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Lorfque nous y arrivâmes, nous vîmes l'eau jaillir jufqu'à dix fois en cinq heures, à la hauteur de foixante pieds. L'eau étant montée au bord du tuyau, ne rempliffoit le cratère que peu à peu, & elle débordoit à la fin. Nous nous attendions à un jet d'une grande hauteur, qui n'eut pas lieu auffi tôt. M. Lind, qui nous accompagnoit comme Aftronome, dreffa fon quart de cercle pour en prendre l'exacte hauteur.

Dans l'après-midi, à quatre heures & quelques minutes, la terre trembla; & cette fecouffe se fit également fentir en divers endroits, fur la cîme de la montagne à cinq cents braffes de l'ouverture. Elle fut accompagnée d'un bruit fouterrain, comme de plufieurs coups de canon qui fe fuccéderoient. L'inftant d'après, le jet commença, & la colonne d'eau, qui, d'après nos obfervations, montoit à quatre-vingt-dix pieds, fe divifa en différentes directions; mais ce qui ajouta à l'étonnement que nous caufèrent les effets finguliers du feu & de l'air, c'est que nous vîmes remonter les mêmes pierres que nous venions de jeter dans l'ouverture.

Vous imaginerez aisément, Monfieur, le plaifir avec lequel nous paffâmes une journée en cet endroit. Je ne fuis plus furpris qu'une nation auffi portée à la fuperftition que le font

les Iflandois, fe perfuade que cette ouverture eft l'entrée de l'enfer. C'eft auffi par cette raifon qu'aucun Iflandois ne paffe jamais devant une de ces ouvertures fans y cracher, en prononçant ces paroles Uti fandens mund, ce qui veut dire: Dans la gueule du Diable. »

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Il eft temps de finir cette Lettre, qui n'eft déja que trop longue. Je mettrai cependant encore votre patience à l'épreuve, en vous faifant part d'une particularité qui mérite d'être connue. Les phyficiens ont fixé leur attention fur ces grandes & extraordinaires colonnes, travaillées par la main de la nature tant en Iflande qu'en d'autres endroits. Celles de Giants Caufeway, (la chauffée des geans) en Irlande, font regardées comme les plus grandes & les plus régulières. Dans notre tournée des îles occidentales de l'Ecoffe nous découvrîmes un endroit qui l'emporte fur la chauffée des géans.

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L'île de Staffa (a) toute entière formée que de ces colonnes, & elles font de

(a) Note de l'Editeur Anglois. Voyez la description de l'île Staffa, par M. Jofeph Banks, inséréé dans Pennants Tour en Ecoffe, & le Voyage aux Hebrides, 1772, page 299, 3c9. Les bafaltes y font fupérieu

la plus grande régularité. La matière en paroît être la même que de celles d'Irlande. On en voit de triangulaires & d'heptagones. Chaque colonne eft entourée de plufieurs autres qui la touchent de fi près, que la distance est presque imperceptible. Cette petite distance, ou ce peu d'interftice, fe trouve le plus fouvent rempli par une croûte cristallifée. Les colonnes font perpendiculaires, ou inclinées. Il y en a qui fe présentent comme la charpente d'un vaiffeau. La plus haute de ces colonnes a cinquante-cinq pieds & un pouce, & chaque pierre à jufqu'à deux pieds. On trouve ici une grotte longue de trois cents foixante - fept pieds, large de cinquante-trois pieds fept pouces, & haute de cent dix-fept pieds fix pouces, qui n'eft compofée que de ces colonnes. Il y a dans cette grotte de l'eau jusqu'à trois brasses, ( dix-huit pieds) de forte qu'un bateau y entre aifément.

Il eft difficile de dire comment fe font formées ces colonnes. L'opinion la plus vraisem

rement bien repréfentés; les gravures font exécutées avec la dernière exactitude, par M. John Fredr. Miller, qui avoit été employé par M. Banks. Celui-ci les a communiquées pour faire l'ornement du livre de M. Pennants.

blable, & qui trouve le plus de crédit, c'est que ces colonnes font des reftes d'anciens volcans, ce dont l'Ecoffe offre des preuves inconteftables. Vous ne me ferez cependant pas l'application de l'anecdote du moine & de la jeune fille qui, d'après le rapport d'Helvétius, trouvoient chacun une chofe différente en regardant les taches de la lune; le moine y voyoit une cloche, tandis que la jeune fille y voyoit un amant avec fa belle. Nous fommes trop enclins à vouloir que les chofes foient telles qu'il nous convient de nous les figurer. Cependant je crois que mes opinions fur les volcans ne font pas dénuées de fondement. Je vous les réferve pour mon retour en Suède, & je me flatte qu'elles vous fatisferont.

LETTRE X X. *

AU MÊME,

Sur les Volcans en Iflande.

LA collection des morceaux de différentes matières des volcans, que j'ai faite pendant mon féjour en Iflande, étant arrivée, je prends la liberté de vous l'envoyer. J'y ajoute quelques détails fur ces volcans. Ils font tirés en partie des ouvrages Islandois. J'en ai recueilli quelques-uns des habitans ; d'autres font le fruit de ;; mes propres recherches. C'eft en général tout ce que j'ai cru mériter d'être mis fous vos yeux. Il est vraiment fâcheux que, dans un fiècle où l'on s'eft occupé avec tant d'ardeur & de foin de l'Hiftoire Naturelle, on ait presque entièrement négligé d'observer les finguliers phénomènes que la nature offre en Iflande. Jufqu'ici il n'y a que très-peu du grand nombre de fes volcans qui foient connus. Mais ce qui eft fur

* Cette lettre eft la dix-huitième dans l'original, & elle est datée de Stockholm le 1er. septembre 1773.

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