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Ces ouragans, joints aux gelées des mois de mai & de juin, multiplient trop les obftacles au fuccès de l'agriculture en Iflande. Ce ne feroit que par le zèle d'un patriote tel que M. Thodal, qui, foutenu du gouvernement, travailleroit à furmonter toutes les difficultés, qu'on pourroit fe flatter d'y voir renaître l'agriculture.

C'eft aux glaces de Groenland, ainfi qu'aux ouragans, vraies causes du dépériffement des bois en Iflande, qu'on doit attribuer la mauvaise iffue de toutes les tentatives qu'on a faites jufqu'ici pour y régénérer cet art.

Ces glaçons ne viennent que peu à peu; c'eft toujours le vent de l'Eft qui les amène, fouvent en fi grande quantité, que les golfes & les baies de la partie de N. O. de l'île se trouvent en être remplis. La pleine mer même, autant que la vue peut s'étendre, en eft couverte; quelquefois ils réuniffent des côtes oppofées. Ils viennent ordinairement dans le mois de janvier, & s'en vont dans le mois de mars. Quelquefois ils n'arrivent jufqu'à l'île qu'au mois d'avril; alors ils ne fe retirent pas de fitôt, & ils font grand tort au pays. Quand ils paroiffent, on croiroit voir de grandes montagnes ( Fjalljakar), qui fouvent ont plus de foixante braffes

de hauteur, & ils font annoncés par un grand bruit. Dans quelques parties les glaçons font plats (Hellu-is) (a), & n'ont que trois braffes de hauteur. Les plus élevés font compofés de glaçons, qui font accumulés l'un fur l'autre. Ceux dont la groffeur eft moins énorme se fondent bientôt, au lieu que ceux de foixante braffes de hauteur reftent pendant plufieurs mois, & les effets en font des plus funestes au pays (b).

(a) M. Phips, aujourd'hui lord Mulgrave, dans le voyage qu'il fit en 1773 au pole arctique, rapporte qu'il a vu des montagnes de glaces de cinquante pieds au deffus de la fuperficie de l'eau, qui s'étoient arrêtées fur un bas-fond de la mer, à vingt-quatre braffes au deffous de l'eau.

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(b) Note de l'Editeur Anglois. C'est le vent de N. O. ou N. N. O. qui mène de Groenland ces énormes monceaux de glaces', qui s'échouent le long des côtes de N. & de N. O. de l'Iflande, & qui portent tant de préjudice au pays. Les glaçons plats de deux ou trois brasses d'épaiffeur font féparés par les vents, & moins redoutés que les montagnes de glaces, dont la profondeur fous l'eau eft de neuf fois leur élévation au deffus de l'eau. Ces énormes maffes s'arrêtent quelquefois fur des bas-fonds, & y reftent des années fans fe fondre, refroidiffant l'atmofphère à plufieurs lieues à la ronde. Lorfque plufieurs

En

En 1753 & 1754 ces glaçons refroidirent tellement l'atmosphère de l'Iflande, qu'il mou rut beaucoup de chevaux & de moutons, les uns de froid, & les autres par le manque de fourrage. On vit les chevaux ronger des os de beftiaux, & les moutons fe manger la laine les uns aux autres (a). A la fin du mois de mai 1755, la gelée fut fi forte, que la glace avoit plus de dix-fept lignes d'épaiffeur. En 1756, le 26 juin, il neigea en Islande jusqu'à deux pieds de hauteur. Il ne ceffa pas de neiger pendant les mois de juiliet & d'août. L'année fuivante, à la fin de mai & au commencement de juin, la gelée fut fi vive au midi de l'île, que tous les herbages périrent, & qu'il n'y eut point de fourrage pour le gros bétail. Ces fortes de gelées font d'autant plus fâcheuses,

qu'elles

de ces montagnes de glaces flottent ensemble, il arrive que les arbres qu'elles entraînent, étant ferrés les uns contre les autres, prennent feu par un violent frottement; c'est ce qui a fait dire qu'on voyoit quelquefois des montagnes de glaces vomir des flammes, mais on croyoit ces rapports fabuleux. Voyez les obfervations de Forster, faites dans un voyage autour du du monde en 1773 & 1774, p. 69.

(a) C'eft quelquefois une maladie des moutons. En cette occafion c'étoit l'effet du befoin.

C

font ordinairement fuivies d'une famine. L'hiftoire d'Islande n'en rapporte que trop d'exemples (a).

(a) Note de l'Edit. Anglois. Le froid paroît être confidérablement augmenté en Islande, depuis le temps où l'île étoit couverte d'arbres; & l'Océan n'y a pas toujours charrié tant de glaçons. Ces faits paroiffent prêter beaucoup d'appui à l'opinion de M. de Buffon dans les Epoques de la Nature, lorfqu'il dit que les régions boréales étoient autrefois plus habitées qu'elles ne le font aujourd'hui. Il cite des fquelettes d'éléphans trouvés dans la partie feptentrionale de la Sibérie, comme des preuves inconteftables qu'il y a eu un temps où l'air y étoit plus tempéré, puisqu'on ne les y eût pas trouvés en fi grand nombre, fi ces animaux n'euffent été en Sibérie dans leur pays natal. Epoques de la Nature, p. 165, &c. Anciennement les côtes orientales du Groenland étoient habitées par des colonies Norwégiennes, qui y avoient un fiège épifcopal, nommé Gardar. De ce fiège dépendoient des fermes, des bois, des pâturages, des granges & des terres labourables. L'Hiftoire de Groenland, vol. I, P. 245, par Crantz, prouve manifeftement que ces pays, aujourd'hui inhabitables, ont joui des douceurs d'un climat plus tempéré. Autrefois les vaiffeaux remontoient jufqu'à fes côtes orientales, tandis que depuis fort long-temps elles font inacceffibles, par l'immenfe quantité de glaces qu'on y trouve. Are, dans fes Scheda de Iflandia, imprimées à Oxford en

Des bandes d'ours, plus ou moins nombreuses, qui viennent fur les glaçons, font encore un des fléaux du pays, fur-tout par le dégât qu'ils font parmi les troupeaux de moutons. Les habitans font tout leur poffible pour détruire ces envahiffeurs, auffitôt qu'ils les apperçoivent. Quelquefois ils forment un cordon les faire retourner à la mer, pour où on les voit remonter fur leurs glaçons, & s'en aller. Au défaut d'armes à feu, les Islandois dans ces chaffes aux ours fe fervent très-fouvent de ques. Ils y font encouragés par le Gouvernement, qui promet une récompense de 10 rixdales pour chaque ours tué. On leur paie en outre le prix des peaux, que le roi feul peut acheter (a).

pl

Il eft abfurde de prétendre que ces glaçons contiennent du falpêtre, & que par conféquent

1716, chap. 2, p. 10, rapporte que l'Islande, à la première arrivée des Norwégiens dans cette île, étoit couverte de forêts dans les intervalles des montagnes jufqu'au bord de la mer.

(a) Il eft à remarquer qu'autrefois les marchands faifoient transporter de Norwège en Islande des ours vivans, & que les anciens canons de l'église y permettoient de manger de la viande de ces ours. Voyez Kriftin. Rettr. Copenhague, 1776, p. 132.

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