ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

qu'il eft charmé, doute s'il eft pris ou non; il se sent accroché au rable, auffitôt il fe décroche, il court toûjours, & toûjours il s'étonne; tantôt il eft aux abois,' & tantôt il reffufcite.

Le Veneur furpris de voir qu'un liévre triomphe de fes fix lévriers, donne du cors pour encourager fes chiens, & court à perte d'haleine. Les Piqueurs le fuivent à toute bride; le liévre voyant le doux charme qui lui fauve la vie, s'imagine d'être ce qu'il n'eft pas; après avoir bien couru, il tourne la tête, les chiens ont peur, & s'enfuyent de toute leur force; le liévre en même tems fe rabat fur eux: l'on diroit qu'il eft devenu chien, & que les lévriers font devenus liévres.

Le valet de chiens voyant ce bouleyerfement de chaffe, s'écrie

crie hare lévriers, hare lévriers; alors les chiens se fouvenant d'être chiens, tournent bride, & le liévre à grands coups de talons s'éloigne d'eux. Tout cela qui eft furprenant, n'eft encore rien au prix de ce qui arriva. Le liévre laffé de courir, fait le rompu, il s'arrête, & les chiens auffitôt l'environnent; mais quelles rufes ne fait-il pas ? Il tournoye, il faute, les chiens japent, mordent, tiennent, tuent, & néanmoins en voyant il femble qu'ils ne voyent rien, en mordant, qu'ils ne mordent point, & en tuant qu'ils tuent encore moins. En effet, le liévre faute derechef, le voici à la tête des fix lévriers, le voilà à leurs queues, le voilà au milieu, il fe gliffe parmi leurs jambes, il vole pardeffus leurs têtes. Les chiens fautant & enrageant fe choquent

B

tête contre tête, la gueule beante; au lieu de mordre le liévre, ils fe mordent les uns les autres. Le valet de chiens fe tue de crier, le liévre meurt de peur, les chiens meurent de rage, & le liévre qui continue fa manœuvre, voudroit être à cent lieues de là.

Après leur avoir donné bien de l'exercice en leur faifant fairela ronde, & danfer un branle de Poitou, deux pas en avant & un en arriere, il les remet tous à la courante, & gagne pays. Les lévriers qui fe flattoient d'en faire bientôt la curée, & d'entendre leur valet fonner la mort du liévre, font plus étonnez que jamais; cependant pour leur honneur & pour leur interêt ils ne veulent pas abandonner leur proye, ils courent après, & tous font au defespoir; le liévre d'ê

tre obligé de s'enfuir, les chiens de ne rien prendre, leur valet de chaffer inutilement, les piqueurs de manquer leur dîner; & enfin tous meurent de faim & de foif, & ne làiffent pas de courir toûjours.

Le liévre qui n'a pas envie de fe laiffer prendre, encore moins de fe laiffer écorcher, fait de grands efforts pour le tirer d'affaire; mais voyant qu'il est poursuivi! de près, il fe jette dans un gros buiffon tout armé d'épines. Les ehiens arrivent: &. fe mettent tout autour, fe promettant de le forcer bientôt. Quoique le liévre fe perfuade qu'ils n'oferoient: entrer dans fa baftille, néan moins il fait femblant d'avoir peur, & fe tapit; il répond tantôt à un lévrier, tantôt à un autre, & fe repofe toûjours. Less chiens font mille efforts inuti

les ; & s'ils pouvoient parler, ils diroient fans doute que c'est quelque diable ou quelque for cier qui a pris la figure d'un liévre pour les enforceler; car fans cela il n'eft pas poffible de croire que fix braves lévriers qui ont tenu un liévre par la queue, ne puiffent s'en rendre les maîtres, & fur tout eux qui en ont pris un fi grand nombre en leur vie. Enfin ce liévre après avoir bien rufé, fort de fon fort auffi alerte que jamais, & en deux fauts s'éloigne tellement des lévriers, qu'il femble que le diable le dérobe à leur pourfuite. Alors les pauvres chiens demeurent camus, & c'est la premiere fois qu'ils font la curée en imagination. Leur valet ne fçachant aucune chanfon fur fa trompe pour les confoler, ne fçait que faire ni que dire. Tous les chaffeurs fatiguez & chagrins d'une fi

« ÀÌÀü°è¼Ó »