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2016

Ouï, fans doute, répondit fie rement Patapon, & même plus utile & plus neceffaire; car n'eftil pas vrai que ces paifibles Soli taires vivent dans un repos affuré, & qu'éxempts de crainte & de péril, ils prient doucement le Ciel pour le bien de la terre? Mais nous comme Soldats & braves Cavaliers nous executons ce qu'ils demandent, & par le frenchant de nos épées, & l'embouchure de nos pistolets, nous exterminons les brigands de la terre, non pas à couvert, mais en pleine campagne. Nous fommes expofez en Eté aux plus grandes chaleurs de la Canicule, & en Hyver aux plus cruels frimatsde laScythie. Les travaux les plus peniblés ne nous font point peur, parce que nous fommes perfuadez que le Ciel nous fait Phonneur de fe fervir de nouse

pour exercer la juftice fur la tersre. Et puifqué toutes les chofes de la guerre & tout ce qui en dépend ne fe peuvent executer Tans beaucoup de peines & de travaux, je ne comprends pas comment il le trouve encore au

jourd'hui des gens affez hardis. pour foutenir que les lettres T'emportent für les armes. Quelques Docteurs qu'ils foient, ils. ne font que de francs ignorans fur ce fujet. Les travaux de l'ef prit, difent ils, furpaffent ceux du corps, le plaifant raifonnément! s'agit-il ici d'un Crocheteur qui n'a befoin que d'un bon : dos & de fortes épaules Non,. non, un Cavalier doit être doué de beaucoup d'efprit & de juge ment dans toutes les rencontres qui regardent fa profeffion. Combien, par exemple, au fiege: d'une ville, faut-il que l'affie

geant & l'affiegé fallent preuves de leur bon fens & de leur prévoyance? Paffons outre,& voïons fi par les feules forces corporelles nous pouvons découvrir les entreprises de notre ennemi, faire de juftes conjectures des ftratagêmes dont il pourroit fe fervir pour nous furprendre, prévoir les difficultez où il voudroit nous jetter, éviter les pertes & lés dommages qui pourroient s'en fuivre.Toutes ces chofes font autant d'actions qui dépendent de l'efprit aufquelles le corps n'a point de part. Et comme l'exercice des armes demande auffi. bien de l'efprit & de l'entende. ment que celui des lettres, il refte prefentement à voir lequel des deux efprits travaille le plus, ou celui de l'homme de lettres, ou celui de l'homme de guerre.. Pour bien examiner cette quef

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tion, il faut confiderer la fin & le but que chacun d'eux fe pro pofe. Or eft il que la fin & le but des lettres humaines eft de mettre la juftice distributive à son point, de rendre à un chacun ce qui lui appartient, & de donner ordre que les bonnes loix foient obfervées. Fin, à la verité genereufe, haute & digne de grandes louanges, mais non pas tant que celle des armes, qui ont pour objet la paix, qui eft le: plus grand bien que les hommes puiffent defirer, fans elle il n'y a point de vrai bien, & c'eft cette heureuse reffource de tous les biens qui eft la veritable fin de la guerre. Suppofé cette verité que la fin de la guerre eft la paix, & qu'en cela elle a l'avantage fur les lettres. Faifons maintenant une comparaifon des maux corporels qu'endure un homme

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de lettres, avec ceux qui font ordinaires à un Cavalier qui fait profeffion des armes ; & voyons qui des deux mérite d'emporter le prix.

Le Chevalier Patapon pourfuivit fon difcours en fi bons termes, qu'il fit quitter à ceux qui l'écoutoient l'opinion qu'il étoit fou. Et voyant que la compagnie prenoit plaifir à l'entendre, pour augmenter la joye qu'elle en témoignoit, il continua fon difcours de cette maniere. Il faut: demeurer d'accord qu'il eft neceffaire d'employer bien des années, & foutenir bien des travaux pour réuffir dans l'étude des lettres. Elles demandent une application affidue, fans autre profit que la fatisfaction qu'elles donnent à l'efprit; en étudiant on ne gagne point de bien. Qui conque s'applique aux lettres»

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