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Des fentimens fi peu ordinaires, Favoient portée à l'estime ; & de la maniere qu'elle en étoit préve nuë, fon cœur n'avoit pas beau coup de chemin à faire pour aller jufqu'à l'amour. Tout se trouvant ainfi difpofé, la Dame qui avoit commencé à nouer l'intrigue, la conduifit avec tant d'adreffe, que le Baron fut obligé de souscrire à tout. Il étoit en commerce d'amitié avec la mere. Il ne s'agiffoit plus que d'aimer la fille d'une maniere plus tendre, & il ne pouvoit difconvenir qu'elle n'en fût digne.. La feule crainte qui le retenoit, c'étoit de montrer trop de foibleffe, & la Dame l'affranchit de cet te espéce de honte, en luy épargnant la peine de fe déclarer. Elle dit pour luy tout ce qu'il auroit pû dire: la mere agréa, & la fille confentit, en forte que comme il étoit déja accoûtumé à les voir

fouvent, il ne fut point engagé à rendre de plus grands foins; mais feulement à donner à l'entretien une plus douce matiere. On luy permit cependant de n'en pas changer toujours ; & quand il laiffoit échaper le nom de fa chere deffunte, on aplaudiffoit au plaifir fenfible qu'il témoignoit prendre à s'en fouvenir. Enfin la Belle ayant adoucy les triftes idées qu'il / en confervoir, il luy fit paroître tout ce que l'amour le plus déli cat à de touchant; & comme elle étoit fort convaincue qu'il fçavoit mieux aimer que tout autre, elle y répondit d'une maniere dont il eut tout lieu d'être content.

Cette paffion prenant tous les jours de nouvelles forces dans l'un & dans l'autre, la mere jugea à propos de ne pas attendre plus long-tems à faire le mariage; mais ce n'étoit pas affez que cette affai

re luy plût, il faloit encore que fon mary l'aprouvât, & toute l'adreffe qu'elle fçut mettre en ufafage, n'en put obtenir le confentement dont elle s'étoit flatée. Ce n'eft pas qu'il n'eftimât fort le Baron; il en connoiffoit tout le merite, mais foit que n'ayant regardé jufques alors fes vifites affiduës, quecomme celles d'unhomme qui venoit fe confoler chez des perfonnes amies, il fut fâché qu'on eût pouffé les chofes fi loin fans l'en avoir confulté, foit qu'il eûc des veuës plus avantageufes pour fa fille qui étoit unique, il s'obstina, malgré les confeils de tous les mis, à ne vouloir point entendre parler de ce mariage. Il falut même pour le contenter, que le Baron s'abstint de venir chez luy. Cette contrainte luy auroit été infuportable, fi la Belle qui partageoit fes chagrins, ne luy eûr I iiij.

promis une conftance à l'épreuve de toutes fortes d'attaques. Elle tâcha pendant quelque tems d'adoucir l'efprit aigry de fon pere; & voyant qu'il s'obstinoit à luy proposer toujours quelqu'autre party, elle crut ne pouvoir rien faire de mieux, pour se tirer de F'embaras du refus, que de s'enfermer dans un Convent. Il fut fort furpris d'aprendre qu'elle s'y étoit retirée, & alla luy demander auffitôt ce qui avoit pû l'obliger d'en ufer ainfi.

La Belle luy répondit que puis qu'elle étoit affez malheureufe pour ne pouvoir plus conferver, fans luy déplaire, l'engagement que le merite, & la maniere d'aimer dụ Cavalier luy avoient fait prendre, elle fe vouloit détacher du monde ; qu'il étoit vray qu'elle ne fe fentoit point encore une Vocation affez forre pour fonger

fi-tôt à changer d habit; mais que fi les exemples de ferveur & de pieté qu'elle auroit devant les yeux à toute heure, ne luy en pouvoient infpirer Fenvie, elle étoit du moins fort refoluë de paffer fes jours dans cette retraite, ой elle vivroit tranquillement,& fans aucun trouble de cœur ni d'efprit. Elle dit cela d'un ton fi ferme que comme elle tint le même langagé pendant plus d'un mois, le Pere craignit qu'elle ne fe fit Religieufe. L'extrême tendreffe qu'il avoit pour elle › ne pouvoit s'aċcommoder de cet état, quelque parfait qu'il pût être; & n'ayant aucun fujet raisonnable, de ne pas vouloir le Cavalier pour fon Gendre, il aima mieux renoncer à l'empire paternel, qu'à la fatisfaction de pouvoir enfin marier fa fille. On peut croire qu'après qu'il luy cut promis le confentement

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