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pû comprendre ; car ils fe font au moins convaincu de la foibleffe de leur efprit. II eft bon, dit un Auteur L'Art de fort judicieux, de fatiguer l'efprit à penser. ces fortes de fubtilitez, afin de domter fa préfomption, & lui ôter la hardieffe d'oppofer jamais fes foibles lumiéres aux véritez que l'Eglife lui propose, fous prétexte qu'il ne les peut pas comprendre. Car puifque toute la vigueur de l'efprit des hommes eft contrainte de fuccomber au plus petit atome de la matiére, & d'avouer qu'il voit clairement qu'il est infiniment divifible, fans pouvoir comprendre comment cela fe peut faire: n'eft-ce pas pécher visiblement contre la raison, que de refufer de croire les effets merveilleux de la Toute - puiffance de Dieu, qui est d'elle-même incompréhenfible, par cette raison que nôtre efprit ne les peut comprendre?

L'effet donc le plus dangereux que produit l'ignorance, ou plutôt l'inadvertance où l'on eft de la limitation & de la foibleffe de l'efprit de l'homme, & par conféquent de son incapacité pour comprendre tout ce qui tient quelque chofe de l'infini, c'est

l'héréfie. I fe trouve, ce me femble, en ce tems-ci plus qu'en aucun autre, un fort grand nombre de gens qui fe font une Théologie particuliére, qui n'est fondée que fur leur propre efprit, & fur la foiblesse naturelle de la raison; parce que dans les fujets mêmes qui ne font point foûmis à la raifon, ils ne veulent croire que ce qu'ils comprennent.

Les Sociniens ne peuvent comprendre les Myftéres de la Trinité, ni de I'Incarnation: Cela leur fuffit pour ne les pas croire, & même pour dire d'un air fier & méprifant de ceux qui les croyent, que ce font des gens nez pour l'efclavage. Un Calvinifte ne peut concevoir, comment il fe peut faire que le corps de Jefus, Christ foit réellement prefent au Sacrement de l'Autel, dans le même tems qu'il eft dans le Ciel ; & de-là il croit avoir raifon de conclure que cela ne fe peut faire, comme s'il comprenoit parfaitement jufqu'où peut aller la puiffance de Dieu.

Un homme qui est même convaincu qu'il eft libre, s'il s'échauffe fort la tête pour tâcher d'accorder la fcience de Dieu & fes decrets avec la

liberté,

liberté, il fera peut-être capable de tomber dans l'erreur de ceux qui ne croyent point que les hommes foient libres. Ĉar d'un côté, ne pouvant concevoir que la Providence de Dieu puiffe fubfifter avec la liberté de 'homme; & de l'autre, le respect qu'il aura pour la Religion l'empêchant de nier la Providence, il fe croira contraint d'ôter la liberté aux hommes ne faifant pas affez de réfléxion fur la foibleffe de fon efprit, il s'imaginera pouvoir pénétrer les moyens que Dieu a pour accorder fes decrets avec nôtre liberté.

Mais les hérétiques ne font pas les feuls qui manquent d'attention pour confidérer la foibleffe de leur esprit, & qui lui donnent trop de liberté pour juger des chofes qui ne lui font pas foûmifes: prefque tous les hommes ont ce défaut, & principalement quelques Théologiens des derniers frécles. Car on pourroit peut-être dire , que quelques-uns d'eux employent fi fouvent des raisonnemens humains, pour prouver, ou pour expliquer des myftéres qui font audeffus de la raison, quoiqu'ils le fasfent avec une bonne intention, & Tome L

B

pour défendre la Religion contre les hérétiques, qu'ils donnent fouvent occalion à ces mêmes hérétiques de demeurer obstinément attachez à leurs erreurs, & de traiter les mystéres de la foi comme des opinions hu

maines.

L'agitation de l'efprit & les fubtilitez de l'école ne font pas propres à faire connoître aux hommes leur foibleffe, & ne leur donnent pas toûjours cet efprit de foûmiffion, fi néceflaire pour fe rendre avec humilité aux décifions de l'Eglife. Tous ces raifonnemens fubtils & humains peuvent au contraire exciter en eux leur orgueil fecret: ils peuvent les porter à faire ufage de leur efprit mal à propos, & à fe former ainfi une Religion conforme à fa capacité. Auffi ne voit-on pas que les hérétiques fe rendent aux argumens Philofophila lecture des livres puques, & que rement Scholaftiques leur faffe reconnoître & condamner leurs erreurs. Mais on voit au contraire tous les jours qu ils prennent occafion de la foibleffe des raifonnemens de quelques Scholaftiques, pour tourner e 1 raillerie les myftéres les plus facrez

de nôtre Religion, qui dans la vérité ne font point établis fur toutes ces raifons & explications humaines, mais feulement fur l'autorité de la parole de Dieu écrite, ou non écrite, c'eft-à-dire tranfmife jufqu'à nous par la voye de la tradition.

En effet, la raifon humaine ne nous fait point comprendre, qu'il y a un Dieu en trois perfonnes ; que le corps de Jefus-Chrift foit réellement dans I'Euchariftie; & comment il fe peut faire que l'homme foit libre, quoi que Dieu fçache de toute éternité ce que l'homme fera. Les raisons qu'on apporte pour prouver & pour expliquer ces chofes, font des raifons qui ne prouvent d'ordinaire qu'à ceux qui les veulent admettre fans les examiner, mais qui femblent fouvent extravagantes à ceux qui les veulent combattre, & qui ne tombent pas d'accord du fond de ces myftéres. On peut dire au contraire, que les objec tions que l'on forme contre les principaux articles de nôtre Foi, & principalement contre le myftere de la Trinité font fi fortes, qu'il n'eft pas poffible d'en donner des folutions claires, évidentes, & qui ne cho

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