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FLORAME.

La conserver encor! le moyen? l'apparence?
Je m'étois plu toujours d'aimer en mille lieux;
Voyant une beauté mon cœur suivoit mes yeux;
Mais de quelques attraits que le ciel l'eût pourvue,
J'en perdois la mémoire aussitôt que
la vue;
Et bien que mes discours lui donnassent ma foi,
De retour au logis je me trouvois à moi.

Cette façon d'aimer me sembloit fort commode;
Et maintenant encor je vivrois à ma mode :
Mais l'objet d'Amarante est trop embarrassant;
Ce n'est point un visage à ne voir qu'en passant';
Un je ne sais quel charme auprès d'elle m'attache;
Je ne la puis quitter que le jour ne se cache;
Même alors, malgré moi, son image me suit,
Et me vient au lieu d'elle entretenir la nuit.
Le sommeil n'oseroit me peindre une autre idée;
J'en ai l'esprit rempli, j'en ai l'âme obsédée.
Théante, ou permets-moi de n'en plus approcher,
Ou songe que mon coeur n'est pas fait d'un rocher;
Tant de charmes enfin me rendroient infidèle.

THÉANTE.

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Deviens-le, si tu veux, je suis assuré d'elle;
Et, quand il te faudra tout de bon l'adorer,
Je prendrai du plaisir à te voir soupirer;

Tandis
que, pour tout fruit, tu porteras la peine
D'avoir tant persisté dans une humeur si vaine.
Quand tu ne pourras plus te priver de la voir,
C'est alors que je veux t'en ôter le pouvoir;

Et j'attends de pied ferme à reprendre ma place,
Qu'il ne soit plus en toi de retrouver ta glace.
Tu te défends encore, et n'en tiens qu'à demi.

FLORAME.

Cruel, est-ce là donc me traiter en ami?
Garde pour châtiment de cet injuste outrage,
Qu'Amarante pour toi ne change de courage;
Et se rendant sensible à l'ardeur de mes vœux.....
THÉANTE.

A cela près, poursuis; gagne-la, si tu peux :
Je ne m'en prendrai lors qu'à ma seule imprudence;
Et demeurant ensemble en bonne intelligence,
En dépit du malheur que j'aurai mérité,
J'aimerai le rival qui m'aura supplanté.

FLORAME.

Ami, qu'il vaut bien mieux ne tomber point en peine
De faire à tes dépens cette épreuve incertaine :
Je me confesse pris, je quitte, j'ai perdu;
Que veux-tu plus de moi? reprends ce qui t'est dû.
Séparer plus long-temps une amour si parfaite!
Continuer encor la faute que j'ai faite!

Elle n'est que trop grande; et, pour la réparer,
J'empêcherai Daphnis de vous plus séparer.
Pour peu qu'à mes discours je la trouve accessible,
Vous jouirez tous deux d'un entretien paisible;
Je saurai l'amuser; et vos feux redoublés

Par son fâcheux abord ne seront plus troublés.
THÉANTE.

Ce seroit prendre un soin qui n'est pas nécessaire.
Daphnis sait d'elle-même assez bien se distraire;

Et jamais son abord ne trouble nos plaisirs, Tant elle est complaisante à nos chastes désirs.

SCÈNE IV.

AMARANTE, FLORAME, THÉANTE.

THÉANTE, à Amarante.

DÉPLOIE, il en est temps, tes meilleurs artifices,
Sans mettre toutefois en oubli mes services.
Je t'amène un captif qui te veut échapper.

AMARANTE.

J'en ai vu d'échappés que j'ai su rattraper.

THÉANTE.

Vois qu'en sa liberté ta gloire se hasarde.

AMARANTE.

Allez, laissez-le-moi, j'en ferai bonne garde.
Daphnis est au jardin.

FLORAME.

Sans plus vous désunir,

Souffre qu'au lieu de toi je l'aille entretenir.

SCÈNE V.

AMARANTE, FLORAME....

AMARANTE.

LAISSEZ, mon cavalier, laissez aller Théante : porte assez au cœur le portrait d'Amarante ;

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Je n'appréhende point qu'on l'en puisse effacer :
C'est au vôtre à présent que je le veux tracer;
Et la difficulté d'une telle victoire

M'en augmente l'ardeur, comme elle en croît la gloire.

FLORAME.

Aurez-vous quelque gloire à me faire souffrir?

AMARANTE.

Plus que de tous les vœux qu'on me pourroit offrir.

FLORAME.

Vous plaisez-vous à ceux d'une âme si contrainte,
Qu'une vieille amitié retient toujours en crainte?

AMARANTE.

Vous n'êtes pas encore au point où je vous veux;
Et toute amitié meurt où naissent de vrais feux.

FLORAME.

De vrai contre ses droits mon esprit se rebelle :
Mais feriez-vous état d'un amant infidèle ?

AMARANTE.

Je ne prendrai jamais pour un manque de foi,
D'oublier un ami pour se donner à moi.

FLORAME.

Encor si je pouvois former quelque espérance
De vous voir favorable à ma persévérance,
Que vous puissiez m'aimer après tant de tourment,
Et d'un mauvais ami faire un heureux amant!
Mais, hélas! je vous sers, je vis sous votre empire,
Et je ne puis prétendre où mon désir aspire.
Théante! ah, nom fatal pour me combler d'ennui!
Vous demandez mon cœur, et le vôtre est à lui!

Souffrez qu'en autre lieu j'adresse mes services,
Que du manque d'espoir j'évite les supplices.
Qui ne peut rien prétendre a droit d'abandonner.

AMARANTE.

S'il ne tient qu'à l'espoir, je vous en veux donner.
Apprenez que chez moi c'est un foible avantage
De m'avoir de ses voeux le premier fait hommage;
Le mérite y fait tout; et tel plaît à mes yeux,
Que je négligerois près de qui vaudroit mieux.
Lui seul de mes amants règle la différence,
Sans que le temps leur donne aucune préférence.

FLORAM E.

Vous ne flattez mes sens que pour

AMARANTE.

m'embarrasser.

Peut-être; mais enfin il faut le confesser,

Vous vous trouveriez mieux auprès de ma maîtresse.

Ne pensez pas.....

FLORAME.

AMARANTE.

Non, non, c'est là ce qui vous presse.

Allons dans le jardin ensemble la chercher.

(à part.)

Que j'ai su dextrement à ses yeux la cacher!

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