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N'a pas des yeux pour mon martire,
Et moins encor de fentiment.

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Ses yeux, mes vainqueurs fi puiffans
Parmi les ardeurs que je fens,
Ont moins de pitié que de flame;
Et l'infenfible ne voit pas

Que leurs traits qui percent mon ame
Seront caufe de mon trépas.

Fille de l'air & de la voix, Echo qui regne dans ce bois, Porte-luy ma plainte mourante, Et fais luy connoître aujourd'hui, Que je meurs comme fon Amante D'amour, de trifteffe & d'ennui.

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Et vous petits oyfeaux charmans;
Qui dans ce lieu cher aux Amans,
Faites ouyr votre ramage,
Soyez touchez de ma douleur,
Et fans attendre davantage,
Publiez par tout mon malheur.

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Le Comte charmé de cet air & de ces paroles, fe leva auffiτότ pour chercher des yeux celle: qui venoit de fi bien chanter. Comme il l'apperçut, il la regarda avec attention, & fut furpris de voir en elle tant de

charmans appas. O Ciel! s'écriat-il alors, qu'heureux eft celuy pour qui cette beauté foupire. S'il y avoit quelque chofe qui pût me confoler de l'abfence de celle que j'aime, il n'y auroit que cette aimable perfonne qui en feroit capable. En achevant ces mots, il fortit de l'endroit où il étoit, & entra dans une allée fi couverte qu'à peine les rayons du foleil y pouvoient penetrer. Il n'eut pas fait dix pas, qu'il vit deux ou trois oranges qui rouloient à fes pieds, & qu'on luy jettoit au travers d'une paliffade fort épaiffe. Il en ramaffa une où il trouva écrit fur l'écorce ces mots, Tircis n'a point d'yeux, Tircis n'a point de cœur. Mademoi-felle de Saint Quentin ayant vû que le Comte en avoit ramaflé une, s'enfuit, & fe contenta de croire qu'il ne pourroit fi bien fe deffendre

défendre de cette attaque, qu'il ne lui en demeurât quelque bleffure au cœur. Elle avoit raifon : le reproche étoit trop preffant, & il eût falu être infenfible pour n'en pas être touché. Auffi quelque forte inclination qu'il eût pour Mademoiselle de Meronville, il ne put se garantir des vives atteintes que lui donna cette rencontre. Son imagination en étoit fi échauffée qu'elle lui reprefentoit à tout moment les traits de ce beau vifage, & les charmes de cette douce voix qui avoient ravi tous ces fens. Il rêve profondement à cette avanture: il repasse dans fa me. moire tout ce qui s'étoit paffé, & tâche de former là deffus quelque jugement à fon avantage. Cependant il ne peut fe perfuader que cette beauté fonge Lérieusement à lui. Cette pensée Dd

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le defefpere: mais peu après confiderant les preuves qu'il a du contraire, il fe flatte & ne fçauroit croire que ce foit pour un autre. Il veut s'en éclaircir: il cherche mille fois le jour à revoir celle qu'il n'avoit pas dai. gné regarder lors qu'elle fe prelentoit fi fouvent à les yeux. Enfin après trois ou quatre jours d'inquiétude il la retrouve aux Tuilleries: mais plus il tâche de l'approcher, plus elle le fuit. Cependant en fe cachant elle veut être vue, & en s'enfuyant elle veut être atteinte. Le Comte redouble fes pas, & en l'abor dant d'un air tendre & refpectueux Pourquoi fuyez - vous Mademoiselle, lui dit-il, celui qui vous aime, & vous adore de tout fon cœur? Mademoiselle de Saint Quentin le regarda fans gien dire. Le Comte furpris de

fon filence, redoubla fes honnê. terez; & alors elle lui découvrit tout ce qu'elle avoit dans l'ame. Cet amant ne fut jamais plus étonné, ni cette amante plus contente. Il lui demanda mille pardons, & lui témoigna beaucoup d'amour. Mademoiselle de Saint Quentin feignit de ne le pas croire, pour l'obliger à lui faire de plus fortes proteftations, & par ce moyen à s'enflamer davanta ge. Le Comte n'y manqua pas; & après lui avoir dit toutes les tendreffes imaginables, il lui jura que rien au monde ne feroit capable d'affoiblir l'amour qu'il avoit pour elle. Ces affurances cauferent une fi grande émotion de cœur à la Demoifelle, qu'on croit que quelques jours après le Comte voulut s'en prévaloir. D'autres difent que leurs amours n'ont point paffe jufques au plai

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