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finiffons, je vous prie, cet entretien, une autre fois nous en dirons davantage. En achevant ces mots, elle quitta le Comte, & alla joindre quelques Dames de fes amies.

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Peu après on se mit à table, repas fut fplendide, & répondit à la beauté de la compagnie. Enfuite il y eut un bal qui dura jufqu'à trois heures du matin. Le Comte danfa avec Mademoifelle de Meronville, & fit voir tant de grace & de jufteffe dans fa danfe, que tout le monde en fut charmé. Pendant le bal, il étoit toujours auprès de la Demoifelle à lui conter des douceurs, mais elle le pria de ne point tant affecter de lui parler. Un amour fans myftere languit, & cet obftacle ne fervit qu'à redoubler la paffion du Comte. Quand le bal fut fini, ceux qui

étoient les plus éloignez de chez eux refterent, en attendant le jour: mais les plus proches s'en retournerent. Mademoiselle de Meronville fut de ce nombre, Le Comte & fon parent l'accompagnerent jufques chez elle, & enfuite ils s'en allerent. Le lendemain cet amant ne manqua point de rendre vifite à fon amante, & de lui renouveller les fentimens d'amour & de ten. dreffe qu'il avoit pour elle. Mademoiselle de Meronville étoit charmée de l'entendre. Mais quand elle faifoit reflexion que le cœur du Comte avoit été poffedé par une autre, & qu'elle ne devoit fon retour qu'à la mort de fa rivale, cette pensée luy faifoit de la peine. Cependant elle ne lui en parla plus. Elle lui fit le meilleur vifage du monde, & la joye qu'en eut le Comte

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fut fi grande, qu'il ne paffoit pas un jour fans l'aller voir. Pendant que le Comte de Merincour refta chez fon parent à la campagne, il alloit fouvent à la chaffe, & un jour qu'il y étoit, & qu'il faifoit une extrê me chaleur, il fe fentit preffé de la foif. Il cherchoit quelque fontaine pour le défalterer, lors qu'il fut joint par un venerable vieillard, qui avoit un chapeau à l'antique, une fraife au cou, une barbe blanche d'un demy pied de long, des yeux vifs & perçans, avec un bâton d'épine à la main, & un œil de ferpent au doigt. Ce vieillard l'ayant falué fort honnêtement lui demanda fi fa compagnie ne luy feroit pas incommode: Bien loin de cela, répondit le Comte,elle me fera beaucoup d'honneur, & enfuite ils entrerent en converfation

fation. En chemin taifant ils vi rent un homme qui étoit pendu à un arbre. Cet objet furprit le Comte; & comme fa foif augmentoit, il dit à ce vieillard la grande alteration qu'il avoit, & qu'il donneroit volontiers une piftole pour avoir un verre d'eau. Je m'en vais presentement vous épagner cette dépenfe, interrompit le vieillard, & étancher votre foif. En achevant ces mots, il lui demanda s'il avoit un gobelet pour lui apporter de l'eau's le Comte dit que oui, & en mê me temps il lui en prefenta un de cuir de rouffi qu'il avoit par bonheur fur luy. Ce vieillard J'ayant pris commanda à ce penidu d'aller chercher de l'eau pour le Comte & de revenir promptement. Ce pendu fe dépendit auffi tôt & partit à l'inftant. Un moment après il revint avec le Ee

gobelet rempli d'une eau claire comme de l'eau de roche, auffi froide que de la glace, & auffi agréable que de la limonade. Le Comte étonné d'un incident fi extraordinaire, & jugeant que tout cela n'étoit pas naturel, ne fçavoit s'il devoit boire: cependant comme la neceffité n'a point de loy, il but tout ce qui étoit dans le gobelet. Ce vieillard lui demanda s'il vouloit qu'on lui allât encore querir de: l'eau mais le Comte l'en remercia très-humblement. Et le vieillard commanda au pendu de s'aller rependre; ce qu'il fit auffi-tôt de la meilleure grace du monde, & je fuis fûr qu'il ne s'eft jamais trouvé perfonne fi obéiffant ni fi promt à fe pendre. Cette avanture pourroit paroître fabuleufe aux incredules ; mais quand on se souviendra de

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