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des fens confufes & obfcures, mais fort touchantes & fort agréables, ou qu'il a quelque feu d'imagination; puifque les louanges fe donnent à l'amitié, aux richelles, aux dignitez, aux vrai-semblances, & tres-rarement à la vérité.

On s'attendra peut-être, qu'ayant traité en général des inclinations des efprits, je doive defcendre dans un detail exacte de tous les mouvemens particuliers qu'ils reffentent à la vûë du bien & du mal, c'eft-à-dire que je doive expliquer la nature de l'amour, de la haine, de la joye, de la trifleffe, & de toutes les paffions intellectuelles tant générales que particulieres, tant fimples que compo fées. Mais je ne me fuis pas engagé à expliquer tous les différens mouvemens dont les efprits font capables.

Je fuis bien aife que l'on fçache que mon deffein principal dans tout ce que j'ai écrit jufqu'ici de la recherche de la vérité, a été de faire fentir aux hommes leur foibleffe & leur ignorance, & que nous fommes tous fujets à l'erreur & au peché. Je l'ai dit, & je le dis encore, peut être qu'on s'en fouviendra: je n'ai jamais

eu deffein de traiter à fond de la nature de l'efprit; mais j'ai été obligé d'en dire quelque chofe pour expliquer les erreurs dans leur principe, pour les expliquer avec ordre; en un mot, pour me rendre intelligible : & fi j'ai paffé les bornes que je me fuis propofées, c'eft que j'avois ce me fembloit des chofes nouvelles à dire, qui me paroiffoient de conféquence, & que je croyois même qu'on pourroit lire avec plaifir. Peut-être me fuis je trompé, mais je devois avoir cette préfomption pour avoir le courage de les écrire: car le moyen de parler, lorfqu'on n'efpere pas d'être écouté? II eft vrai que j'ai dit beaucoup de chofes qui ne paroiffent point tant appartenir au fujet que je traite, que ce particulier des mouvemens de l'ame: je l'avoue, mais je ne prétens point m'obliger à rien, lorfque je me fais un ordre: Je me fais un ordre pour me conduire, mais. je prétens qu'il m'eft permis de tourner la tête lorfque je marche, fi je trouve quelque chofe qui mérite d'ể-tre confideré. Je prétens même qu'il m'est permis de me repofer en quel-ques lieux à l'écart, pourvû que je ne

perde point de vûë le chemin que je dois fuivre. Ceux qui ne veulent point fe délaffer avec moi peuvent paffer outre; il leur est permis; ils n'ont qu'à tourner la page: mais s'ils fe fâchent, qu'ils fçachent qu'il y a bien des gens, qui trouvent que ces lieux que je choifis pour me repofer, leur font trouver le chemin plus doux & plus agréable.

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DE

LA RECHERCHE

DE

LA VERITÉ.

LIVRE CINQUIÈME.

DES PASSION S.

CHAPITRE PREMIER.

De la nature & de l'origine des Paffions en général.

'ESPRIT de l'homme a deux rapports effentiels ou neceffaires fort différens : l'un à Dieu, l'autre à fon corps. Comme pur efprit, il est effentiellement uni au Verbe de Dieu, à la fageffe & à la vérité éternelle c'elt-à-dire, à la fouveraine raison; car ce n'eft que par cette union qu'il

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eft capable de penfer, ainfi que l'on a vú dans le troifiéme Livre. Comme efprit humain, il a un rapport effentiel à fon corps car c'est à cause qu'il lui eft uni, qu'il fent & qu'il imagine, comme l'on a expliqué dans le premier & dans le fecond Livre. On appelle fens, ou imagination l'esprit, lorfque fon corps eft cause naturelle ou occafionnelle de fes penfées, & on l'appelle entendement, fors qu'il agit par lui-même; ou plûtôt lorfque Dieu agit en lui & que fa lumière l'éclaire en plufieurs façons différentes, fans aucun rapport neceflaire à ce qui fe paffe dans fon corps.

II en eft de même de la volonté de l'homme. Comme volonté, elle dépend eflentiellement de l'amour que Dieu fe porte à lui-même,& de la loi éternelle, en un mot de la volonté de Dieu. Ce n'est que parce que Dieu s'aime, que nous aimons quelque chofe : & fi Dieu ne s'aimoit pas; ou s'il n'imprimoit fans cefle dans l'ame de l'homme un amour pareil au fien, c'efl-à-dire ce mouvement d'amour que nous fentons pour le bien en general, nous n'aimerions rien, nous ne voudrions rien, & par conféquent

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