diner, Patapon en fut très content. Il trouva la foupe merveilleufe, le carré de mouton tendre & dé bon gout, la fricaffée bien faite, & le vin excellent. Le repas étant fait Patapon compta avec l'hôte, le payà genereusement, monta à cheval, & partit avec fon valet.

Ils firent huit lieues l'aprèsdinée fans débrider ; & la nuit les ayant furpris dans un petit Hameau, ils y refterent & entrerent dans une hôtellerie où il n'y avoit pas grande chose à manger; ce qui obligea Patapon de donner à l'hôteffe le gibier qu'il avoit tué, avec ordre de le faire cuire pour fon fouper. On com-mença d'abord par l'oye, comme étant la piéce la plus groffe & la plus longue à cuire. Enfuite on pluma le phéfan & le pluvier, qui étant lardez furent mis à la

broche: on fit bon feu, & le tout fut bien-tôt cuit en même-tems. Alors on fervit le fouper. Patapon voyant qu'il y avoit à manger plus qu'il n'en faloit pour lui, envoya dire à l'hôteffe de monter, elle vint auffi-tôt, & il la pria de fouper avec lui. Comme fon mari n'étoit pas dans la maison, étant allé à huit ou dix lieues chercher de la marchandife, & que d'ailleurs elle aimoit la joye, elle ne s'en défendit pas beaucoup. Enfin après quelques prieres de la part de Patapon, elle fe mit à table auprès de lui. On donna fortement fur l'oye & fur le phefan, qui fe trouverent fort bons & bien cuits. Tout cela fut arrofé d'un vin qui étoit très excellent, dont on but largement. L'hôteffe étoit fort jolie, elle avoit de l'efprit & chantoit agréablement. Dans ce tems

Patapon demanda du vin, & en fit verfer dans le verre de l'hôteffe, qui chanta auffi tôt une chanfon, dont les paroles amoureufes & bachiques plurent extrêmement à Patapon, qui dit à l'hôteffe qu'elle charmoit également les yeux & les oreilles. Ravie d'entendre des louanges fi obligeantes, elle ôta un mouchoir qu'elle avoit fur fon col, qui découvrit la plus belle gorge du monde. Il falut pour lors que la valeur de Patapon rendît les armes à l'amour, & de vainqueur qu'il avoit toujours été, il fut à fon tour vaincu.

Patapon qui ne vouloit pas que fon valet fût témoin de fes tendreffes, lui dit de défervir, & de faire ferrer le pluvier auquel on n'avoit pas touché, pour le lendemain déjeuner. Le valet voyant qu'il n'y avoit personne

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pour fervir, mit les verres & les bouteilles fur la table & alla fou-· per. L'hôteffe fe leva auffi-tôt, & revint un moment après avec une langue de beeuf léche qui étoit excellente, & qui fervit à faire boire Patapon & l'hôtesse. Quand ils eurent bû chacun deux ou trois coups, Patapon découvrit à l'hôreffe la paffion qu'il avoit pour elle, & l'hôteffe voyant qu'elle avoit à faire à un Cavalier de bonne mine, qui étoit jeune, bien fait & vigou reux, lui accorda ce qu'elle n'auroit pas voulu lui offrir. Enfin ils .furent fort contens l'un de l'autre;& se rabatant fur la langue de bœuf, on commença à boire fur nouveaux frais. Il étoit déja près de minuit, & il leur fembloit qu'il n'y avoit pas un moment. On ne s'ennuie gueres quand on eft avec ce qu'on aime, & les heures

qui font comptées par l'amour ou par bacchus font toujours des heures bien courtes.

Cependant il falut fe coucher. La chambre de Patapon étoit proche de celle de l'hôteffe, & il n'y avoit qu'une fimple tapif ferie qui les feparoit. Patapon fur les quatre heures du matin, fe leva pour aller donner le bon jour à l'hôteffe, & lui renouveller les fentimens d'amour qu'il lui avoit témoignés le foir.Comme elle avoit vû la difference qu'il y a des careffes d'un amant d'avec celles d'un mari, elle reçut Patapon à bras ouverts, Peu après lui ayant témoigné qu'il alloit partir, elle fe leva auffitôt & fe jetta à son cou, en lui difant que s'il avoit quelque amitié pour elle, il voulût remettre au moins fon départ au lendemain. Patapon y confentit, &