d'un quart-d'heure d'une maniere épouvantable, n'euffent difparu tout d'un coup. Alors le Gentil-homme fe voyant délivré de cette elpece de Sabat, reprit un peu fes fens, & aprehendant en core quelque mauvaise rencontre, courut comme fi le DiableFeût emporté, pour gagner fa maifon, où étant arrivé, il fe fit vifiter le corps, qu'on trouva noir & plein de contufions depuis le cou jufqu'au talon : on le frota d'eau de vie ; il bût un verre de Vin d'Espagne pour se fortifier le cœur, & enfuite il le coucha ; fe mais il luy fut impofible de fermer l'oeil pendant la nuit, tant fon efprit & fon corps étoient occupez des coups qu'il avoit reçûs. Tout le voisinage fut bientôt informé de cette avanture: fes amis le plaignirent, d'autres fe moquoient de luy ; & les femmes qui

prennent toûjours le parti de leur fexe contre les hommes, difoient que c'étoit une punition du Ciel de ce que le Gentil-honmme en ufoit mal avec son épouse en la foupçonnant mal à propos d'infidelité, pendant qu'elle étoit très fage & très vertueufe ; ce qui nous fait voir qu'un mari doit toûjours juger favorablement de fa femme, & non pas fur des chimeres fe faire des monftres pour les combatre, & devenir, pour ainsi dire, le martir de fon amour.

Quoique j'aye raporté deux hiftoires plaifantes de deux Lievres, je croy que je puis encore ajoûter icy celle cy qui n'eft pas moins furprenante que les deux autres dont j'ay parlé. Des gens du Pays des Ardennes, m'ont conté qu'un homme de leur connoiffance étant allé fur le foir au coin d'un bois pour attendre un Lievre à

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l'affût, peu de tems après en ayant vû paroître un, luy tira un coup de fufil & le renverfa par terre, & l'étant allé ramaffer, le lia par les pieds de derriere entre lefquels il paffa fon fufil, & le portoit ainfi fur fon épaule, en s'en retournant chez luy cependant il fut bien étonné en chemin faifant de fentir que la proye qu'il avoit chargée fur fon dos s'appefantif. foit infenfiblement, en forte que ne pouvant plus la porter davantage, il la jetta de dépit par terre: le Lievre fans cérémonie fe leva auffi-tôt fur les pieds de derriere, & ayant pris le fufil pår le bout du canon avec les deux pattes de devant, l'arracha des mains du chaffeur, & luy en donna vingt coups de la croffe fur les épaules: le Chaffeur qui ne s'attendoit pas à un tel régal fut bien furpris, &fit ferment de ne plus

aller à l'affût, de crainte que quelque nouvelle avanture auffi facheufe & peut-être pire ne luy arrivât. Cette histoire paroîtroit fabuleufe s'il n'y avoit point de forciers dans le monde ; mais comme il y en a beaucoup, & fur tout dans le Pays des Ardennes, je n'ay pas de peine à la croire quelque furprenante qu'elle foit; mais c'eft affez réflechir fur ce fujet, parlons d'autres choses.

Si la Chaffe produit quelque fois d'agréables avantures, elle en fait naitre auffi qui font d'abord fâcheufes, & qui cependant ne laiffent pas que d'avoir quelquefois des fuites favorables; c'est ce qu'on verra dans l'histoire que je vais raporter.

Un Cavalier qui avoit beaucoup d'efprit & de merite, & qui aimoit extrêmement la chaffe, y étant allé un jour qu'il faifoit un

fort beau tems, ne tarda gueres à trouver ce qu'il fouhaitoit : il tua d'abord un Phefan, enfuite deux Perdrix, & après un Levreau. Comme il fçavoit fe moderer, il borna là fa chaffe, & s'en retournoit chez luy à Paris, fort content de fa capture, lors qu'un orage le furprit en chemin, & l'obligea de fe mettre à l'abri fous un arbre. Mais confi. derant que cet orage qui étoit violent duroit, & que les bran, ches & les feuilles de cet arbre ne pouvoient le garantir d'être mouillé jufqu'aux os s'il y reftoit davantage, il tâcha de gagner une belle maison qui étoit à deux cens pas de luy. La Dame de cette maifon qui étoit pour lors à fa fenêtre, voyant unCavalier de bonne mine,bien monté & fuivi d'un valet à chevaljavec deux chiens de chaffe, jugea que c'étoit un chaf