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ques: & là je verrai des beautez qu'il eft inutile que je décrive, lefquelles me convaincront que le Dieu des richeffes qui l'habite eft le feul capable de me rendre heureux. Voilà ce que mon corps eft capable de me perfuader; car il ne parle que pour lui, & il est néceffaire pour fon bien, que l'imagination s'abbate devant la grandeur & l'éclat des richelles.

Mais fi je confidére que le corps eft infiniment au deffous de l'efprit, qu'il ne peut en être le maître, qu'il ne peut l'inftruire de la verité, ni produire en lui la lumière; & que dans cette veuë je rentre en moi-même, & que je me demande: ou plûtôt (puifque je ne fuis pas à moimême, ni mon maître, ni ma lumiére) fi je m'approche de Dieu, & que dans le filence de mes fens & de mes paffions, je lui demande, fi je dois préferer les richeffes à la vertu ou la vertu aux richeffes: j'entendrai une réponse claire & diftincte de ce que je dois faire : réponse éternelle qui a toûjours été dite, qui fe dit & qui fe dira toûjours: réponse qu'il n'eft point néceflaire que j'explique,,

parce que tout le monde la fçait, ceux qui lifent ceci,& ceux qui ne le lifent pas; qui n'eft ni Grecque ni Latine, ni Françoise, ni Allemande, & que toutes les nations conçoivent: réponfe enfin qui confole les juftes dans leur pauvreté, & qui defole les pecheurs au milieu de leurs richesses. J'entendrai cette réponse & j'en demeurerai convaincu. Je me rirai des vifions de mon imagination & des illufions de mes fens. L'homme intérieur qui eft en moi fe mocquera de l'honime animal & terreftre que

porte. Enfin l'homme nouveau croîtra, & le vieil homme fera détruit, pourvû neanmoins que j'obéïffe toûjours à la voix de celui, qui me parle fi clairement dans le plus fecret de ma raison, & qui s'étant rendu fenfible pour s'accommoder à ma foibleffe & à ma corruption, & pour me donner la vie par ce qui me donnoit la mort, me parle encore d'une manière tres-forte, tres-vive & tres-familiére par mes fens, je veux dire par la prédication de fon Evangile. Que fi je l'interroge dans Loutes les queftions Metaphyfiques,

naturelles, & de pure Philosophie, auffi bien que dans celles qui regardent le réglement des mœurs, j'au rai toûjours un maître fidéle qui ne me trompera jamais : non seulement je ferai Chétien, mais je ferai Philofophe ; je penferai bien, & j'aimerai de bonnes chofes : en un mot je fuivrai le chemin qui conduit à toute la perfection dont je fuis capable, & par grace & par la nature.

Ia

II faut donc conclure de tout ce que j'ai dit, que pour faire le meilfeur ufage, qui fe puifle, des facultez de nôtre ame, de nos fens, de nôtre imagination, & de nôtre efprit, nous ne devons les appliquer qu'aux chofes pour lefquelles elles nous font données. Il faut diftinguer avec foin nos fenfations, & nos ima→ ginations d'avec nos idées pures; & juger felon nos fenfations & nos imaginations des rapports que les corps de dehors ont avec le nôtre, fans nous en fervir pour découvrir les véritez qu'elles confondent toûjours : & il faut nous fervir des idées pures de T'efprit pour découvrir les véritez, fans nous en fervir pour juger des

rapports que les corps de dehors ont avec le nôtre; parce que ces idées n'ont jamais affez d'étendue pour nous les représenter parfaitement.

Il eft impoffible que les hommes connoiffent affez toutes les figures, & tous les mouvemens des petites parties de leur corps & de leur fang, & de celles d'un certain fruit dans un certain tems de leur maladie, pour connoître qu'il y a un rapport de convenance entre ce fruit & leur corps, & que s'ils en mangent ils feront guéris, Ainfi nos fens feuls font Voyez les plus utiles à la confervation de nô- Eclairciffetre fanté que les régles de la medecine expérimentale; & la médecine expérimentale que la medecine raifonnée. Mais la medecine raifonnée, qui défere beaucoup à l'expérience, & encore plus aux fens, eft la meilleure; parce qu'il faut joindre toutes ces chofes ensemble.

On fe peut donc fervir de fa raifon en toutes chofes, & c'eft le privilege qu'elle a fur les fens & fur l'imagination, qui font limitez aux chofes fenfibles mais il faut s'en fervir avec regle, Car quoi que ce foit la princi

mens.

pale partie de nous mêmes, il arrive fouvent qu'on fe trompe en la laiffant tropagir; parce qu'elle ne peut affez agir fans fe laffer, je veux dire qu'elle ne peut affez connoître pour bien juger, & que cependant on veut juger.

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