vieille roche, enchaffez dans des bagues d'or, avec une croix de douze beaux diamans, & un portrait en mignature du feu Roy, de la grandeur environ du creux de la main,enrichi de pierreries. Il y avoit encore un collier de perles qui pouvoit valoir neuf ou dix mille francs.

Il faut, dit Patapon, que ces riches bijoux ayent été volez à quelque Jouaillier, & ce linge à quelque Lingere ; car un particulier ne fe charge pas tant de marchandises fi differentes, fi je. connoiffois ceux à qui elles ont été prises, je me ferois un plaifir de leur rendre. Dans le temps qu'il faifoit ces reflexions, fon valet entra, il lui dit de fouiller dans la valise du voleur qu'il avoit tué. Ce garçon l'ouvrit auffitôt, & il y trouva plufieurs chemises & cravates affez belles,

avec de beaux mouchoirs des Indes, & une bourse où il y a. voit cinquante écus ; prends tout cela, dit Patapon, c'est pour toi. Ce garçon ravi de la generofité de fon maître, & qui de fa vie n'avoit été fi heureux, fe jetta à Les pieds pour lui marquer fa reconnoiffance, lui embraffa les genoux, & lui protesta une fidelité inviolable. Patapon lui dit, tant que tu me ferviras bien, tu ne manqueras jamais de rien; & fçache que ta fortune dépend de la mienne, qui eft immanquable, parce que je n'ay pour principe que des fentimens d'honneur & de probité.

Le lendemain Patapon fe leva de grand matin pour voir en quel état étoient fes armes, & ayant fait donner de l'avoine à fes chevaux, il fe fit preparer à déjeuner, Pendant qu'il cuisoit,il char

gea fon fufil de menu plomb, difant, voilà dequoi me donner du gibier tantôt, fuppofé que j'en trouve; fi je n'en avois eû hier j'aurois mal foupé, c'eft pourquoi il eft bon de fe precaule tionner toûjours, on ne fçait pas ce qui arrive. Quand Patapon eut déjeuné & fon valet, il fit venir l'hôte, & l'ayant fatisfait, il monta à cheval & s'en alla.

Il n'avoit pas fait plus d'une lieue qu'il vit trois oyes fauvages dans un pré; il leur tira son fufil & en tua une; fon valet la fut prendre, & la lui ayant prefentée, bon dit-il, cela fera propre pour nous donner à dîner ou à fouper en cas que nous ne trouvions rien. Patapon rechargea auffi-tôt fon fufil; & comme à une lieue de là il paffoit à côté d'un bois, il apperçut un beau phesan qui traversoit gravement

le chemin pour aller dans un bled qui en étoit pròche. Voici dit Patapon, une occafion qui fe prefente, il ne faut pas la perdre; en achevant ces mots, il prit auffi-tôt un de fes piftolets, & fans defcendre de cheval, il le tira au phesan & le tua : le valet l'ayant pris, le montra à fon maître, qui lui dit en riant, voilà de quoi faire bonne chere. Dans ce temps il entendit un pluvier qui chantoit au deffusd'un grand arbre qui étoit fort chargé de branches & de feuilles; le pluvier croyoit être là en feureté mais Patapon lui fit bientôt connoître le contraire, car l'ayant couché en joue, il le jetta mort par terre. Le valet l'ayant ramaffé le portà à fon maître, qui lui dit, allons-nous en, j'en ay affez tué aujourd'huy. A ces mots ils continuerent leur che min

Ils avoient déja fait plus de huit lieues, lors que paffant dans un village, la fojf & l'appetit les obligerent d'entrer dans la premiere hôtellerie qu'ils virent. Patapon étant defcendu de che val, fut d'abord dans la cuifine demander à l'hôte ce qu'il avoit pour dîner: j'ai une bonne fou pe, Monfieur, répondit il, avec un carré de mouton lardé de perfil qui eft à la broche, & une fricaffée de poulets qui fera bientôt cuite, & qui fera bonne affeurement; car rien n'y manque. J'en fuis bien-aife, repliqua Patapon. Conduifez-moi dans une chambre, & fervez-moi à dîner le plutôt que vous pourez avec de bon vin. Le valet fçachant la chambre où fon maître étoit, y apporta leurs armes & leurs va Hfes, avec le gibier que Patapon avoit tué; peu après on fervit le