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elle fe retira, avec l'ame penetrée de l'amour & de la douleur de fon amant. Elle faifoit continuellement des vœux pour fa guérifon, & ne laiffoit point paffer de jour fans lui rendre visite. Le plaifir que cet amant avoit de voir fouvent l'unique objet de fa flamme, joint à la force de fon tempéramment, & à l'habileté de ceux qui le panfoient, firent qu'en peu de temps il fut guéri. Le Roy le fit venir avec la Demoiselle ; & après leur aevoir donné une fomme confiderable, il leur commanda de fe marier enfemble, ce qu'ils firent avec plaifir.

Quand le Roy fut arrivé au lieu où étoient les Licornes, on fe repofa quelque temps dans une de fes villes. Il commanda à toute fa fuite de dreffer des

otentes dans la campagne, afin

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d'être plus à portée de donner la chaffe à ces animaux. Cet ordre ayant été éxecuté, on campa dans un lieu fort commode, & l'on en tua quantité à coups de fléches, de frondes & d'arbalêtés. Dans le temps qu'on étoit le plus occupé à leur défaite, le Roy & la Reine virent un mâle & une femelle près l'un de l'autre, qui s'étoient échappez de l'enceinte des toiles. Ce Prince qui étoit rufé, se fouvenant de la parole qu'il avoit donnée à la Reine de faire mettre fon nom avec le fien fur la monnoye qu'on faifoit dans fes Etats, & confiderant qu'il pourroit s'en exempter, Madame lui dit-il, fi vous pouvez changer le mâle d'un de ces animaux, que vous voyez, en femelle, & la femelle en mâle, je vous promets qu'auffi-tôt que nous ferons

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de retour, je ferai mettre votre -nom avec le mien fur la mon-moye que l'on fait dans mon Royaume. La Reine lui répondit, que bien qu'elle l'eût merité par les trois fléches qu'elle avoit tirées dans le baffin, que -néanmoins s'il pouvoit faire ce *qu'il luy propofoit, il ne devoit pas douter qu'elle ne le fift auffi; & en cas qu'elle ne le fift pas,elle le dégageoit de fa parole. Ce Prince ravi de cette réponse la prit au mot, & auff tốt il tira une fleche à l'animal qui étoit femelle l'excès de la douleur lui faifant faire plufieurs ruades, le Prince fans perdre de tems lui donna un coup de fléche dans le nombril, qui lui perça le corps par le milieu; le refte qu'on voyoit au dehors reffembloit à un membre d'animal, & auffi.tôt tirant une fléche au

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derriere de la Licorne qui étoitmâle, il lui fit une fi grande ouverture, qu'il reffembloit à une femelle. Le Roy tout joyeux de ce qu'il venoit de faire, le tournant du côté de la Reine : C'est à vous, Madame, lui dit-il, d'ef fayer à faire un plus beau coup que le mien. A peine eut-il achevé ces mots, qu'elle tira une fléche à la corne de l'animal qu'elle jetta par terre, & planta la feconde fléche dans le front de la femelle qui naturellement n'a point de corne.

Le Roy confiderant qu'après tant de fuccès de la part de la Reine, il ne pouvoit plus lui refufer ce qu'elle demandoit, en fut très-chagrin, non feulelement parce qu'il s'imagina qu'elle avoit plus d'efprit & d'adreffe que lui, mais encore parce qu'elle en tiroit vanité &

qu'elle le méprifoit; enforte que l'amour de ce Prince fe tournant en haine, il réfolut de s'en dé. faire à quelque prix que ce fût. Il ne lui en témoigna rien d'abord, au contraire il l'accabla de louanges, afin de mieux cacher fon deffein, & étant retourné fous fes Pavillons, il ordonna secrettement à un de fes Officiers d'entrer la nuit dans celui de la Reine, car elle ne couchoit point avec le Roy, & après s'en être faifi, de la mener en diligence dans fon Palais à Memphis, & de la donner en proye aux Lions & aux Tigres qui le gardoient la nuit. Cet Officier mena cette infortunée Princeffe dans la cour du Palais, & l'ayant donnée à ces animaux pour la dévorer, il s'en retourna rendre compte au Roy de ce qu'il avoit fait. Mais le Ciel pro

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