페이지 이미지
PDF
ePub
[ocr errors]

que la mort, pour lui mieux marquer l'excès de mon déplaifir. Mais comme il n'y a rien de plus terrible que cette impitoyable, allons barbare, je m'a bandonne à toi. Arrache mon cœur déchire mes entrailles & employe toute ta fureur pour me punir, & vanger mon amante. En achevant ces mots, il prit un poignard, & alloit s'en donner dans le fein, lors qu'un de fes amis qui avoit entendu tout ce qu'il avoit dit, entra bruf quement dans la chambre, & lui retint le bras. H lui reprefenta fa foibleffe, ou pour mieux dire fon emportement, & n'ou blia rien de tout ce qu'il crut pouvoir lui en donner de l'horreur. Cependant tout cela ne fit pas beaucoup d'impreffion fur T'efprit du Comte. La mort de Mademoiselle de Meronville lui

étoit trop fenfible pour s'en con foler fi aifément. Il tomba malade, & fut à l'extremité.

Qu'il auroit été heureux fi dans les commencemens il eût donné des bornes à l'ardeur de fa paffion; la perte qu'il fit de fon aimable ne lui eût pas été fi fenfible. Mais l'amour ne permet pas qu'on fe précautionne ni qu'on faffe le moindre rai fonnement contraire à sa puiffance. Il bouche les avenues des reflexions fur ce fujet. Il fe pare de toutes fortes d'attraits pour nous furprendre ; & lors qu'il s'eft rendu le maître d'un cœur, ce cœur en devient bien tôt le malheureux efclave. Tous les efforts qu'il fait pour rompre fes chaînes, ou du moins pour en adoucir les rigueurs, ne fervent qu'à les augmenter, & à lui faire fouffrir tout ce qu'elles

ont de plus dur & de plus cruel. Quelle fatalité pour un amant qui a été l'artifan de fa captivité, & quel bonheur pour lui s'il avoit fuivi l'exemple d'Uliffe, dont l'efprit & la retenue triompherent des charmes de Circé? Mais la plupart des hommes n'ont pas la prudence & l'adreffe de ce Heros, ils fe laiffent éblouir au brillant du premier objet qui leur femble beau, & fans en prévoir les embarras & les fuites, leurs cœurs deviennent fouvent la dupe de leurs yeux.

Cette reflexion nous ayant un peu éloigné du mauvais état où nous avons laiffé le Comte de Merincour, il eft temps de revenir à lui, & de remarquer que la violence de fa fièvre l'ayant un jour afsoupi, il crut voir un Phantôme qui lui demandoit le Ef iiij

fujet de fon mal. Quel foulage ment recevrai je de te le dire répondit le Comte en rêvant ? car fi tu l'ignores, tu n'es pas capable de me fecourir ; & fi tu ne l'ignores pas, pourquoi me le demandes-tu? Je ne l'ignore pas, répondit le Phantôme, mais c'eft que de ta réponse, je prendrai occafion de difcourir avec

que tu

toi. N'attends pas de moy d'au tre réponse, répliqua le Comte, que celle pourras apprendre de mes foupirs & de mes larmes. C'eft tout ce que je puis te dire, pour te faire connoître la douleur que j'ai d'avoir perdu la feule perfonne que j'aimois, & dont j'étois uniquement aimé.

Tu fçauras donc, dit le Phantôme, que

celle que tu regrettes fi fort n'eft pas morte: Elle n'a feulement changé que de féjours

elle étoit composée de deux natures differentes; d'une ame fpirituelle & divine, & d'un corps terrestre & corruptible. Si ta appelles mort leur féparation, il n'y a point de doute qu'elle ne foit morte, puifque fon ame eft féparée de fon corps: mais fi tu confideres que cette féparation n'est que pour un tems, tu peux croire qu'elle eft en vie, & qu'elle ne fait que dormir. Un jour viendra que fon corps & fon ame fe rejoindront, & qu'ils reprendront leur forme naturelle, pour ne se séparer jamais. Alors tu auras le plaifir de revoir éternellement celle que tu as tant aimée. Ainfi confoles-toi, ne répands plus de larmes, & vis dans l'efperance que je te don ne. A ces mots le Comte se ré veilla toute en fueur, & foit que cette crife eût été une marque

« 이전계속 »