coup plus galante. Cherebert Roy de Paris qui avoit épousé Ingobergé, dont on ne fçait ni le pays ni la naiffance, n'étoit occupé que de deux paffions, l'une de l'amour & l'autre de la Chaffe. Ce Prince étant un jour à la pourfuite d'un Chevreuil, & s'étant éloigné de tous ceux de fa fuité fe fentit preflé de la soif, il mit pied à terre au bord d'une fontaine, pour boire; il n'avoit point de taffe & fe trouvoit fort embaraffé, lors qu'une jeune Bergere qui l'avoit obfervé de loin, quitta fon troupeau, & luy en vint prefenter une de terre de la meilleure grace du monde; le Roy regarda cette Bergere avec attention, & ayant remarqué fur fon vifage tous les agrémens que la nature peut donner fans le fecours de l'art, luy demanda fon nom : elle luy répondit qu'elle s'apel

loit Dandelcinte, & qu'elle étoit fille d'un Fermier qui demeutoit à une maison prochaine. Cherebert luy propofa de venir à la Cour, mais elle luy dit avec une ingenuité qui le charma, qu'il faloit le demander à son pere, à qui elle étoit obligée d'obéir dans tout ce qu'il luy commanderoit;ce Prince luy repartit qu'elle l'allât donc chercher; ce qu'elle fit à l'inftant. Le Roy s'étant fait connoître à ce Payfan, luy commanda de le venir trouver le lendemain à fon lever avec fa fille, & l'affeura qu'il feroit la fortune de l'un & de l'autre. Ce bon homme n'y manqua point: & comme Dandelcinde ne pouvoit se réfoudre à quitter fon pere, Cherebert le fit Capitaine de fon Palais. Ce Prince ne croyoit rencontrer aucune résistance dans l'efprit de la Bergere, mais quand

il eut connu fa vertu, il fe fit un fcrupule de luy faire violence, & la crut digne de porter une couronne. Ingoberge étant morte peu de tems après, le Roy époufa Dandelcinde, qui foûtint la dignité de Reyne avec autant d'honneur que de prudence & de vertu. Cette avanture nous fait connoître que le merite eft tôt ou tard recompenfé, & qu'il ne faut jamais fe défier de fa bonne fortune, quelque malheureux que l'on foit.

Voicy une avanture très plaifante arrivée à un Gentil-homme de la Beauffe qui étoit fort ja, loux de fa femme, & que tou tes les autres femmes traitoient de vifionnaire & de fou: je ne fçai fi elles avoient raison; mais je fçai bien qu'on m'a dit que ce Gentil-homme revenant un foir de la Chaffe chez luy au̟

clair de la lune, rencontra un Fantôme d'une grandeur prodigieufe, qui s'arrêtant tout court, luy rioit au nez, en luy difant, coucou ; le Gentil-homme qui croyoit que cela vouloit dire cocu, mit auffitôt l'épée à la main pour se vanger de cette prétenduë injure : il en pouffa plufieurs coups au Fantôme, qui ne branloit point de la place, & rioit toûjours en luy difant, coucou ; le Gentil-homme étoit au defefpoir de voir le peu d'effet de fa valeur & de fon épée ; mais ce qui étoit de plus fàcheux pour luy, c'eft qu'à mefure qu'il portoit des coups au Fantôme, on luy en donnoit par derriere qui prenoient depuis le cou jufqu'au talon. Ainfi fe voyant traité de la forte fans pouvoir bleffer ni chaffer ce Fantôme, ni même voir celuy qui le frapoit par derriere, il fut obligé de leur ce

der le champ de bataille & de s'enfuir à toutes jambes. Il n'avoit pas fait plus de cent pas, qu'il fe vit au milieu d'une troupe de Bacchantes & de Menades toutes écheveleés, qui ayant chacune un cornet entonnoient des

fons fort lugubres qui prononçoient coucou; elles avoient chacune un Chien, un Chat & un Singe, qui au bruit de ces cornets danfoient autour de luy, en faifant des grimaces, des fauts, & des postures extraordinaires, tandis que des Faunes & des Satyres fiffloient & hurloient, & que des Corbeaux voltigeoient au deffus de fa tête, en croaffant de toute leur force. Cette vifion le confterna d'une telle façon qu'il ne fçavoit prefque plus où il étoit ; & je croy qu'il feroit mort de peur, fi tous ces Spectres après avoir bien fifflé & hurlé près