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Et un jour qu'un de fes Courtifans lui demandoit d'où vient qu'il préferoit la fauconnerie à la venerie, c'eft, dit-il, à caufe que les oyfeaux ont toûjours été plus estimez que les bêtes terreftres, en ce qu'ils font plus capables de raison. Plutarque, le plus grand & le plus fage des Philofophes moraux, raconte que deux aigles ont enfeigné le milieu du monde; que ces animaux étant partis de Delphe en même tems, l'un tirant vers le Levant, & l'autre vers le Ponent, fe rencontrerent au même lieu d'où ils étoient partis, qui fut pour cela appellé par les Grecs le nombril du monde. C'eft pour cette raifon qu'on avoit mis dans le temple d'Appollon deux aigles d'or bec à bec, en memoire de cette heureuse rencontre.

Les Anciens estimoient infi

niment les oyfeaux & s'en fervoient pour connoître les chofes futures. Les Chaldéens & les Grecs donnoient beaucoup de créance à leurs préfages. Les Hetruriens, les Latins & les Romains en furent toûjours fideles obfervateurs dans leurs affaires publiques. Si l'on veut bien examiner le merite des oyfeaux, on verra plufieurs merveilles en eux, n'étant pas feulement capables de la parole, mais encore de prédire l'avenir.

Pirrhus a voulu porter le nom de l'aigle. Antiochus ayant executé tant de belles entreprises, fe faifoit appeller le faucon: or il faut fçavoir que le faucon par fignification hieroglifique reprefente la victoire, tant à caufe de fa vîteffe, que parce qu'il a toujours le deffus dans le combat. On peut voir dans Homere com

me Theoclymene donnant courage à Telemaque, & lui pronoftiquant que fa race feroit grande & victorieuse, il le lui fit entendre par l'hieroglifique du faucon. Les aîles de cet oyfeau que Cyrus vit attachées à Darius fur fes épaules le jour de la bataille, furent un préfage de la victoire de Darius. Ce Prince qui fe promettoit l'Empire de l'Univers, vouloit toûjours porter trois faucons bec à bec fur fa cafaque, pour fignifier qu'il étoit très-victorieux.

.. Comme nous fommes fur le merite des oyfeaux de Proye, je: ne puis m'empêcher de rapporter ici une avanture affez curieufe arrivée fous le regne de Henri II. Ce Prince étant un jour à la chaffe à Fontainebleau, un facre de fa fauconnerie s'écarta en poursuivant une cane petiere,

& fut repris le lendemain dans l'Ile de Malte, ainfi que le Grand-Maître qui y étoit alors l'écrivit au Roi en lui renvoyant fon oyfeau. Pareille avanture arriva peu après à un faucon, qui étant monté à l'effor à une lieue de Paris, fut le même jour trouvé à Cleves en Allemagne, & rapporté au Duc de Guife à qui il appartenoit; ce qui fait voir la diligence & la rapidité du vol de ces nobles oyfeaux.

Je croi qu'en voilà affez touchant les avantages & les merveilles des bêtes à plumes, paffons maintenant aux bêtes à poil, & difons qu'il n'y en a point de plus rufées que le liévre, quoique felon les Naturalistes, il perd la memoire en courant. Voici l'avanture d'un de ces animaux, qui eft bien la plus plaifante, fi elle eft veritable, qu'on ait peut-être jamais vûe.

Feu Meffire Louis Henri Marquis de Mailly mon oncle,Baron de Sourdon, Seigneur de la Verfine & Meftre de Camp general de la Cavalerie de Savoye, étant allé à la chaffe le jour de faint Hubert, avec plufieurs de fes amis,fans avoir entendu laMeffe, fa meute n'eut pas fait cent pas dans une belle plaine, qu'elle fit partir un liévre qui couroit d'une vîteffe fans exemple. Comme il fe voyoit de tems en tems éloigné des chiens, il se mettoit fur le cul, les regardant venir à lui; & lorfqu'ils en étoient proche & qu'ils croyoient le tenir, il reprenoit fa courfe avec la même vîteffe qu'il avoit fait. Quand il rencontroit un foffé, quelque grand qu'il fût, il le fautoit plus de quatre pieds au delà du bord. Les chiens qui étoient las, ou qui n'avoient pas la même lege

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