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reprenant fon voi avec la même. rapidité.

Jamais finge ne fut plus furpris ni plus affligé que celui-ci, car il n'avoit rien mangé de la journée & comptoit beaucoup fur la capture qu'il avoit faite. Mais s'en voyant privé, il re. folut de fe vanger du milan, & ne doutant pas qu'il ne vinft encore à la charge, il fe mit en embuscade dans un coin de la cufine. Après y avoir été quel que tems, il apperçut le milan qui voltigeoit autour de la cuifine: alors le finge étant forti de fa niche, & s'approchant de la marmite, tira l'autre chapon, & feignant de vouloir le manger, le milan fondit auffi tôt fur le finge, dans l'efperance de lui enlever le fecond chapon, mais il fut pris pour dupes, car le finge qui l'attendoit de pied

ferme, fe jetta tout d'un coup fur lui, & l'ayant tué, il le pluma comme il put, & le mit dans la marmite avec le chapon. Peu de tems après le Cuifinier étant rentré dans fa cuifine pour voir en quel état étoit le dîner du Roy, trouva la marmite toute découverte, ce qui l'étonna, & ayant pris une fourchette pour en tirer les chapons, fa furprise fut bien plus grande lorsqu'il y trouva le milan. Il ne pouvoit comprendre comment cette métamorphofe étoit arrivee, il eut beau en faire la recherche, il n'y put réuffir; il étoit fort embaraffe pour imaginer quel mêt il ferviroit au Roy pour fon dîner, car bien qu'il y eût d'autres viandes dans la marmite elles ne servoient qu'à faire le bouillon, & il ne mangeoit que des chapons, à caufe de fon mal..

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Ce Prince fçachant l'avanture du finge, la catastrophe du milan & l'embarras du Cuifinier rioit de bon cœur ; enforte que la mélancolie faifant place à la joye, il recouvra bien-tôt fa fanté, & ne pouvant fouffrir que fon Cuifinier fe chagrinât davantage pour le défordre arrivée à fa marmite, il lui raconta luimême l'adreffe du finge, & la difgrace du milan; après quoi il fe fit preparer un autre mêt, & mena ainfi une vie douce & tran

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quile pendant le peu de temps qu'il refta dans cette nouvelle maison parmi le ramage des oifeaux, dont l'aimable harmonie faifoit fouvent d'agreables con-certs. Les tours de fouplesse du finge, & les contes plaifans que ce Païfan lui faitoit, le divertirent bien; car avec fon patois, cet homme ne laiffoit pas d'a

voir de l'efprit, & même plus qu'il n'en faloit pour un homme

comme lui.

Le Roy fe voyant dans une parfaite fanté, & fentant que: les forces étoient entierement rétablies, refolut de s'en retour. ner dans fon Palais; mais avant que de partir, il fit venir le Païfan, & lui demanda qui lui avoir apris le régime qu'il lui avoit donne pour fa guérison; il lui repondit qu'il y avoit longrems qu'il le fçavoit. Ce Prince non content de cette réponse,le: preffa de lui découvrir le nom de celui qui l'avoit rendu fi fçavant. Alors le Païfan lui avoua la verité, & lui dit que c'étoit une jeune fille qui demeuroit: chez lui, qui fçachant la maladie du Roy, l'avoit envoyé vers Sa Majefté pour tâcher de le guérir. Ce Prince lui commanda

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de la lui amener. Le Païfan par etit auffi, tôt, il raconta le tout à cette fille, & l'ayant fait habiller le plus proprement qu'il put, la prefenta au Roy. D'abord qu'il la vit, il la regarda attentivement, & trouvant qu'elle reffembloit à la Reine fa femme, il étoit comme en extafe; après être revenu de fa furprise, il la pria de lui dire qui elle étoit. Seigneur, lui répondit- elle, je fuis votre infortunée femme que vous avez condamnée à être dévorée par vos lions & vos tigres; mais au lieu de me faire aucun mal, ils m'ont fait mille careffes,refpectant en moi l'honneur que j'ay de vous apartenir. L'amitié de ces animaux me fut d'une augure favorable, & aïant trouvé un trou dans la muraille qui donnoit fur le foffé, je m'échapai par cet endroit. Je cou

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