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on voit tant d'actions dont il eft impoffible de rendre raison

autrement.

Je demande donc pourquoi l'Homme fuit la pointe d'un aiguille & le feu qu'on approche de lui? On dira fans doute que tout le monde fçait que c'est qu'il a peur d'être piqué & brû lé; mais ce n'est pas là répon dre en Philofophe: car ce qui craint ne fçauroit être brûlé, & ce qui peut être brûlé ne peut craindre; c'est l'Ame qui craint & c'eft le Corps qui peut être brûlé il faudroit plûtôt dire pour parler plus exactement, que l'Homme fuit la pointe d'un aiguile & le feu, parce que fon. Ame craint que fon Corps ne foit piqué ou brûlé: Mais on demande pourquoi l'Ame se met en peine fi fon Corps eft piqué ou non ? car fi le Corps eft pi qué l'Ame ne l'eft pas. Eft-il

facile de concevoir la connexion qu'il y a entre l'Ame & le Corps entre un Efprit & un morceau de matiere? Conçoît-on bien que des fubftances fi différentes puiffent phifiquement participer aux affections l'une de l'autre Dieu a créé l'Ame féparément du Corps : elle peut être fans lui; & pour l'avoir jointe à un morceau de matiere tel qu'il eft, il ne la lui a pas pour Icela identifiée. Ainfi leur nature, leurs intérêts n'ont rien de

commun.

Il femble donc que ce qui peut agir fur le Corps ne peut point agir fur l'Ame: joint que l'Ame dans fon origine a été créée pour s'attacher à fon Créa teur & non à fon Corps dans lequel elle reffent plus de douleur que de plaifir. Pourquoi donc l'empêche-t'elle d'aller dans un précipice ? C'est,

dira-t'on, parce qu'il fe romperoit quelque bras ou quelque jambe Eh bien cette ruptu re n'eft qu'une autre difpofition dans les parties du bras ou de la jambe pourquoi l'Ame s'afflige-t'elle de cette nouvelle difpofition? Que lui importe-t'il quelle fituation ayent les parties de fon Corps?

Il eft furprenant que l'Ame foit touchée des diverfes affections de fon Corps, & qu'elle reffente plus de plaifir, lorfqu'on verfe du vin dans le morceau de matiere auquel elle eft jointe, que lorsqu'on y verse de l'eau; qu'elle ait de la joie lorfque fon Corps boit de la limonade, & de la triftcffe lorfqu'il boit de l'abfinthe. Car, que ces liqueurs font-elles à l'Amé qui eft un pur efprit ? eft-ce l'Ame ou le Corps qui demande à boire & à manger? Le Corps

étant une portion de la matière que Dieu créa au commencement du monde, ne peut rien defirer: la matiere eft indifférente à tout qu'elle foit le Corps d'un Homme ou d'une Bête que fes parties foient arrangées d'une certaine maniere ou d'u ne autre, qu'elle foit en pouf fiere ou autrement, tout cela eft indifférent à un morceau de matiere incapable de fentiment comme il l'eft; car il eft facile de voir que ce n'eft point le Corps qui fent la douleur & le plaifir; après ce que l'on a dit, que la fenfation étoit une réflexion que l'Ame faifoit fur les mouvemens de fon Corps, & ce que S. Auguftin en dit par • ces paroles: Dolor ex carne non in carne, on n'en peut naturel lement douter, outre que c'eft le confentement unanime de tous les Philofophes d'aujourd'hui,

&

& que ce n'eft même qu'à cause de cette fenfation prétendue qu'on dit être dans les Bêtes qu'on croit être obligé de leur donner une Ame

Il feroit inutile d'objecter qu'à la vérité la matiere eft infenfible d'elle-même,mais qu'étant jointeà un efprit, elle devient vivante & fenfible; car quand tous les Efprits du Ciel feroient joints à un fac de plâtre, ils ne le ren-> droient jamais fenfible, ni capable de douleur & de plaifir.

Le Corps étant donc un morceau de matiere indifférent à tout, ne peut defirer à boire nis à manger. L'Ame de fon côté ne boit & ne mange point; quand il n'y auroit ni pain ni vin au monde, elle n'en fubfifteroit pas moins donc ce grand defir de boire & de manger ne peut pro venir de la nature de l'Ame, ni de celle du Corps. On ne peut pas

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