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parmy la foule. On y traita de diverfes matieres, dont la derniere fut celle des Riches, à qui l'on fit des reproches de leur infolence & de leur préfomption. Alors un des principaux de l'Affemblée fe levant, leût ce Decret. Sur ce qui nous a efté reprefenté, Que les Riches, pendant leur vie, font beaucoup de mal aux Pauvres, & les baffoüent & mal-traitent a femblé bon au Senat & au Peuple qu'après leur mort, leur corps foit condamné aux peines comme les autres ; & pour leur ame, qu'elle passe inceffamment d'afne en afne, pour eftre battuë & chaffée par les Pauvres, comme ils les ont battus & chaffez pendant leur vie jufqu'à ce que le terme foit accomply de deux cens cin quante mille ans, après lequel il leur fera permis de fe retirer. Un tel, fils d'un tel d'un tel païs, & d'une telle Tribu, a fair ce Decret. Cette Ordonnance leuë, le Magiftrat l'approuva, le Peuple la ratifia, Cerbere en aboya, & Proferpine en bourdonna, qui font les formes des verifications dans les Enfers. Voilà ce qui fe paffa ce jour-là dans l'Affemblée après quoy, je continuay mon chemin, & fus confulter Tiréfias, qui eftoit le fujet de mon voyage. Je luy dis d'abord ce qui m'avoit amené, & le priay de me

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dire fon fentiment. Alors fe foûriant d'une
façon ridicule, comme c'est un petit
vieillard aveugle, tout contrefait, il me
dit d'une voix grefle, Mon fils, je vois
bien que tu as fréquenté les Philofophes,
& que ce font eux qui ont cause ton
incertitude; car ils ne font pas d'accord
de ce que tu veux fçavoir; mais il n'eft.
pas permis de le révéler, de peur qu'on
ne nous accufe d'impieté devant le Tri-
bunal de Rhadamante. Ha! mon petit
bon-homme, luy dis-je, ne me laiffe
pas languir davantage dans un aveugle-
ment plus grand que le tien. A ces mots,
comme s'il euft eû pitié de moy, il me
tira à part,
& s'approchant de mon
oreille, La meilleure vie, dit-il, c'est la
plus commune. C'eft pourquoy quittant-là
toutes ces chimeres des Philofophes, &
ces vaines fpeculations fur la fin, & le
principe des chofes, & tenant pour cer-
tain que tous leurs beaux raifonnemens
ne font rien que de fubtiles impostures
fonge à vivre & à te réjouir. Cela dit
il fe déroba, & rentra dans fon Pré
d'Afphodele; & moy, parce qu'il se fai-

C'eft la plus commune. cette vie à celle des
Je l'ay mis ainfi, parce
le deffein de l'Au-
teur n'eft pas d'oppofer

que

Grands, mais à celle des Philofophes,comme la fuite le fait voir.

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foit tard, je dis au Mage, qu'il eftoit
temps de fe retirer & de reprendre
noftre chemin. Ne te mets point en pei-
ne, dit-il, j'en fçais un plus court ; &
me prenant par la main, il me mena en
une contrée plus obfcure, où me mon-
trant du doigt un foible rayon de lu-
miere qui paffoit à travers une fente:
C'eft-là, dit-il, l'Oracle de Trophonius,
& le chemin par où l'on descend de la
Beocie dans les Enfers; remonte par-là,
& tu feras incontinent en ton païs. Moy
tout réjouy, je pris congé du Mage; &
grimpant du mieux que je pûs, je me
fuis trouvé
Lébadie.

je ne fçais comment, ä

CARON,

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CARON, OU LE CONTEMPLATEUR.

DIALOGUE.

CARON, MERCURE,
Et plufieurs autres parlent.

Il dépeint icy la vanité des chofes du monde, d'une façon très-agréable.

MERCURE. D

DE quoy ris-tu, Caron, & pourquoy quittant ta nacelle, es-tu venu icy-haut chercher la lumiere Tu n'avois pas accoûtumé de te mefler des chofes du monde.

CARON. J'ay voulu voir ce qui s'y paffe, & ce que les hommes regrettent tant,quand ils meurent; car perfonne n'eft entré dans ma nacelle fans larmes. A l'exemple donc de ce jeune Theffalien, j’ay demandé de pouvoir eftre un jour abfent du navire; & en ayant obtenu la permiffion, je fuis monté jufques-icy, trèsheureux de t'avoir rencontré ; car je fuis feur que tu me montreras tout.

Ce jeune Theffalien. C'eft Protefilas, dont il eft parlé plus haut,

Tome I.

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MERCURE. Je n'ay pas le loifir Caron; car j'ay quelque commiffion de la part de Jupiter, & tu fçais qu'il eft colere, & que fi je tardois trop, i! me pourroit laiffer pour jamais avec vous dans les Enfers; ou me prenant par un pied, comme il fit Vulcain, me précipiter en bas du Ciel, pour faire rire enfuite les Dieux, lorfque je leur verferois à boire tout clopinant.

CARON. Quoy! tu abandonnerois ainfi ton ancien amy, & ton camarade, errant par le monde fans guide? Souvien-toy que je ne t'ay jamais fait prendre la rame, ny tirer à la pompe, en paffant la Barque, quoyque tu fois fort & robufte; mais en arrivant là-bas, tu te couches tout de ton long fur le tillac, & dors tout ton foûl, fi ce n'eft que tu rencontres quelque babillard d'entre les Morts pour t'entretenir. Cependant tout vieux que je fuis, il faut que j'empoigne la raine, & que je vous paffe à l'autre bord. Ne m'abandonne donc point, je te prie, mon petit Mercure; car comme les autres chancellent dans les tenebres, je fuis tout éblouï à la lumiere.

MERCURE. Tu as envie de me faire battre ; mais on ne fçauroit éviter fon malheur, ni rien refufer à fon amy.

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