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rable, & fa voix d'une douceur charmante. En un mot, fa perfonne & fon efprit étoient fi remplis d'agrémens & de perfections, qu'on ne pouvoit la voir fans l'aimer, ni ceffer de l'aimer après l'avoir vue; au contraire, fon absence ne fervoit qu'à redoubler les fentimens d'amour & d'eftime qu'elle avoit infpirés, & fon retour qu'à lui donner de nouveaux appas qui la rendoient encore plus belle & plus aimable. Que je ferois heureux fi mes triftes regards pouvoient dire à mon cœur, nous la voyons, la voicy qui s'avance, courons audevant d'elle: mais par malheur cela n'eft pas, & ne fera jamais. Pleurez donc mes yeux, verfez un torrent de larmes & vous échos repetez ma vive douleur qui ne finira qu'avec ma vie Voicy ce qu'il ajouta.

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Epitaphe de Mademoiselle de
Saint Quentin.

Cy gît la Reine des Amours,
Dans le Printemps de fes beaux jours
La Parque en fit une victime :
Paffans plaignez fon trifte fort,
Jamais l'impitoyable Mort

N'avoit commis un fi grand crime.

Les regrets de cet amant font connoître qu'il les fentoit affurément, & combien il eft dangereux de trop aimer. En effet le Comte auroit donné toutes chofes au monde pour réparer la perte qu'il venoit de faire.. Mais comme aux maux fans remede il n'en faut point chercher, & que d'ailleurs le fouvenir de Mademoiselle de Meronville n'étoit pas entierement effacé de fa mémoire, il fe confola peu à peu de la mort de Mademoiselle de Saint Quentin,,

& ne fongea plus qu'à fa premiere maîtreffe. Pendant qu'il étoit occupé de cette aimable perfonne, il fouffroit d'autant plus de fon abfence, qu'il ne fçavoit où elle étoit. Il fit mille: perquifitions pour l'apprendre, mais voyant qu'elles étoient inutiles, il difoit en lui-même : Faut il que je fois toujours malheureux, & que l'objet de mes vœux & de mes defirs, devien ne fans ceffe le fujet de mes peines & de mes fouffrances? Amour que tes plaifirs font grands, mais que tes bleffures font cruelles ! Efface de mon cœur celle que j'adore, ou rend-la à mes fouhaits. C'eft trop fouffrir, c'eft trop aimér.

Il étoit ainfi tourmenté de fon amour & de fa douleur, lors qu'un de fes parens, pour le di vertir l'emmena à une terre qu'il

avoit à fept ou huit lieues de Paris. Pendant qu'ils y resterent ils furent priez d'un régal,qu'un de leurs amis donnoit à plufieurs de fes voifins. Le Comte & fon parent y allerent ; & fi celui-cy fut ravi d'y trouver une fort belle compagnie, le Comte le fut bien davantage quand il apperçut Mademoiselle de Meronville qui étoit feule auprès d'une fe nêtre qui le regardoit fixement. Une émotion leur prit, le rouge leur monta au vifage; & ces fignes qui étoient les marques de leur furprife, l'étoient auffi de leur amour. Le Comte aborda Mademoiselle de Meronville; & après l'avoir faluée d'un air ten dre, il lui dit qu'il ne s'attendoit pas à une fi belle & fi heureuse rencontre, & que le chagrin que fon abfence lui avoit caufé ne pouvoit s'exprimer. Il y a beau

coup paru, interrompit la Demoiselle, par l'attachement que

yous avez eu pour Mademoiselle de Saint Quentin. Si elle vivoit encore, ajouta - t'elle, vous ne me tiendriez pas ce langage, & je fuis fûr que vous ne feriez pas ici. Vous ne me rendez pas juf tice, répondit le Comte. Si j'avois fçû où vous étiez pendant fon vivant, j'aurois bientôt couru à vous, & rien ne m'en auroit empêché. Cela fe peut-il dire, reprit la Demoiselle? Oui, cela fe peut dire, répliqua le Comte; & je vous proteste qué fi j'ay eu quelque affiduité auprès d'elle, ce n'a été que pour adoucir le chagrin de ne vous plus voir, & de ne fçavoir même où vous étiez. Je le veux croire pour votre fatisfaction, reprit la Demoiselle ; cependant comme j'apperçois qu'on nous observe,

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