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le mérite de fon amant, plus for abandonnement redoubloit fa peine. Enfin après avoir langui quelque temps, & fouffert tous les maux qu'un amour méprifé peut reffentir, elle tomba malade. Son mal augmenta de jour en jour & fe voyant à l'extrêmité, elle envoya encore chercher fon amant pour lui dire qu'elle fouhaitoit de lui parler avant qué de mourir. Le Comte qui ne fçavoit pas l'état où elle étoit, fut extrêmement furpris de cette nouvelle & l'alla voir auffi-tôr. Après qu'il fut entré dans la chambre, & qu'elle eut fait fortir ceux qui y étoient : Vous voyez, lui dit-elle, l'extrêmité où vous m'avez réduite: Je vous avois donné mon cœur, parce que je croyois que vous m'aviez donné le vôtre mais votre mépris m'a fait connoître

mon

mon erreur. Sije me l'étois attiré par ma faute, je ne m'en prendrois qu'à moi-même mais vous ayant aimé uniquement, je n'ay pû voir votre procedé fans' une douleur extrême; & voilà ce qui m'en coute pour vous avoir trop aimé. Le Comte voulant auffi tôt se justifier: Il n'eft plus temps, lui dit cette aimable fille, la mort eft fur le bord de mes levres, & je vais vous quitter pour jamais. Comme la jaloufie du Comte n'étoit venue que d'un excès d'amour, & qu'il en avoit toujours pour elle, il ne put entendre ces paroles fans un extréme déplaifir. Il lui prit les mains, les arrofa de fes larmes, & lui temoigna tous les regrets imaginables de lui avoir déplu. Mademoiselle de Meronville qui fouffroit de l'état où elle étoit

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& de celui où elle voyoit fon amant le pria de fe retirer. Elle lui donna un paquet cacheté de fes armes, & lui dit de ne l'ouvrir qu'aprés fa mort. Le Comte s'en alla chez lui accablé de douleur ; & le lende main Mademoiselle de Meronville mourut, au grand regret de tous ceux qui l'ont connue.

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Le Comte ayant fçû cette trifte nouvelle en fut fenfiblement touché. Il décacheta le paquet, & y trouva une agathe d'Orient fur laquelle cette chere amante avoit fait graver fon portrait d'un visage trifte & pleurant avec ces mots : Celle qui meurt pour celui qu'elle aime, Il y avoit encore deux braffelets de fes cheveux entrelaffez d'un fil d'or, & au.deffus le nom de Meronville, qu'elle avoit fait à l'éguille; ils étoient enrichis de

perles, de rubis & d'emeraudes. Tout cela qui ne marquoit que trop l'amour de cette amante, ne fervoit qu'a redoubler la douleur de l'amant. Elle fut fi grande qu'il eft difficile de l'exprimer. Tantôt il se mettoit en colere contre foi-même, & tantôt s'adreffant à Mademoiselle de Meronville, comme fi elle étoit en vie, il lui difoit avec des paroles entrecoupées de foupirs & de fanglots, pardon mon cher cœur ; je t'accufois d'une infidelité dont tu étois innocente, & malgré mon injustice tu m'as aimé jufqu'au tombeau. Ah! quél excès de tendreffe pour le plus indigne & le plus coupable des hommes. Pardon encore une fois, ma chere ame, & éternellement pardon. J'ay offenfé fans raison la conftance & la fincerité de tou

amour

:

& cette offense a été la cause funefte de ta mort. O malheureux que je fuis j'ay tout perdu en perdant la feule que j'aimois le plus au monde. Je ne fçaurois plus lui furvivre. Et puifque je fuis la caufe de fa mort, il faut qu'elle foit auffi la caufe de la mienne. Oui, il faut m'immoler à mon reffentiment. Ombre fatal de l'objet de ma flâme, foyez témoin de ma douleur; apprenez - lui le facrifice que je veux lui faire de ma vie, & le regret que j'ai de n'avoir rien de plus précieux à lui offrir. C'est trop fouffrir pas mourir, & ce n'eft pas af fez de mourir pour expier ma faute, & témoigner la vive douleur que j'ai de la mort de la plus aimable perfonne qui fût au monde. Je voudrois trouver quelque chofe de plus cruel

pour ne

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