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Cavalier fi plein de merite, & qui lui témoignoit des tendres fes fi peu communes. Comme il s'énonçoit de bonne grace & en bons termes, elle lui demanda où il avoit appris la langue Françoife, c'eft, dit-il, Madame, en Ecoffe. C'étoit feue ma Mere qui me l'a montrée, qui étoit Françoise de la maifon de Montmorency, & une des plus belles parleuses & des plus fpirituelles d'Ecoffe; ce qui lui attiroit toûjours de grandes compagnies. Elle a vêcu cinquante ans, & a eu fix garçons & fix filles. Je fuis le dernier de fes enfans, & en cette qualité le moins bien partagé. C'est pourquoi j'avois d'abord fondé ma fortune fur la pointe de mon épée, & fur l'embouchure de mes pistolets ; mais votre prefence m'a fait changer de deffein, & je n'en ay point

d'autre

que celui de vous aimer

& de vous fervir toute ma vie.
Voila, Madame, mon histoire
en peu de mots
de mots, & la fituation
de mon cœur. Ce récit fincere
ne fervit qu'à redoubler les fen-
timens d'eftime & d'amour qu'
elle avoit pour Patapon. Ils ref-
terent encore quelque temps à
caufer dans cet endroit, & en-*
fuite la Dame voyant que la nuit
approchoit, elle fe leva, & Pa-
tapon lui donna encore la main.
pour la reconduire dans fon
ap-
partement, où peu après étant
arrivé, on servit le fouper, qui
commença par un marfoin qu'un
de fes Gardes de chaffe avoit
tué. Ce mets étoit accompagné
d'une fricaffée de poulets, & du
gibier que Patapon avoit tué en
prefence de la Dame. Tout cela
fut trouvé très-excellent & ar-
rofé de fort bon vin. Quand on

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eut défervi les viandes, on apporta un deffert en piramide où rien ne manquoit, tant pour les confitures féches que liquides, Alors on changea de vin, & on ne fervit que de la Malvoifie embrée. Patapon qui ne s'étoit trouvé depuis fi long-temps à un fi bon repas, étoit charmé de voir une Dame fi belle, fi genereuse & fi magnifique.

Après le fouper nos amans jouerent une discretion au piquet. Patapon la gagna; la Dame demanda fa revanche, & Patapon la perdit. C'est à moy, Madame, dit-il, à payer, & je fatisferai demain à ma parole. C'est auffi à moi à payer, répondit la Dame. Il me femble, reprit Patapon, que vous ne devez rien, puifque vous avez gagné la revanche. Par cette raifon, repliqua la Dame, vous ne

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devez rien auffi, puifque vous m'avez d'abord gagné. Il y a de la difference, répondit Patapon. Cependant, Madame, vous en userez comme il vous plaira, mais je fçay bien ce que j'ay à faire. Comme il vit que la Dame avoit envie de fe coucher, il prit congé d'elle pour en faire autant & s'étant levé dès le matin, il fouilla dans la boëte qui étoit dans fa valife, & prit le collier de perles qui y étoit avec un beau diamant, qu'il mit dans fa poche ; & lors qu'il fçut que la Dame étoit vifible, il demanda s'il pouvoit entrer, on lui répondit que ouy, & en l'abordant il lui dit : Je viens, Madame, m'acquitter de la difcretion que je vous dois. Voilà un diamant de mille écus que je vous fupplie d'accepter, & un collier de perles d'Orient qui vaut plus

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de mille pistoles. La Dame prit tout cela avec plaifir, elle mit auffi-tôt la bague dans fon doigt & le collier à fon col. Aprèfdînée, dit-elle, je payerai auffi ma difcretion. Elle envoya querir un Avocat & un Notaire pour dreffer un contrat de mariage, par lequel elle donnoit après la mort tout fon bien tant meuble qu'immeuble, à Patapon. Voilà une discretion bien payée de fa part. Le mariage fe fit peu de jours après, plufieurs perfonnes de qualité y affifterent, & le feftin répondit à la dignité des conviez. Jamais mariage ne fut plus heureux ni mieux afforti. Ils ont toujours vêcu avec beaucoup de tendrefse & de fincerité; & pour mieux exprimer la grandeur de leur amour, l'hiftoire remarque qu'ils ont paffé tous les jours de leur

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