페이지 이미지
PDF
ePub

SPINETTA.

Pourquoi ?

TRIVELIN.

C'eft que les vices des hommes se renouvellent tous les jours. Mais puifque vous trouvez tant de plaifir à la. médisance, je ne vous conseille pas de vous en priver.

Croyez-moi, bûvez de nos Eaux à une autre intention que d'oublier les défauts des autres.

SPINETTA.

J'aurois beaucoup d'envie d'en boire pour oublier tout-à-fait mon Sexe & devenir homme; vos Eaux auroient-elles ce pouvoir?

TRIVEL IN.

Plûtau Ciel! nous verrions bien-tôt les Dames venir en foule chez nous.

SPINETTA.

Les hommes n'auroient peut-être pas moins d'empreffement de devenir femmes, quand ce ne feroit que par curiofité.

TRIVELIN.

Ma foi, moi tout le premier.

SPINETT A.

Ah! que fi j'étois homme, j'en fe

rois de belles !

TRIVELIN.

Ah! que fi j'étois femme, j'en ferois de bonnes !

SPINETTA..

Si j'étois homme, je ferois le contraire de tout ce que je vois faire aux

autres.

TRIVELIN

Si j'étois femme, je renchérirois fur les talens des plus hardies Coquettes. SPINETTA.

Si j'étois homme, je ferois le plus difcret du monde.

TRIVELI N.

Si j'étois femme, je ferois la plus grande... parleufe de l'Univers. SPINETTA.

Si j'étois homme, je n'imiterois pas ces petits Maîtres qui préferent le plaifir de publier ce qu'ils n'ont pas fait, à celui d'être heureux, & de fe taire.

TRIVE LIN.

Si j'étois femme je changerois d'Amans comme de chemises.

SPINETTA.

Ah! que je ne prendrois pas pour Maîtreffes de ces capricieufes qui changent tous les jours de goût.

TRIVELI N.

Ah! que je ne prendrois pas pour Amans, de ces grands Flandrins, qui attendent qu'une femme faffe toutes les avances.

SPINETTA.

Point de ces belles indolentes qui avec les traits les plus réguliers n'ont rien de piquant.

TRIVEL IN.

Point de ces gros Effouflez qui fe trouvent tout en eau pour avoir monté un Efcalier.

SPINETTA.

Si j'étois homme, je ne ferois point de préfent aux femmes : tout Amant qui donne n'eft jamais bien aimé.

TRIVEL 1 N.

Si j'étois femme, je tirerois de l'un pour donner à l'autre.

SPINETTA.

elles :

Enfin fi j'étois homme, je ne ferois point jaloux ; j'aimerois les femmes pour moi-même, & non pour je ne m'embarrafferois point d'en être aimé.

TRIVELI N.

C'eft-à-dire, que vous les regarderiez comme un mets qu'on fert fur votre table.

SPINETTA.

Sans doute. Par exemple, j'aime les perdrix & le poiffon, eft-ce que je me foucie que le poiffon & les perdrix m'aiment Mais puifque vos Eaux n'ont pas le pouvoir de me faire devenir homme, je n'en boirai pas dans le deffein d'oublier ce qui peut me fournir les moyens d'exercer ma langue je parlerai plus que jamais, & puifque je fuis condamnée à refter au nombre des femmes toute ma vie, je prétens jouir de tous leurs privileges.

SCENE IV.

TRIVELIN, L'INGRAT.

MAd

TRIVELIN.

Ademoiselle Spinette est une dégourdie. Mais que veut cet homme-ci Il me paroît bien reveur.

L'INGRAT.

Ah! je refpire: me voici enfin arrivé fur les bords du Fleuve d'Oubly; que je vais boire de ces Eaux avec plaisir!

TRIVELIN.

Haut. Sije vous le permets, bas. Età

quelle intention en voulez-vous boire? L'INGRA T.

Pour oublier toutes les obligations. que j'ai à Philandre qui étoit autrefois de mes amis.

TRIVELIN.

Eh! mais les Ingrats n'ont pas befoin d'en boire; il n'y a rien de fi facile pour eux que d'oublier les bienfaits, & vous me paroiffez du nombre. L'INGRAT.

Il eft vray.

TRIVELIN

Et vous ofez l'avouer?

L'INGRAT..

Tous ceux qui ne l'avoüent pas le font-ils moins que moi? Je fuis ingrat par indolence, ils le font par malignité.

TRIVEL IN.

Ingrat par indolence!

L'INGRAT.

Oui. Quand je ne vois point Philandre je ne m'en fouviens plus. Jenéglige les occafions de le fervir; & quand il paroît à mes yeux, je me fais des reproches à moi-même du peu de reconnoiffance que j'ai de fes bienfaits ; c'est pourquoi je l'évite tout autant que je puis.

« 이전계속 »