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des yeux que pour Mademoiselle de Meronville, il ne s'appercevoit pas des regards tendres que Mademoiselle de Saint Quentin avoit pour lui. Celle-cy qui ne fçavoit pas la paffion que le Comte avoit pour l'autre, l'accufoit en elle-même d'infenfibilité. Elle avoit toutes les envies du monde de lui en faire quelque reproche, mais la pudeur l'en ayant empêchée elle en devint chagrine. Mademoiselle de Meronville qui en ignoroit le fujet, furprise de la voir trifte & rêveufe dans une fi belle compagnie, lui en fit un peu la guerre; & comme elle avoit la voix fort belle, & qu'elle chantoit parfaitement bien, elle la pria de dire une chanson. Mademoi. felle de Saint Quentin qui avoit d'autres penfées que de fonger à chanter, s'en excufa d'abord,

dilant qu'elle étoit enrumées mais la compagnie, qui étoit perfuadée du contraire, l'en pria fi fort, que ne pouvant plus s'en défendre, elle chanta un air admirable, dont voici les paroles, qui convenoient bien à l'état où elle étoit.

Roffignols qui fous ces ombrages
M'entendez plaindre chaque jour,
A vos tendres rámages

Je reconnois que vous parlez d'amour.
Helas! pour un cœur qui foupire,
Que votre deftin paroît doux!

Vous dites librement votre amoureux
martire,

Petits Oyfeaux je fuis auffi tendre que vous: Que ne m'eft-il permis comme à vous de le dire ?

Cette chanfon fut trouvée fi belle & fi bien chantée, qu'on en félicita Mademoiselle de Saint Quentin. Elle reçut cela avec beaucoup de modeftie, ce qui n'augmenta pas peu l'eftime

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qu'on avoit pour elle. Comme le Comte étoit fort occupé des charmes de Mademoiselle de Meronville,il fut le feul qui loüa le moins Mademoiselle de Saint Quentin. La paffion qu'elle avoit pour lui étoit fi grande, qu'elle auroit préferé les louanges à celles de toute la terre. Mais on n'a pas toujours ce qu'on fouhaite, & l'objet qui aime le plus, n'eft pas fouvent le plus aimé. Mademoifelle de Saint Quentin fâchée de l'indifference du Comte, fit tout fon poffible pour en parler, ou du moins pour at tirer fes regards; mais voyant qu'il étoit infenfible à toutes fes attaques, le dépit s'empara de fon cœur, & elle s'en alla chez elle. La compagnie ne fuivit pas d'abord fon exemple; elle resta encore quelque temps à s'entretenir, & enfuite elle se sépara

lui

fort contente d'une converfation fi agréable.

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Quand Mademoiselle de Saint, Quentin fut retirée chez elle elle repaffa dans fon efprit le mérite du Comte, & toutes les belles chofes qu'il avoit dites: mais lors qu'elle fit reflexion à fon indifference, fon chagrin augmenta de telle maniere, qu'en cinq ou fix jours, elle devint d'un abbatement & d'une maigreur terrible. Son amour étoit d'autant plus violent qu'il étoit caché, c'étoit un feu qui ne pouvant s'évaporer, la confommoit jour & nuit. Voilà l'état de ceux qui aiment, & qui ne font point aimez quand même ils le feroient,la moindre chofe les tourmente, & leur fait connoître que les peines & les fouffrances, font infeparables de l'amour. Cependant comme l'on le per

fuade

fuade aisément ce qu'on souhaite, Mademoiselle de Saint Quentin voulut perfeverer dans fon amour, efperant de vaincre l'infenfibilité du Comte. Elle cherchoit toutes les occafions de le voir & d'en être vûe. Quand elle le trouvoit à la pomenade, & qu'elle croyoit qu'il l'avoit regardée, elle étoit la plus contente du monde ; mais lors qu'elle s'imaginoit le contraire, elle étoit inconfolable. O insensible que tu es difoit-elle en elle-même, ne crains-tu pas que l'amour ne me vange, & ne te faffe souffrir tous les maux que tu me caufe Si cela t'arrive, que tu es à plaindre. Mais non, je ne te fouhaite pas un fi grand tourment, cette vengeance feroit trop cruelle, & j'aime mieux fupporter feule mon martire, que de te voir endurer la moindre de mes peines. Cc

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