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vre (a), où brillent le bel-efprit, le bon gout, la fagacité, & qui eft écrit d'un Style pur, net & léger. Il s'annonce aujourdhui fous une forme un peu différente. C'est un Raifonneur, un vrai Philofophe, un profond, Métaphyficien, qui donne des marques bien réelles de fes grands talens à traiter, avec ordre, les matières les plus abftraités, les plus fublimes, & qui ne font guère que du reffort des plus puiffans Génies. Les fujets, qu'il s'eft propofé d'éclaircir, de démontrer, font en effet, fi enveloppés de ténebres, & en même tems fi fort au-deffus de la portée des foibles lumières de la plupart des hommes, qu'il faut avoir & une grande pénétration, & une vafte étendue d'efprit, pour débrouiller, & rendre fenfible & palpable, ce qui paroit à tant d'autres un véritable cahos, un abîme, d'où l'on ne fauroit fortir qu'à travers mille écueils.

Dans l'Extrait que j'entreprens de donner d'un Ouvrage fi curieux & fi intéreffant pour un Philofophe, je me propofe de fuivre l'Auteur non pas à pas, non dans tous les détails où il entre, mais dans les routes les moins écartées, d'où un Lecteur un peu attentif & pénétrant puiffe appercevoir les objets les moins éloignés, & qui ont le plus de raport au sujet qu'il examine. Si, dans mon chemin, je rencontre quelque difficulté, qui m'arrête, foit faute de pénétration, par prévention, ou pour envifager un Principe fous un point de vue diffé

rent

(a) Le Mathanafius, ou Chef-d'Oeuvre d'un Inconna, auquel on prétend qu'il a eu bonne part.

rent de celui qui a guidé mon Auteur, je propoferai librement & modeftement mon fentíment, non dans la vue de le critiquer, mais afin que l'on puiffe mieux juger de la vérité ou de la fauffeté d'une Hypothefe, ou d'une Propofition, qui ne paroit jamais mieux dans tout fon jour, que lorfqu'on l'examine dans toute fon étendue, & qu'on en voit clairement, le fort & le foible, le pour & le contre.

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On fait combien il eft facile de tomber dans l'erreur, lors même que, dégagé de tout préjugé, on fe fait un devoir & un plaifir de rechercher uniquement la Vérité. Les plús beaux Génies, les plus grands Philofophes, ceux-mêmes qui fe font le plus appliqués à n'établir pour Principes, que des Vérités reconnues, ont fait des écarts étonnans, & notre Auteur en donne lui-même une infinité d'exemples, en expofant les fentimens d'un grand nombre de Philofophes anciens & moderdont il découvre les méprifes & les erreurs. J'avoue que notre Auteur a un grand avantage, & qu'il a choifi la voie la plus fûre pour ne pas s'égarer. Son Ouvrage eft une file de Raifonnemens, qui fe foutiennent réciproquement, & forment une chaine d'autant plus difficile à rompre, qu'elle femble n'être compofée que de Principes inconteftables. Mais, d'un autre côté, cette même enchainure, cette liaison, peut donner lieu à la ruine entière de tout ce bel Edifice, de cet Ouvrage fi régulier. Un feul Principe fe trouve-t-il faux, voila tout l'Edifice renverfé, tous les autres principes qui en découlent néceffairement, & qui

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n'en

.

n'en doivent être regardés que comme autant de Conféquences, tombent naturellement d'euxmêmes.

Ce qui rend notre Auteur aimable, ce qui le fait lire avec plaifir, c'est fa grande impartialité, fa modeftie,& la retenue avec laquelle il parle des Grands-hommes, dont il combat les fentimens. Point d'injures, point d'invectives, pas la moindre marque de mépris pour ceuxmêmes d'entre les Philofophes, qui ont attaqué les opinions les plus univerfellement reçues & les plus refpectables. En parlant de Spinofa, il ne le traite point, à l'exemple d'une infinité d'Auteurs, ni de Scélérat, ni de Monftre, ni d'Athée, ni d'Impie; il fe contente de dire, en faifant fon portrait, qu'il étoit Bon-homme, fimple, laborieux, auffi peu fuif du côté de l'intérêt, que du côté de la Religion, que fes Maurs lui firent des Amis pendant

&

Sa vie.

