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ROXELANE.

Comment! tu ne pars pas encore !

Dépêche, et garde-toi surtout de me trahir.

SCÈNE VIII.

ROXELANE ET LES ESCLAVES.

ROXELANE.

Oh! je ne veux point qu'on s'endorme

Quand il s'agit de m'obéir.

Je veux dans ce sérail établir la réforme.

(Apercevant les esclaves.)

Qu'est-ce que je vois là ? des carreaux, un tapis.
Allons, allons, ôtez cet étalage.

(Elle donne du pied dans les carreaux.)

Un dîner à la turque! oh! le plaisant usage!
Vous autres, vous mangez sur la terre, accroupis
Comme des sapajoux. Une table, des chaises:
Suivez les coutumes françaises.

(Les esclaves marquent leur étonnement par leurs gestes.)
Eh bien! ils sont tout étourdis.

Que l'on baisse ces jalousies,
Qu'on défende l'entrée au jour,
Et que nous dinions aux bougies :
Leur éclat nous suffit, il répand alentour
Ce demi-jour si doux qui convient à l'amour.
J'oubliais la meilleure chose :

Il nous faut du vin, songez-y.

(Les esclaves paraissent scandalisés. Ils font entendre par signe qu'il n'y a point de vin dans le sérail.)

Comment ils ont horreur de ce que je propose!

Hem ? quoi? plaît-il ? on n'en a point ici?

Que l'on aille chez le mufti 1,

On en trouvera, j'en suis sûre.

C'est un esprit juste, un cœur droit,

Qui saisit tout le vin : c'est par là qu'il s'assure

Qu'aucun vrai musulman n'en boit.

Le mufti est le souverain pontife de la loi mahométane. Il affecte une grande simplicité et la régularité la plus exacte. Il condamne l'usage du vin, et cependant en boit comme d'autres, en secret.

Il nous en donnera du grec et du Champagne,
Tout ce que nous voudrons.

SCÈNE IX.

OSMIN, ROXELANE.

OSMIN.

Étoile du sérail,

Vous êtes obéie; Elmire m'accompagne.

ROXELANE, à part.

Fort bien. Je vais songer moi-même à ce détail.

(A Osmin.)

Je reviens à l'instant.

SCÈNE X.

ELMIRE, OSMIN.

ELMIRE.

Osmin, quelle est ma joie!

Il est donc vrai que Soliman t'envoie?
Ah! je croyais que Délia...

OSMIN.

Bon, bon! rassurez-vous: ces virtuoses-là,
Tant pour le chant que pour la danse,
Quelquefois au sérail ont une préférence
Qui ne dure pas plus longtemps
Qu'un entrechat, une cadence,

Il n'en est pas de même chez les Francs,

A ce que l'on dit,

ELMIRE.

Non elles ont un empire

Qui, bien souvent, mène au délire.

Par un aveuglement qu'on ne peut excuser,

A leur art léger et frivole,

Devoir, fortune, honneur, il n'est rien qu'on n'immole. Le premier des talents est celui d'amuser.

J'avais tout lieu de craindre.

Ne s'est point prise à ses faibles appas.

OSMIN.

Eh! non, non; Sa Hautesse

SCÈNE XI.

ELMIRE, ROXELANE, OSMIN.

(Roxelane s'aperçoit qu'Elmire et Osmin se parlent en confidence; elle s'ap proche doucement, se met derrière eux sur le sofa de l'avant-scène, et les écoute.)

OSMIN, continuant, sans voir Roxelane.

Mais un danger d'une autre espèce

Vous menace peut-être.

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Cette petite esclave? Ah! je ne le crois pas.

Le beau sujet pour faire une sultane!

OSMIN.

Elle serait peu de mon goût.

ELMIRE.

Un air vif, étourdi, décidé.

OSMIN.

Voilà tout.

Soliman vous rend bien justice;

Mais je crains l'effet du caprice.

ELMIRE.

Comment le prévenir? Osmin,

Daigne recevoir cet écrin,

Et sers-moi.

OSMIN, prenant l'écrin et le mettant dans son sein.
De grand cœur, sans rien faire paraître,

ELMIRE.

Intendant des plaisirs, tu règnes sur ton maître.
Il ne voit rien que par tes yeux,

Il n'entend que par tes oreilles :
Tu le guides, tu le conseilles,

Tu décides son choix, tu peux tout en ces lieux.
J'aurais trop à rougir de me voir des égales.
Osmin, mon cher Osmin, mon sort dépend de toi.
En toute occasion rabaisse mes rivales :

N'épargne aucun moyen, et dis du bien de moi.

[blocks in formation]

ROXELANE se lève, et présente une bague à Osmin, qui la reçoit ; et elle dit,

en parodiant Elmire :

Reçois ce bijou de ma main.

Osmin,

O toi qui règnes sur ton maître,

Osmin, mon cher Osmin, mon sort dépend de toi.

J'aurais trop à rougir si j'avais des rivales :
En toute occasion vante-lui mes égales;
Ne me ménage pas, et dis du mal de moi.

ELMIRE.

Cette froide plaisanterie

Vous sied très-mal, je vous en avertis.
Oui, Soliman m'est plus cher que la vie :
Je veux avoir son coeur; il n'importe à quel prix.

OSMIN.

L'émulation est louable.

Je vous laisse entre vous disputer cet honneur.
(A Elmire, bas.) (A Roxelane.)
Comptez sur moi. Je vous suis favorable.

ROXELANE, avec un souris moqueur.

Va, je n'ai pas besoin de ta faveur,

Et tu peux protéger Elmire :

Je le permets.

ELMIRE.

Ce fier sourire

Nous décèle un orgueil qu'on pourrait réprimer.

ROXELANE.

C'est douter du succès que de vous alarmer.

OSMIN, à part.

Courage; allons, j'aime assez les querelles

C'est un revenant-bon pour moi :

Le casuel de mon emploi

Est la discorde entre les belles.

(Il sort.)

(Pendant cet aparté d'Osmin, Elmire mesure des yeux Roxelane, d'un air fier et dédaigneux.)

SCÈNE XII.

ROXELANE, ELMIRE.

ROXELANE.

Eh bien? comment suis-je à vos yeux ?

ELMIRE.

Comme un objet qui doit m'être odieux;

Je ne le cache point.

ROXELANE, d'un air ouvert.

Venez, ma chère amie :

Embrassez-moi : gardez votre sultan.

Vous croyez que je m'en soucie;

Mais point du tout: allons, débarrassez-nous-en;
Et de grand cœur je vous en remercie.
Qui peut donc encor vous troubler?

ELMIRE.

Roxelane, nous sommes femmes.

Ce n'est pas entre nous qu'il faut dissimuler;
Et nous nous connaissons. Je m'attends à vos trames.
ROXELANE.

Eh bien! vous me jugez très-mal.

Je resterai toujours esclave, s'il faut l'être;
Mais mon amant ne sera point mon maître :
Je n'aimerai jamais que mon égal.

Si vous avez moins de délicatesse,

Je vous cède mes droits; usez de votre adresse
Pour réussir dans vos amours.

ELMIRE.

Je n'emploierais que ma tendresse.

ROXELANE.

Et des écrins... Abrégeons ces discours.
Pour vous prouver comme je pense,
Apprenez que c'est moi qui vous prie à dîner
Avec votre sultan : voyez ma complaisance.
Profitez des moyens que je veux vous donner;
Tâchez que pour vous seule il soit tendre et fidèle.
(A la cantonade, en élevant la voix.)

Hola! faites venir ici le Grand Seigneur.

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