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SCENE XVI.

TONTINE, LES DEUX SOEURS.

TONTIN E.

J'Apprends,

Mefdemoifelles, que vous êtes feules en ce lieu. Il eft prefque défert. Le féjour de la Campagne eft ennuyeux quand on y manque de compagnie. Je prends la liberté de vous venir offrir la nôtre, fi elle ne vous eft fagréable.

FLAMIN I A.

pas

Vous nous faites honneur, Madame ; mais des étrangeres comme nous, qui d'ailleurs n'ont jamais vû le monde, ne pourroient que vous être à charge.

TONTINE.

Ne craignez point cela. Je fuis ici avec une jeune veuve qui chante fort bien, & avec une tante, femme âgée mais de bonne humeur; deux Cavaliers très-fages nous y accompagnent. Nous fommes tous de bonnes gens & fans cé

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doute, à vous & à la Tante?

TONTINE.

Nos Epoux? Ils ne font pas feulement nos Amans. Non, Mademoifelle, ils ne que nos Amis.

font

FLAMINI A.

Quoi ? Des Perfonnes de votre fexe, jeunes & aimables, fe promenent ici librement à l'écart avec de fimples Amis? ΤΟΝ Τ Ι Ν Ε.

En votre Pays on en feroit auffi-tôt des Amans, peut être ?

FLAMINI A.

Ce qui m'étonne en cela; ce n'est que la liberté qu'ont ici les Dames.

TONTIN E.

C'eft ici l'ufage: les Dames y font ces parties avec des Amis ou des Amans bien plûtôt qu'avec des Maris: cela eft moins Bourgeois.

SILVIA.

Ah ma foeur, l'heureuse Nation!

TONTINE.

Permettez donc que nos Meffieurs approchent de vous, ils fçavent votre langue, nos Dames nous vont joindre, elles s'habillent; au moins la veuve, car la Tante eft encore fatiguée.

FLAMINIA.

Je vous prie derechef de nous en difpenfer. Quoique je n'aye pas vû le monde, je connois les François, j'ai lû leurs hiftoriettes.

TONTIN E.

N'efperez pas les trouver tels

que vous

les avez vûs dans les Romans; les chofes font un peu changées.

FLAMINI A.

Je crois que l'Amour aura perfectionné chez eux de plus en plus la galanterie. TONTIN E.

On voit bien que vous venez de loin. Il s'agit bien à présent ici de galanterie ! Il y a long-temps que l'Amour ne se mêle plus de les perfectionner. Au contraire, ce font eux qui ont perfectionné l'A

mour.

FLAMINI A. Expliquez-moi donc,je vous prie,com ment cela s'eft fait.

ΤΟ ΝΤΙΝ Ε.

Cela s'eft fait en retranchant de l'amour ce qu'il avoit d'inutile & d'incommode. En aboliffant cette politeffe furannée que vous nommez galanterie. Elle étoit devenue à charge. On l'a renvoyée aux Espagnols & aux Maures d'Afrique

d'où elle étoit venuë, avec fes fêtes galantes, fes Tournois & fes Carrouzels. Tout cela s'en eft retourné de compagnie. FLAMINI A.

Voilà un changement qui m'étonne.
TONTIN E.

Öüi,Mademoiselle, on a banni ces longs préludes de petits foins & de fervices frivoles; ces fentimens de fidele Pasteur: cette timidité ruftique que l'on faifoit paffer pour refpect: enfin toutes les formalitez romanefques. Et fe picquer à préfent d'être galant, c'est vouloir pafpour Gaulois.

fer

FLAMINI A.

Et qu'a-t-on mis à la place de ce qu'on a banni?

TONTINE.

Des plaifirs folides & de bons fens. On a réuni ceux de l'amour & de la table; on y a joint une converfation libre, familiere, enjouée: on dîne aux flambeaux en des réduits difcrets: on fait des promenades fecrettes aux environs de Paris en des lieux pareils à celui où nous fommes. L'Amour eft paffé des bords du Lignon & du Pays de Forefts, dans ceux de Bourgogne & de Champagne. Avouez qu'il a fait un joli voyage.

FLAMINIA.

Mais, n'a-t-il rien perdu de fa délicateffe en ces Pais là ?

TONTINE.

C'eft gagner, que d'en perdre. La bel le perfection pour lui que d'être délicat & fluet comme il étoit autrefois! Il n'avoit prefque plus de corps. Aux Païs dont je vous parle, il a repris chair : il fe fortifie tous les jours : l'enjouement lui revient: il ne demande plus qu'à rire. SILVIA.

Ah! ma foeur le joli Garçon! il y a du plaifir à le connoître en ce Pais-ci, puif-qu'il y eft de fi bonne humeur.

TONTIN E.

à

C'étoit un plaifant amufement pour lui chez nos Peres, que de voir ces cercles d'Amans & d'Amantes, occupez former de belles converfations, à foutenir des Thefes fur la delicateffe, qui faifoient bâiller cet enfant.

FLAMINI A.

Franchement,je crois que cela étoit

un peu ennuyeux.

TONTINE.

Il s'eft guéri fur tout de la colique venteufe du bel efprit; de la migraine que lui caufoient les jolis Vers; les ga

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