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DIALOGUE

DE THERSITE, DE NIRE'E ET DE MENIPE.

NIRÉE.Va lequel de nous deux

Oicy Menipe qui juge

est le plus beau.

ra

MENIPE. Il faut fçavoir premierement qui vous estes.

NIREE. Nirée & Therfite.

MENIPE. Lequel de vous deux eft Nirée, & lequel Therfite car je ne le fçaurois difcerner.

THERSITE. J'ay déja cet avantage, qu'avec ma tefte pelée & pointuë, nous fommes fi femblables, que noftre Juge ne nous a pû reconnoiftre: Dy maintenant, Menipe, lequel de nous deux te femble devoir remporter le prix de la beauté.

NIRÉE. Moy, fans doute, qui fuis fils de Carops & d'Aglaye, & le plus beau de tous ceux qui furent au Siége de Troye.

MENIPE. Mais, mon amy, tu n'as point apporté ta beauté en l'autre monde; & s'il y a quelque difference entre ta carcaffe & la fienne, c'est que la tienne

est

eft plus fragile, parce que tu n'eftois qu'un effeminé.

NIRÉE. Demande un peu à Homere comme j'estois fait là-haut.

MENIPE. C'eft un fonge que la vie, Nirée; il ne faut pas regarder ce que tu eftois autrefois, mais ce que tu es main

tenant.

NIRÉE. Quoy! je ne fuis pas encore plus beau que luy?

MENIFE. Voulez-vous que je vous dife, vous n'eftes beaux ny l'un ny l'autre, ny pas un d'entre les Morts; car il n'y a point de diftinction.

Car il n'y a point | joûter des paroles inde diftinction: J'aime utiles.

mieux finir là,que d'a

DIALOGUE

DE MENIPE ET DE CHIRON.

MENIPE.

J'A

'Ay ouï dire, Chiron, que pouvant eftre immortel,tu avois fouhaité la mort; Comment as-tu pû avoir de l'amour pour une chose fi peu aimable?

CHIRON. C'eft que j'eftois las de

vivre.

Tome T

V

MENIPE. Mais n'eftois-tu aife de voir la lumiere ?

pas bien

CHIRON. Non; car je ne faifois tous les jours que la mefme chofe, boire, manger & dormir ; & le plaifir de la vie confifte dans la diverfité.

MENIPE. Mais comment fupportestu la mort, après avoir quitté la vie pour elle?

CHIRON. Sans déplaifir; Car il y a une certaine égalité parmy les Morts qui ne me déplaist pas ; comme dans un eftat populaire, où l'un n'est pas plus grand Seigneur que fon compagnon ; & il ne m'importe qu'il foit jour ou nuit : outre qu'on a cet avantage icy bas, qu'on n'est pas tourmenté de faim ny de foif, & des autres incommoditez de la vie humaine.

MENIPE. Prens garde, Chiron, que tu ne retombes infenfiblement dans le défaut que tu as voulu éviter ; car fi tu t'es laffé de la vie, parce que tu faifois tous les jours la mefme chose, tu te lafferas, à plus forte raifon, de la mort, où tout eft femblable.

CHIRON. Que faut-il donc faire, Menipe!

MENIPE. Ce que font les Sages: Se contenter de fa condition

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& croire

qu'il n'y a rien d'infupportable ny dans la vie ny dans la mort.

********************** DIALOGUE

DE DIOGENE, D'ANTISTHENE,
ET DE CRATÉS.

Uifque nous fommes
allons nous

DIOGENE. P faifir,

de

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promener vers la porte, pour voir ceux qui entrent, & ce qu'ils difent.

ANTISTHENE. Je le veux; car c'est un plaifir de voir les uns pleurer, & les autres fupplier qu'on les relafche, ou fe roidir, en defcendant, contre celuy qui les méne.

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CRATES. Je vous veux conter à ce propos, ce qui m'arriva à la descente. Nous eftions grand nombre; mais les plus apparens eftoient Arfacés Satrape des Médes, Oronte l'Armenien, & le riche Ifmenedore. Le dernier avoit efté tué par des voleurs près la Montagne de Cithéron, comme il alloit à Eleufine, & avoit encore les mains toutes fanglantes des coups qu'il avoit receus; auffi fe laOronte : 11

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y a au

Oratés mai'autre mot eft plus

beau en noftre langue.

mentoit-il étrangement, & regrettoit fes enfans qu'il laiffoit encore jeunes, s'accufant d'une extrême imprudence, de ce qu'ayant à paffer par des lieux que la guerre avoit défolez, il n'avoit mené que deux valets avec luy, quoyqu'il euft quantité de vaiffelle d'or & d'argent. Arfacés eftoit un venerable vieillard, qui fe fafchoit fort d'aller à pied contre la coûtume des Parthes, & qui euft bien voulu qu'on luy euft amené fon cheval, qui avoit efté tué avec luy. Car comme il couroit à toute bride devant les autres, en une Bataille contre le Roy de Cappadoce, un foldat Thracien s'avançant, mit un genou en terre, afin de fe tenir plus ferme, & détournant de fon bouclier le coup que luy portoit Arfacés, donna de fa picque dans le poitrail de fon cheval, de telle roideur, qu'il perça homme & cheval tout-ensemble, l'impetuofité de fa course ayant redoublé la force du coup. Pour Oronte, il avoit les jambes fi foibles, qu'il ne fe pouvoit tenir debout, ce qui arrive ordinairement à ces peuples, accoûtumez à aller à cheval; de forte qu'en mettant pied à terre, on diroit qu'ils marchent fur des épines: Il bronchoit donc à chaque pas, fans qu'on le pust faire avancer; fi bien que Mer

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