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un grand événement, quelle reffource ne trouvoit la mémoire dans des mots arrangés pas

fuivant un certain ordre & mesure, de forte que l'oreille feule fuffifoit pour faire remarquer l'omiffion ou le changement de quelqu'un de ces mots? C'eft auffi par cette raison que les lois des anciens Germains étoient écrites en vers. Elles confervent encore le nom de ftrophes, parce qu'on chantoit les odes ou les ftances qui les compofoient. La poéfie eft encore un moyen d'accréditer un ouvrage. Louis le Débonnaire roi de France, engagé par les fuffrages qu'obtenoient les productions poétiques, fit traduire la Bible en vers dans le neuvième fiècle, voulant la divulguer parmi les Saxons. Ottfried, Bénédictin en Alface, traduifit, par la même raifon & dans le même temps, en vers Allemands, les quatre Evangéliftes.

Il eft donc évident que la poéfie, chez toutes les nations, est d'une très-haute antiquité. La Suède en eft fans doute redevable à Odin, qui l'y a introduite (a). Anciennement il n'y avoit

(a) Note de l'Editeur Allemand. M. Thunman, Suédois, Profeffeur à Hall, parlant d'Odin dans un Mémoire fur la Poéfie du Nord, inféré dans le Journal de Hall, no. 32, de l'année 1775, s'exprime ainsi : Odin

pas de Roi ni d'autres perfonnes de diftinction qui n'eût fon Scalde, lequel devoit affifter à tous les événemens importans, pour remarquer ce qui s'y paffoit de digne de fouvenir, & le rendre enfuite en vers. Dans les batailles, la place du Scalde étoit marquée dans l'enceinte (Skældborg) des plus braves guerriers, pour voir de ses propres yeux les brillans exploits de chacun de ceux dont il devoit enfuite chanter les éloges. Il affiftoit auffi aux banquets, pour divertir la compagnie par des faillies ingénieufes

ou Wodan, que tous les anciens peuples de la Germanie ont regardé & adoré comme un dieu, n'a peutêtre jamais été en Scandinavie. Les peuples du Nord ayant tiré une grande partie de leur mythologie de l'ancienne Germanie, y ont auffi placé cette tradition qu'Odin, defcendu de Godheim, c'est-à-dire, du ciel, demeure des dieux, étoit venu fur Manheim, c'està-dire, la terre, demeure des hommes. C'est d'après cette tradition que leurs premiers historiens ont cru pouvoir placer le Manheim en Suède, & le Godheim fur la mer Noire & le Palus-Mæotide, où il y avoit anciennement des Goths. C'eft ainfi qu'on a fait du dieu Odin, un général d'armée, & la fouche de tous les Rois du Nord ; c'est ainsi enfin que, par une mythologie mal entendue, on a élevé un systême historique, que tous les écrivains du Nord ont adopté sur la foi de Sturlefon.

& des morceaux de poéfie à la gloire des héros défunts.

Ces Scaldes ou Poëtes étoient en grande eftime. Ils étoient toujours admis dans la société du Roi, dont ils étoient fouvent les généraux & miniftres. On les appelloit Skaldr, mot que M. Ihre, dans fon Gloffarium Suio-Gothicum, dérive de Skiael, fage, d'où vient Skiaelamen, hommes fages. Ils furent auffi appelés Spekingar, de Speke, qui fignifie fageffe. C'eft de ce mot que dérive to speak, parler des Anglois

C'eft aux poéfies de ces Scaldes que nous fommes redevables des premières lumières que nous avons acquifes dans l'hiftoire de Suède. Il feroit donc injufte de les dépouiller de l'honneur que Tacite leur a fait en leur donnant le nom d'antiquiffimorum annalium genus. Nos anciennes Sagas ou traditions, ne font remplies que de ces poéfies que nous ne devons pas rejeter comme n'étant d'aucun prix, quoique la plupart foient inintelligibles pour nous, par la raison que l'on va voir. Les Scaldes, en compofant leurs poëmes, s'appliquoient à les rendre énigmatiques, non-feulement pour le commun, des hommes, ce dont les Sagas de Giflar Sturfonar, de Viga Glum & de Gretti fourniffent

fourniffent divers exemples (a), mais même encore aux plus grands Poëtes, ainfi que le prouve l'histoire de Gretter (b). Ce qui ajoutoit encore à la difficulté d'entendre ces poéfies c'étoit l'ordre particulier qui s'obfervoit dans la construction de la phrafe poétique. J'en citerai feulement un exemple tiré de Rhenhielm, où les mots dans l'ordre naturel, auroient dû être placés comme le marquent les chiffres (c).

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(a) Gunlaug Ormftunga Saga, p. 292.

(b) Gunl. Ormftunga Saga, p. 292.

(c) La Saga d'Ol. Tryggvason, édition de Rehnkielm,

P. 270.

P

Une troisième cause de la difficulté que l'on trouvoit à comprendre ces poéfies, fe tire de leur langue poétique, qui étoit très - riche, (Skaldskaparmal) & dont on ne pouvoit fe fervir dans l'usage ordinaire, mais uniquement dans la poésie. Cette langue faifoit la partie la plus effentielle des connoiffances littéraires du temps; & on peut en juger par l'application qu'ils donnoient à la beauté & à l'élégance du ftyle. Dans l'Edda imprimée de Refenius, on trouve plus de cinquante mots fynonymes rendre celui de boelja, (flot de la mer ). M. Ihre (a) cite de Lopt Guttormffons Liodalykil, ( hymne d'amour) quarante - sept différens mots, qui tous fignifioient femme. Je vais extraire de ce poëme quelques lignes qui font rapportées dans l'Edda, parmi les Hringa

pour

(a) Lettre à M. Lagerbring fur l'Edda d'Islande; & fur le manufcrit de l'Edda qui se trouve dans la bibliothèque d'Upfal; par M. Ihre, à Upfal, 1772. Cette Lettre eft écrite en fuédois; il en a paru une traduction allemande, avec des additions de M. Schloetzer, profeffeur à Gottingue, dans le premier volume de la Littérature & de l'Hiftoire des Iflandois. Gottingue, 1773, p. 199. Note de l'Editeur Allemand.

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