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gers beaucoup plus grands & plus redoutables qu'ils n'ont ja

mais fait.

Tout le travail dont je vous ay parlé, n'a rien qui approche du contentement que je reçois quand je m'imagine qu'après avoir mis à fin les plus grandes avantures du monde, après avoir donné des marques de ma valeur en plufieurs rencontres confiderables, après avoir acquis par mes hauts faits d'armes une grande renommée, quand j'arriverai à la Cour de quelque grand Monarque, j'entendrai tous les lieux où je pafferai retentir du bruit de mes louanges. A ces cris & à ces acclamations' le Roy du pays où j'arriverai, m'ayant reconnu à mes armes, commandera à toute la nobleffe qui fera à la Cour de fortir pour recevoir la fleur de la chevale,

rie. Ils fortiront pour obéir au commandement du Roy, & luimême en perfonne s'avancera & viendra à ma rencontre au milieu de l'escalier, où il m'embrasfera étroitement en figne d'eftime & d'amitié. Quand je fonge à tout cela je vous avoue que j'en reffens une joye qu'on ne peut exprimer.

Ce difcours furprit les auditeurs, & leur fit croire que fi Patapon n'étoit pas entierement fou, du moins il étoit bien vifionnaire. Comme il vouloit paf fer pour un Heros, un homme de la compagnie lui dit qu'il fçavoit une chofe qui étoit bien digne de fa valeur & de fa juftice; furquoi Patapon l'ayant prié de la lui dire : C'eft brave Cheva lier, repondit il, un Gentilhomme qui fous promeffe de mariage, a abufé deux filles qui ont

accouchées chacune d'un garçon, & neanmoins il ne veut époufer ni l'une ni l'autre, ce qui eft injufte. Il y en a une qui eft Demoiselle de naiffance, & l'autre fille d'un honnête Bourgeois de cette ville. Hé quoi, répondit Patapon, n'ont-elles pas des parens qui portent l'épée ? Ouy; illuftre Chevalier, elles en ont: mais ils n'ont pas autant de valeur que vous avez. Voilà, reprit Patapon, des gens bien lâches & bien indignes de porter l'épée ; je me charge de faire ce qu'ils n'ont pas fait. Dites-moi feulement le nom & la demeure du Gentilhomme, je vous affure que j'en viendrai à bout, & que je lui ferai faire par la force des armes ce qu'il refuse de faire par la force de la raison. En achevant ces mots, il fe leva de ta ble, & alla chez un Fourbiffeur

acheter deux épées de mêmes longueur, & le lendemain de grand matin il fut chez le Gentilhomme, dont la porte qui donnoit fur la rue étoit ouverte. Il entra dans la cour avec deux hommes, qui commencerent à battre du tambour fi fortement, que le Gentilhomme qui dormoit dans fon lit s'étant reveillé à ce bruit, envoya fçavoir ce que cela vouloit dire. On lui répondit que c'étoit le Chevalier Patapon qui vouloit lui parler pour une affaire de confequence. On le fit monter auffi-tôt ; étant dans la chambre du Gentilhomme, après lui avoir compté le fujet qui l'amenoit, il lui dit qu'il n'avoit point d'autre parti à prendre que de fatisfaire ces deux filles, ou bien de fe couper la gorge avec lui, & en même temps il lui presenta les deux

épées, en lui difant de choisir celle qu'il voudroit, & le lieu du combat. Le Gentilhomme fans s'étonner lui repliqua qu'il ne fe battoit pas avec d'autre épée que la fienne, & que tous les lieux étoient bons pour lui. Cela étant, reprit Patapon, habillezvous promptement, & fortons. Quand ils furent dans la rue, le Gentilhomme qui fçavoir bien qu'il avoit tort, & jugeant que Patapon étoit beaucoup plus fort & plus vigoureux que lui, voulut l'engager d'entrer dans un cabaret, en lui difant qu'ils termineroient là leur differend à grands coups de verre. Patapon le refufa d'abord, & enfin voyant que l'autre fe mettoit à la raifon, & qu'il lui promettoit de faire tout ce qu'il voudroit, il confentit d'entrer dans le cabaret, Patapon lui dit fes inten

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