems, Ennemi qui avoit tenté, & dont la paffion eftoit de lui faire perdre, s'il le pouvoit, Milan & l'Eftat de Génes? Si l'Empereur, changeant tout-à-coup, avoit paru rechercher l'amitié du Roi, on ne pou voit douter que ce ne fuft par neceffité, ne pouvant autrement ni fe venger des Venitiens, qui l'avoient infulté, ni prendre des Villes qu'il reclamoit; le Roi Catholique, tout fin & tout habile qu'il eftoit, entendoitil fes intérests en entrant dans cette Alliance? N'eftoit-ce pas les Venitiens qui lui avoient fauvé le Roiaume de Naples ? N'eftoit-ce pas eux qui proprement en avoient chaffé les François Les Venitiens ruïnez, n'avoit-il pas craindre que les François, devenus plus forts, par les acquifitions qu'ils efpéroient faire fur eux, ne repriffent le chemin de Naples, & ne l'en chaffaffent à leur tour?

à

N'y aiant que l'Empereur qui puft profiter de la Ligue, on ne comprenoit pas que le Pape, ni ces deux Monarques, bien loin de l'avoir proposée, euffent mesme voulu y entrer. La paffion l'emporta fur l'intéreft d'Eftat; c'est ainsi du moins qu'en ont parlé les Hi

storiens,

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