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ouvrage, puifqu'il étoit Scalde ou Poëte par état. En cette qualité, il étoit à la Cour de Norwège, chez les rois Inge & Hakan Hakanfon, ainfi que chez le Jarl Skule & le duc Skule. Il n'y avoit donc rien d'aviliffant pour lui à donner des inftructions à d'autres qui vouloient imiter ses compofitions; &, de fon propre aveu, c'étoit fon feul objet.

M. Schloetzer tire fon fecond argument de la perfuafion où il eft, que l'âge d'or de la poéfie en Iflande n'avoit pas pu donner le jour à des abfurdités de la nature de celles qui fe font gliffées dans ma lettre. Il prétend en conféquence, que l'EDDA eft une production de temps plus récens, où la poésie en Islande étoit déja dans fa décadence.

Pour fe faire une idée précise de la force de cet argument, il faut favoir que M. Schloetzer divife la littérature ou la poéfie Islandoise en trois périodes. Celui où la poéfie étoit dans fa fimplicité, doit s'arrêter, fuivant lui, à l'époque de l'introdu&tion du chriftianifme. Le fecond, qui eft fon âge d'or, prend depuis le chriftianifme jufqu'à la fin du XIV. fiècle, où la grande pefte, ( Digerdoed (a)) jointe à la réduction

(a) Digerdoed vocatur peftis illa graviffima quæ

de l'Islande par les rois de Norwège, arrêta les progrès de la poéfie ; & le troisième, depuis cette époque jufqu'à nos jours. Je ne difcuterai point le mérite de cette divifion, quoiqu'il me paroiffe difficile à comprendre comment l'influence du chriftianifme auroit pu donner quelque reffort au génie poétique. Je comprends encore moins que la pefte qui ravageoit l'Iflande vers le milieu du XIVe. fiècle, ait produit fur les Scaldes qui lui ont furvécu, les mêmes effets que fur la population & fur la culture du pays; mais ce que je vois bien plus clairement, c'est que quiconque voudra claffer les Scaldes avec quelque certitude, doit connoître à fond leur langue, & comparer entre elles les facultés de leur génie. Il feroit téméraire, par exemple, de vouloir déterminer fous laquelle des dynafties des Chinois leur poéfie a brillé dans fon plus grand éclat, tant que nous ne pouvons pas entendre leurs vers fans le fecours d'un interprète, & qu'encore ne feroit-il pas aifé d'en trouver.

Je prendrai la liberté d'obferver à M. Schloetzer

univerfam Europam fub medio fæculi XIV divexabat. Voyez Gloff. Scio-Gothicum, par M. Ihre. Note du Traducteur.

que les exemples de la poéfie Iflandoife que j'ai cités, ne prouvent rien de ce qu'il prétend leur faire prouver. Les vers de Lopt Gutormsson ne fe trouvent pas dans l'Edda; & quoique l'autre poëme faffe partie de l'édition que Refenius a donnée de l'Edda, il n'eft point dans notre manufcrit d'Upfal. On ignore donc le temps auquel il faut rapporter ce morceau ; & malà-propos voudroit-on s'en fervir pour faire douter que Snorre foit l'auteur de l'Edda. Avant de hafarder d'écrire, il eft effentiel d'être bien pénétré de fon fujet.

Je ne prétends point juftifier les tournures fingulières des paffages que j'ai cités. On fait que les phrases en ufage dans différentes langues, rendues dans une autre, perdent nonfeulement la beauté qui leur est propre, mais y ont fouvent très-mauvaise grace. On ne s'ima gineroit point, par exemple, que de fouler les étoiles aux pieds, renferme l'idée d'un grand bonheur. Pour exprimer un doute, on fe rendroit fûrement inintelligible par une image d'eau fufpendue. Ces fortes de phrafes, fans parler de quantité d'autres, étoient cependant très-familières aux Latins. Nos ancêtres, qui indubițablement defcendoient des orientaux, en ont auffi adopté les manières de parler allégoriques.

Le goût des anciens pour les énigmes, a dû, felon moi, contribuer beaucoup à mettre ces métaphores en vogue. Le mérite de ces énigmes confiftoit le plus fouvent dans les expreffions les plus détournées; & l'usage, par la fuite, les a introduites dans la langue, & les a fait regarder comme des beautés. On ne doit pas au furplus se permettre de décider fur des fujets qui appartiennent au génie & au goût, quelque différens qu'ils nous paroiffent de l'usage reçu chez d'autres nations.

Le troifième & le dernier argument de M. Schloetzer, & peut-être le moins folide des trois, eft fondé fur la contradiction entre L'EDDA & le HEIMSKRINGLA de SNORre. J'ai voulu faire voir dans ma lettre que les anciens entendoient par leur Afgard, la ville de Troye. Je fonde ma conje&ure fur cette base. C'eft que tout ce qui eft dit d'Afgard par les anciens du nord, a été dit de Troye par les Grecs. J'ai donc droit de penfer que Troye & Afgard font une même chofe, à moins qu'il ne foit prouvé que Sturlefon s'eft contredit lui-même. Il eft aifé de voir que ce que j'ai avancé, ne fait pas même naître l'idée de la moindre contradiction entre l'Edda & le Heimskringla, mais feulement que le livre en

queftion a été défigné par deux noms différens, M. Schloetzer entend fûrement ce que veut dire argumentationes ab abfurdo.

Jufqu'ici je ne me fuis occupé que des raifons par lefquelles M. Schloetzer entend prouver que l'Edda n'eft pas de Sturlefon. Il faut à préfent que je démontre le contraire ; & pour cela, je me bornerai à un feul argument, mais qui aura la force de plufieurs. Le copiste du manufcrit de l'Edda que nous avons à Upfal, affirme expreffément fur le titre, que Sturlefon eft l'auteur de cet ouvragc. Ce témoignage eft d'autant plus impofant, qu'il eft visible, par la copie elle-même, qu'elle n'eft pas plus récente que le XIV. fiècle, & qu'elle a été faite fur le lieu par un Islandois, qui n'auroit pas voulu perdre fon temps à la copie d'un ouvrage dont il auroit ignoré l'auteur. Il me paroît même évident que c'étoit là l'opinion générale des Iflandois, & voici ma raison. C'eft qu'il y a toujours diverfes conjectures fur l'auteur d'un ouvrage anonyme, & que cependant il n'y a guère que Sturlefon qui foit nommé comme l'auteur de l'Edda.

A cette occafion, je ne puis paffer fous filence ce que j'ai vu dans le Journal Danois, publié par M. Lilie, 1756, page 326. C'est

que

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