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rance des

II paroît affez par les chofes que l'on a dites ci-deffus, que les hom- Et de l'igno mes n'étant jamais fans quelque paf- hommes. fion, ou fans quelques fenfations agréables ou fâcheufes, la capacité & l'étendue de leur efprit en eft beaucoup occupée ; & que lorfqu'ils veulent emploïer le refte de cette capacité à éxaminer quelque vérité, ils en font fouvent détournez par quelques fenfations nouvelles, par le dégoût que l'on trouve dans cet exercice, & par l'inconftance de la volonté qui agite, & qui proméne l'efprit d'objets en objets fans l'arrêter. De forte que fi l'on n'a pas pris dés la jeuneffe l'habitude de vaincre toutes ces oppofitions, comme on a expliqué dans la feconde Partie, on fe trouve enfin incapable de pénétrer rien qui foit un peu difficile, & qui demande quelque peu d'application.

Il faut conclure delà que toutes les fciences, & principalement celles qui renferment des questions tresdifficiles à éclaircir, font remplies d'un nombre infini d'erreurs; & que nous devons avoir pour fufpects, tous ces gros Volumes que l'on com

pole tous les jours fur la Médecine, fur la Phyfique, fur la Morale, & principalement fur des questions particuliéres de ces fciences, qui font beaucoup plus compofées quedes générales. On doit même juger que ces livres font d'autant plus méprisables, qu'ils font mieux reçûs du commun des hommes; j'entens de ceux qui fout peu capables d'application, & qui ne fçavent pas faire ufage de leur efprit: parce que l'applaudiffement du peuple à quelque opinion fur une matiére difficile, eft une marque infaillible qu'elle eft fauffe, & qu'elle n'eft appuyée que fur les notions trompeufes des fens, ou fur quelques fauffes lueurs de l'imagina

tion.

Neanmoins il n'est pas impossible, qu'un homme feul puiffe découvrir un tres-grand nombre de véritez cachées aux fiécles paffez: fup ofé que cette perfonne ne manque pas d'efprit, & qu'étant dans la folitude, éloigné autant qu'il fe peut de tour ce qui pourroit le diftraire, il s'applique férieufement à la recherche de la vérité. C'est pourquoi ceux-là

font peu raifonnables, qui méprifent la Philofophie de M. Defcartes fans. la fçavoir, & par cette unique raifon, qu'il paroît comme impoffible qu'un homme feul ait trouvé la vérité dans, des chofes auffi cachées que font celles de la nature. Mais s'ils fçavoient la maniére dont ce Philofophe a vêcu; les moyens dont il s'eft fervi dans fes études, pour empêcher que la capacité de fon efprit ne fût partagée par d'autres objets, que ceux dont il vouloit découvrir la vérité; la netteté des idées fur lesquelles il a établi fa Philofophie, & généralement tous, les avantages qu'il a eûs fur les Anciens par les nouvelles découvertes; ils en recevroient fans doute un préjugé plus fort & plus raifonnable que celui de l'antiquité, qui autorile Ariftote, Platon, & plufieurs au

tres.

Cependant je ne leur confeillerois pas de s'arrêter à ce préjugé, & de croire que M. Defcartes eft un grand homme, & que fa Philofophie est bonne, à caufe des chofes avantageu Les que l'on en peut dire. M. Delcartes étoit homme comine les autres,fu

jet à l'erreur & à l'illufion comme les autres: il n'y a aucun de fes ouvrages, fans même excepter fa Géo. métrie, où il n'y ait quelque marque de la foiblefle de l'efprit humain. II ne faut donc point le croire fur fa parole, mais le lire comme il nous en avertit lui-même avec précaution,en examinant s'il ne s'eft point trompé, & ne croyant rien de ce qu'il dit, que ce que l'évidence & les reproches fecrets de nôtre raffon nous obligeront. de croire. Car en un mot l'efprit ne fçait véritablement que ce qu'il voit avec évidence.

Nous avons montré dans les chapitres précédens, que nôtre efprit n'étoit pas infini, qu'il avoit au contraire une capacité fort médiocre, & que cette capacité étoit ordinairement remplie par les fenfations de l'ame; & enfin que l'efprit recevant fa direction de la volonté, ne pouvoit regarder fixement quelque objet fans en être bien-tôt détourné par fon inconftance & par fa légéreté. Il est indubitable que ces chofes font les caufes les plus générales de nos erreurs; & l'on pourroit s'arrêter ici

encore davantage pour le faire voir dans le particulier. Mais ce que l'on a dit fuffit à des perfonnes capables de quelque attention, pour leur faire connoître la foibleflè de l'efprit de l'homme. On traitera plus au long dans le quatriéme & cinquiéme Livre, des erreurs, qui ont pour caufe nos inclinations naturelles & nos paffions, dont nous venons déja de dire quelque chofe dans ce Chapitre.

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