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ARTICLE III

Des Principes des Connoiffances

M

Humaines.

Ais après tout,

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s'ils ont

un defir fincére de connoître la vérité, il eft aifé de les détromper, & pourvû qu'ils foient dans la réfolution de fenoncer à leurs préventions,pour ne confulter que le bon fens, & n'écouter que la raifon, il ne fera pas impoffible de les tirer d'erreur. On ne leur demande pour cela que deux chofes, qu'un Homme tant foit peu raisonnable ne fçauroit refufer.

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La premiere, qu'ils accordent tout ce qui fera clair & distinct. La feconde, qu'ils n'accordent que ce qui fera clair & diftinct.

Pour la premiere, il est comme impoffible de n'en pas conve

nir; puifque c'eft certainement fur quoi roulent toutes les Sciences, & qu'on ne peut avancer dans la connoiffance d'aucune chofe, fans fuppofer comme inconteftable tout ce qui eft clair & diftinct; car, fi je n'étois affuré que tout ce que je conçois clairement & diftinctement eft vrai, comment pourrois-je fçavoir, par exemple, que fi des grandeurs égales, on en ôte d'égales, les reftes feront égaux? puifque je ne l'affirme que parce que je conçois clairement & diftinctement que cela eft ainfi, & que je fuis perfuadé que tout ce que je conçois clairement & diftinctement eft vrai. C'est de quoi il eft impoffible de douter; autrement, fi me fervant de ma raifon, qui eft la feule régle que Dieu m'ait donné pour connoître naturellement la vérité, il arrivoit néanmoins que je me trompaffe, & que ce que je con

çois clairement & diftinctement ne fût pas vrai, il faudroit rejetter la cause de mon erreur fur Dieu même, c'est-à-dire, que ce feroit lui-même qui me tromperoit, parce qu'il m'auroit don pour juger des chofes une régle fauffe, qui me feroit prendre pour vrai ce qui feroit faux. Sur quoi feroit donc fondée la certitude de notre Réligion?Car la Religion eft un Culte par le quel nous reconnoiffons le fouverain domaine d'un Etre fuprême. Avant que de rendre ce Culte, il faut que nous foyons furs de l'existence de cet Etre. Si nous n'avons aucuns principes certains fur lefquels nous puiffions nous appuyer pour connoître la vérité, comment pourrons-nous être perfuadés que c'est lui-même qui nous a prescrit ce Culte, & qu'il eft de notre intérêt de le fuivre ? Dans la Religion, dit-on, nous ne devons fuivre

que la Foy : mais la Foy ellemême, ne doit-elle pas être fondée fur la raison? Car enfin, ce n'eft pas être raisonnable que de croire fans raifon. L'Homme fage ne croit point fans y être engagé par des motifs évidens. Lorfque je crois un Miftére, j'avoue que je ne le conçois pas; parce qu'un Miftére est une chofe qui eft au-deffus de ma raison: mais ma raifon me dit que Dieu a révélé ce Mistére, & que je dois croire tout ce que Dieu a révélé: parce qu'il eft évident que rien ne pouvant borner fes perfections, il est infiniment parfait; & qu'étant infiniment parfait, il ne fçauroit ni fe tromper, ni nous tromper ; & cela fondé fur ce que je conçois clairement & diftinctement l'éxistence d'un premier Etre, de qui dépendent tous les autres

etres.

Il est donc conftant qu'il n'y a

point d'autres régles pour s'affu rer que l'on connoît ou que l'on ne connoît pas la vérité des cho

fes, que l'on peut naturellement

connoître, que de confulter la raifon, & les idées claires & diftinctes,que l'on a des chofes,fans felaifferprévenir. On verra dans la fuite fi ceux qui donnent des Ames aux Bêtes, l'ont fait; & on pourra jugers'ils ont confulté leur raifon. Il faut encore remarquer qu'il n'eft pas feulement nécef- · faire d'admettre ce que l'on conçoit clairement & diftin&tement, mais il eft de très-grande conféquence de ne pas accorder ce que l'on ne conçoit pas de même; car comme on ne fçauroit faire de progrès dans la connoiffance d'aucune chofe, ni rien prouver à un homme qui par opiniâtreté ne veut point demeurer d'accord de ce que l'on conçoit clairement & diftin&tement; ainsi quand on accorde ce qu'on ne conçoit

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