Sans connoitre perfonnellement Mr. de St. Hyacinthe, je juge delà, & je ne crois pas me tromper, qu'il eft fort tolérant, amateur de la paix, ennemi de toute perfécution. On trouve bien quelques Auteurs, qui parlent modeftement & même quelquefois avec éloge, des Chefs de Sectes qui ont le plus défiguré la Religion; mais il s'en rencontre peu qui ne lancent contre Spinofa les traits les plus envenimés, pour avoir attaqué la Divinité même, ou du moins pour avoir tâché de détruire l'idée que la plupart des Hommes s'en font formée. Bayle même, qui a tant écrit en faveur de la Tolérance, & qui a parlé fi modestement

de

de tant de Philofophes qui font tombés dans les erreurs les plus groffières, n'a pu s'empêcher d'injurier Spinofa, en réfutant fa Doctrine, tandis qu'il fait fon éloge par raport à fes Mœurs.

Notre Auteur n'a pas fuivi cet exemple. Il fait que ni les injures les plus atroces, ni les mauvais traitemens, ni les tourmens les plus horribles, ne fauroient faire changer les hommes de fentiment. C'eft l'évidence qui doit donner le branle à notre efprit, c'est elle qui doit le déterminer, le fixer, l'arrêter. Quel raport y a-t-il entre une démonftration & une infulte? Je veux faire changer un Philofophe de fentiment, & je commence par lui donner un fouflet, & le traiter de fcélérat. Quel travers, quelle bizarerie! Il faut qu'un Philofophe garde par-tout fon fang froid, lorfqu'il veut prouver, démontrer, perfuader, convaincre fon adverfaire.

Je ne faurois commencer cet Extrait, fans dire un mot de l'Epitre Dédicatoire, adreffée à Sa Majefté Pruffienne. Cette Pièce est moitié Profe, moitié Vers; car l'Auteur n'eft pas moins bon Poëte, que grand Philofophe. Elle commence par ces cinq Vers: SIRE,

De Votre Nom en tous lieux respecté,
Je ne pare point cet Ouvrage.
Pour le mettre à l'abri de la févérité
Du critique Lecteur, qui ne doit son suf
frage

Qu'à la Fustesse & qu'à la Vérité.

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L'Auteur loue enfuite ce Monarque d'avoir remédié, en montant fur le Trône, aux befoins de ceux de fes Sujets qui pouvoient être dans l'indigence; d'autorifer la Liberté néceffaire, en faveur de ceux qui recherchent fincèrement la Vérité, & d'accorder à fes Peuples le droit d'être raisonnables.

Sous le maintien de la Dévotion,

Monftre bideux, qui, dès la tendre enfance
Vient nous bercer; Foibleffe, Paffion,
Mere d'Horreurs, & fille d'Ignorance.
Fui loin d'ici, fui, Superftition,
Et, pour toujours, loin de ces lieux bannie,
Cours, vole, fui chez l'Inquifition,
Tu la verras, avec la Tyranie,
Sa Soeur ainée. Informe-les du fort
Qui les menace, & leur troupe perfide
De crimes noirs. Di-leur que vers le Nord
Regne un HEROS que vont prendre pour
Guide

Les autres Rois; que Jufte & qu'Intré-
pide,
Par fon exemple il va les engager

A renverser votre Empire homicide,
Et dans l'abime enfin vous replonger.

Delà l'Auteur paffe aux entreprises de ce Prince, pour faire valoir les Droits de fa Maifon. Il dit, à ce fujet, que Sa Majesté n'a pris le parti de fe faire juftice par la force de fes Armes, qu'après avoir tout tenté pour éviter la néceffité de l'employer. Il loue fa Prudence, fa Vigilance, fon Courage, fa Valeur, fon Ar

deur

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