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récompenfe,& que le Prince mefme n'en eft pas exempt. Car, fans parler des Tributs qu'on luy paye, qui font comme les appointemens de la Royauté ; les Statues & les Temples qu'on luy dreffe, avec les louanges & les benedictions qu'on luy donne, font le falaire & la récompenfe de fes foins & de fes veilles ; de forte qu'on pourroit dire, fi ce n'eftoit trop entreprendre, que fon employ & le mien ne different que du plus & du moins, & qu'il y a la mefme proportion que du petit au grand. Veritablement fi j'avois pofé pour fondement comme quelques Philofophes, que le fage ne doit rien faire, on auroit fujet de m'accufer d'avoir contrevenu à mes Loix, & peché contre mes maximes; mais fi l'on doit s'employer à quelque chofe, comme perfonne n'en peut douter, à quoy peut-on mieux s'occuper qu'à rendre fervice à fon Païs? Ajoutez à cela, que je ne fais pas profeffion de cette haute fageffe que quelques réveurs font confifter en la feule contemplation; mais d'une fageffe humaine, conforme à noftre nature & à noftre befoin, qui veut qu'on foit utile aux autres & à foy - mesme fans eftre un inutile faix de la terre, comme dit Homere. J'ay choifi donc un

employ qui euft quelque proportion à ma capacité, & à l'étude que j'avois faite toute ma vie, & où je puis dire que j'avois acquis quelque réputation. Et veritablement, je ne croy pas que tu me puiffes condamner, veu que tu fçais ce que je faifois en Gaule, lors que tu y arrivas en vifitant les Provinces de l'Occident; & comme j'y tenois rang parmy les plus célebres Rhéteurs, & recevois de grandes récompenfes de mon travail. Je tay écrit cecy au milieu de mes occupations, pour me juftifier auprès de toy, à caufe de l'eftime que je fais de ton mérite & de ton approbation. Pour les autres, qu'ils me condamnent tant qu'il leur plaira, c'eft dequoy Hippoclide ne fe foucie point, comme dit le Proverbe Grec.

Il y a icy un Traité, fur ce que Lucien s'eftoit mépris en faluant quelqu'un, & avoit dit le matin ce qu'on a couftume de dire le foir, comme qui diroit bon foir ou Adieu, pour bon jour, ou Dieu vous gard: Mais il ne fe peut traduire, à cause de diverfes allégations qui font renfermées dans la proprieté des termes Grecs, & qui n'ont point de rapport à noftre façon.

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HERMOTIME, OU DES SECTES.

Il fe rit des promeffes magnifiques des PhiLofophes, & montre, que toute leur felicité n'eft qu'une chimere, & que perfonne n'y est parvenu.

DIALOGUE.

LYCINUS, ET HERMOTIME.

LYCINUS.

Te voir aller fi vifte,

A Hermotime, avec ton

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Livre fous le bras, tu vas fans doute chez ton Philofophe; car tu remuës les lévres & fais des geftes de la main comme fi tu récitois ta leçon. N'est-ce point que tu repaffes dans ton efprit quelque queftion épineufe, ou quelque argument captieux, pour n'eftre pas mefme inutile

Hermotime, ou des voient éclaircir. Je n'ay Sectes: J'ay donné jour rien pourtant ofté du à ce qui eftoit trop em- raifonnement, au conbrouillé dans ce Dia- traire, j'y ay ajouté, logue par la multitude fi bien que je puis dire des comparaifons&des que ce Dialogue eft exemples, qui obfcur- pour le moins auffi fort ciffoient ce qu'ils de-icy que chez l'Auteur,

pendant le chemin, & faire toûjours quelque progrès dans la Vertu ?

HERMOTIME. Il eft vray que je fongeois à la leçon d'hier', pour ne point perdre le temps qui nous eft fi précieux. Car, comme dit Hippocrate, la vie est courte, & l'art long & difficile. Que fi cela eft vray dans la Medecine, il l'eft à plus forte raison dans la Philofophie, qui eft beaucoup plus confiderable, & où il ne s'agit pas de la fanté, mais de la félicité de l'homme.

LYCINUS. C'est une chofe de grand prix, Hermotime; mais tu ne dois pas, à mon avis, en eftre fort éloigné, fi l'on en peut juger par le long-temps qu'il y a que tu t'y appliques, & par la peine que tu prens depuis vingt ans, à fréquenter les Ecoles, & à tranfcrire des Leçons, toûjours courbé fur un Livre avec un visage pafle & défait, & ne repofant pas mefme durant la nuit. Car, je croy que tu ne rêves à autre chofe en dormant, ce qui me fait juger, comme j'ay dit, que tu n'es pas bien loin du but, fi tu fitu n'y es déja arrivé.

HERMOTIME. Je ne fais que commencer, Lycinus, & tu fçais que la Vertu demeure en un lieu haut & reculé comme dit Héfiode, & qu'on a beaucoup

de peine à y monter par un fentier rude. & épineux.

LYCINUS. Mais n'as-tu pas affez fué & travaillé en l'espace de vingt an

nées ?

HERMO TIME. Je ne fuis encore qu'au pied de la montagne.

LYCINUS. Mais qui a bien commencé, comme dit le mefme Poëte, a fait la moitié de l'ouvrage : fi bien qu'on peut dire que tu es déja vers le milieu. HERMOTIME. Tu me flattes, Ly cinus, je n'avance gueres, parce que la montée eft rude & difficile, & que je n'ay perfonne qui me tende la main d'en haut.

LYCINUS. Ton maistre n'eft-il pas capable de t'enlever jufques-là par fes difcours, comme par la chaifne d'or de Jupiter; car il y a long-temps qu'il eft au fommet?

HERMOTIME. S'il ne tenoit qu'à luy, je l'aurois déja atteint; mais comme je veux m'élever, ma nature baffe & terreftre me ramene vers le bas.

LYCINUS. Il faut prendre courage, Hermotime, fans perdre jamais de yeuë fon objet, fans s'animer davantage, fur tout ayant un fi bon guide. Mais encore, quand te donne-t-il efperance d'y

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