me. Les uns ont dit que les Bêtes avoient des Ames, mais que ces Ames étoient matérielles : les autres, qu'elles étoient fpirituelles mais moins parfaites que celles des Hommes. Enfin, que les Bêtes connoiffoient, mais qu'elles ne raifonnoient point, Tous fentimens auffi infoutenables les uns que les autres. Ces Philofophes, font continuellement en contradiction avec eux-mêmes car ( fans parler de la Métempficofe, fiftême qui fe détruit affez de lui-même) que l'on demande à ceux qui difent que les Bêtes connoiffent, mais qu'elles ne raifonnent point; pourquoi un Oiseau fait fon nid? pourquoi un Roffignol chante continuellement pendant que fa Compagne couve? pourquoi la Fourmi fait fes provifions pendant l'Eté? Ils répondront fans doute qu'un Oifeau fait fon nid pour y dépofer ses œufs, les cou

ver, & avoir des petits : que le Roffignol chante auprès de fa femelle pour l'amufer; ;& enfin que la Fourmi fait fes provifions pendant l'Eté, pour fe nourrir pendant l'Hiver; parce que la rigueur de cette faifon l'empêchera de fortir pour aller chercher de quoi vivre. Selon eux, les Bêtes fe fervent donc de moyens pour parvenir à leurs fins Faire un nid, y dépofer des œufs, les couver, font les moyens dont l'Oiseau fe fert pour parvenir à la fin qu'il fe propofe, qui eft d'avoir des petits. Il en eft de même du Roffignol qui chante auprès de fa femelle, & de la Fourmi qui fait fa provision. Or il eft incontestable, qu'on ne fçauroit choisir un moyen pour parvenir à une fin, fans être capable de raisonner. Dire que les Bêtes ne raisonnent qu'imparfaitement, c'est parler contre le bon fens; car fi la rai

fon imparfaite eft l'attribut de l'Ame de la Bête, on peut dire qu'il y a bien des Ames brutes dans des figures humaines, & bien des Ames humaines dans des Corps de brutes; puisqu'il y a des Animaux qui ont en apparence une raison bien plus parfaite, que n'eft celle de bien des Hommes. Nous voyons bien plus d'apparence de raifon dans une Abeille, dans une Fourmi, que dans un Enfant qui vient de naître, & dans un Insensé. Cependant ces Philofophes ne diront point que des Enfans des Imbéciles ne font point des Hommes. Mais, diront-ils, les Enfans, les Insensés sont habituellement raisonnables, ce qu'ils appellent dans leur jargon Philofophique, être raisonnable in actu primo; mais cela n'empêchera pas que la Mouche à miel & la Fourmi, fuppofé qu'elles foient capables de connoiffan

ce, n'ayent réellement une rai fon plus parfaite que les Enfans & les Infenfés.

C'est à ce fujet qu'on a fait une differtation qui fervira à prouver l'abfurdité de ces divers Tentimens. On fera voir qu'il est absolument impoffible d'admettre des Ames dans les Bêtes, & parce que les Philofophes qui en admettent établiffent leurs fiftêmes fur le rapport qu'ils voyent entre les actions des Bêtes & celles des Hommes: on fera voir que la plupart des actions de l'Homme même fe font par pure machine,

ARTICLE II

De la Prévention.

E qui fait que ces Philofophes font fi attachés à foutenir que les Bêtes ont des Ames, c'eft qu'ils ne fe font pas

appliqués avec assez de réflexion à étudier la Nature. Ils fe font tellement laiffés prévenir par l'étude d'une mauvaise Philofophie, que , que c'eft fouvent affez inutilement que l'on entreprend de les défabuser, & ce n'eft qu'avec beaucoup de peine que l'on en vient à bout.

En effet, on peut dire que rien n'eft fi difficile que de détromper un mauvais Philofophe, quand une fois il eft prévenu en faveur d'un fiftême. Comme il n'a pas affez de difcernement pour en connoître le faux, ni affez d'efprit pour concevoir les raifons qui le détruisent, il s'affermit de plus en plus dans fon opiniâtreté, en faisant des argumens deftitués de bon fens qu'il regarde cependant comme des raisonnemens aufquels tout Homme fenfé doit fe rendre. C'est pourquoi, on peut dire que l'opiniâtreté eft en quelque