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lat charger l'efcouade, mais elle l'entoura fi bien, qu'elle s'empara de lui & le mena prifonnier avec Valbeau. Le lendemain le Lieutenant Criminel les interrogea; & ayant jugé que le vin avoit caufé l'action de l'un, & la crainte celle de l'autre, il ordonna leur élargiffement. Mais l'ivrogne fut condamné à cinquante livres d'amende pour avoir attaqué la Garde publique, & à pareille fomme au profit de Valbeau, qui avoit perdu fon chapeau en s'enfuyant, & qui fortit de prifon avec autant de fierté que s'il avoit conquis toute la terre.

Charmé du fuccès de fon affaire, il alla le foir dans un café où il dit, en arrivant, d'un ton de petit maître, hola, hé garçon du caffé. Après en avoir pris quelques taffes, il conta fon

avanture à des perfonnes de fa connoiffance qui étoient près de lui, & cela d'une maniere fort glorieufe pour lui. Il fuppofa qu'ayant été attaqué par trois hommes l'épée à la main, il fut obligé de tirer la fienne, & que le bruit de leur combat avoit attiré une efcouade du Guet, qui arriva dans le temps qu'il en

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avoit contraint deux de fe retirer, & qu'il étoit prêt de faire demander la vie au troifiéme ; que cette efcouade s'étoit d'abord jettée fureux deux & les avoit menez prifonniers au grand Châtelet, mais que le Lieutenant Criminel ayant eftimé fon action, l'avoit mis en liberté, & condamnant celle de l'autre l'avoit châtié par la bourse.

Parbleu, interrompirent nos deux chaffeurs, voilà l'histoire d'un grand menteur & d'un fiefé

poltron. On le prendroit quali pour un autre D. Guichot. Je n'en fçai rien, répondit celui qui venoit de rapporter cette hiftoire, mais je fçai bien que faire & dire, font chez Valbeau deux chofes fort oppofées. Il devroit pourtant fe corriger fur cet article, ou du moins garder des bienfeances, & ne pas donner des bourdes qu'on peut découvrir par la fuite, qui ne fervent qu'à le deshonorer.,

Cela eft certain,'dit un autre de la compagnie ; mais c'est affez moralifer fur ce fujet : difons quelque chofe de plus galant, & qui nous remette un peu en belle humeur. En achevant ces mots, il commença une histoire de cette maniere.

L'amour qui eft le foible des grands hommes, & l'extravagance des petits efprits, eft une

des folies d'un nommé Morton: comme je crois que vous ne le connoiffez pas, il eft bon que je vous en falle d'abord le portrait, afin de vous donner une plus parfaite idée de fon caractere. Sa taille eft grande, fes épaules font larges & hautes, il alonge le col en marchant, fes jambes font longues, trop fournies & toutes d'une venue; fon né eft des plus gros & des plus grands; fes yeux ne difent rien, & lui fortent quafi de la tête; fon front eft petit & étroit; le ris qui embellit ordinairement le vifage, enlaidit le fien; fa voix eft tremblante; fes paroles font mal articulées; fes dents mal arangées & couleur d'ébeine; enfin toutes les manieres font défagréables.

Vous pouvez juger par cette peinture naturelle, ce que peur

être

être ce perfonnage. Cependant il eft fils d'un des plus honnêtes Bourgeois de Paris,qui lui a laiffé près de cinquante mille écus en mourant. Il est vrai qu'il en fait un très mauvais ufage, & qu'au lieu de fucceder au merite de fon pere, il s'eft contenté

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d'heriter de fon bien, & ne l'employe qu'à fes plaifirs ou à fes débauches.

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Un jour qu'il étoit à l'Opera'; il le trouva près d'une Demofelle de mediocre vertu, mais d'une beauté charmante & d'un efprit brillant. Elle fe nommoit Leonice. Morton n'eut pas plûtôt jetté les yeux fur elle qu'il -fouhaitta de la connoître, il lia -conversation avec elle, & lui dit plufieurs douceurs d'une maniere affez plate. Leonice l'examina d'abord; & voyant que c'étoit -un homme comme il lui falloit,›

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