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tout d'un coup la voix, & s'e-, cria Ah malheureux que je fuis, faut-il que celle pour qui, j'ai tant d'amour & de refpect. ait pour moi tant de froideurs & de dedains que celle pour qui je n'ai jamais eû que des yeux, un cœur & des voeux paffionnez, n'ait pour moi moi que des rebuts & des rigueurs infupportables? O Ciel: quelle fatalite? He quoi! cruelle, ajoûtoit il, ferez vous toûjours la même, & ne pourrai-je pas une fois en ma vie adoucir cette fierté qui me defole & m'accable tout enfemble? Si vous vouliez ..... mais non puifqu'il eft ainfi, je ne la veux plus conferver cette vie infortu née, & pour en arrêter le cours, auffi bien que celui de tous les maux que vous me caufez, je veux la facrifier à vos yeux. En achevant ces mots, il tira un

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poignard de fa poche, & d'un air le plus paffionné, mais le plus emporté du monde, il continua de lui dire : Puifque je n'ai pû par mes foins, par mes affiduitez, & par toutes les tendreffes imaginables attendrir votre cœur, peut-être que les coups de poignard que je vais donner dans le mien, pourront toucher le vôtre trop inhumain, & trop infenfible à tant d'amour. En prononçant ces paroles, il fe l'enfonça dans le fein. La Demoifelle qui ne pouvoit croire qu'un homme fût affez dépourvu de jugement pour fe porter à une telle extremité, s'imagina d'abord que ce qu'il lui difoit n'étoit qu'une feinte, pour voir fi elle ne lui retiendroit pas le bras; mais elle fut bien étonnée quand elle vit que les yeux 'perdoient leur feu & leur mouvement na.

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turels, & qu'en roulant dans la tête la pâleur d'un expirant pa-. roiffoit fur fon vifage. En effet, fon corps chancellant tomba par terre, & de fa plaïe fortit une abondance de fang qui ne faifoit que trop connoître la verité, & la grandeur de fa bleffure. Cecte action épouvanta tellement la! Demoiselle, qu'elle tomba éva nouïe; & peut-être que l'un & l'autre feroient morts fur le champ, fi des perfonnes de leurs amis qui arriverent là par bonheur, ne les euffent fecourus. Pendant les uns étoient oc... que cupez à faire revenir la Demoifelle de fon évanouiffement, les aurres allerent querir un Chirurgien pour penfer le Gentilhomme. Après que cela fut fait, on le porta dans fa chambre, & la Demoiselle s'en alla dans la fienne, mais avec un efprit fi

troublé, qu'à peine pouvoitelle reprendre fes fens.

Le Roy ayant appris cette terrible avanture, en fut très-fâché, parce qu'il aimoit cet Ecuyer qui étoit un fort brave homme. Il ordonna qu'on eût foin de fa guérison: il fit venir la Demoiselle, & lui dit d'un ton railleur, qu'il n'y avoit guere de plaifir à devenir amoureux d'elle, puifqu'elle aimoit mieux laiffer mourir les amans, que d'avoir pour eux la moindre tendreffe: Que ce procedé, étoit trop inhumain, & que l'amour devoit fe payer par l'amour; enfuite prenant un air férieux, il lui fit connoître que fon Ecuyer étoit plein d'honneur & de mérite; qu'il étoit digne d'une meilleure fortune, mais que puifqu'il avoit pour elle une paffion fiextraordinaire,il falloit qu'elle

fe montrât plus traitable. Ainfi il lui commanda fur le champ de l'aller voir, de lui témoigner la part qu'elle prenoit à fon accident, & de l'affurer que d'a bord qu'il feroit guéri, il ne tiendroit pas à elle qu'il ne fût heureux. La Demoiselle obéit auffi tôt, & étant allé trouver fon amant, elle lui dit d'une maniere douce, ce que le Roy lui avoit ordonné, & encore plufieurs autres choses auffi obligeantes. Ces paroles & la vûe de celle qui les exprimoit donnerent tant de joye à cet amant, qu'il la pria de fouffrir qu'il lui baisât la main. Comme elle s'en deffendoit par modeftie, il la prit, & l'approchant de fa bouche, il lui dit tout ce qu'un cœur amoureux peut reffentir de fort & de tendre. Elle refta encore quelque temps auprès de lui, & enfuite

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