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parente fe promener aux Tuilleries. Comme elle entroit dans l'allée des Tilleuls,autrement dite des foupirs, elle rencontra le Prince, qui l'aborda d'un air enjoué,en luy difant: Nous ne fommes pas icy, Mademoiselle à faint Roch, & nous pouvons parler fans crainte des voisins. La Demoiselle ne répondit rien à ces paroles, & s'affit en même tems fur un banc qui étoit près d'elle. Le Prince en fit autant, & luy renouvella'tous les fentimens d'amour & de tendreffe qu'il avoit pour elle, en l'affurant qu'ils ne finiroient qu'avec fa vie. Mademoiselle de Silvacane rioit dans le fond de l'ame de toutes ces proteftations, que les Amans oublient fouvent d'abord que leur paffion eft fatisfaite. Le Prince pour luy faire voir qu'il luy parloit très-ferieusement, tira de fa po

che, une petite boëte d'agate 67 rientale garnie d'or, & enrichie de pierreries, dans laquelle il y avoit un colier de perles de douze mille francs, deux pendans d'oreilles de pareille valeur, & une croix de diamans de cinq cens piftoles. Après luy avoir fait voir ces bijoux, il voulut luy en faire prefent avec la boëte. Mais la Demoiselle qui fçavoit que qui prend s'engage, refufa le tout, quelque priere que le Prince luy fit de l'accepter. Ce procedé étoit fort honnêre de part & d'autre ; car fi d'un côté ce Prince fit voir fa generofité par fon prefent, la Demoifelle ne fit pas moins paroître la fienne en le refufant. Si le refus de la Demoiselle n'accommodoit pas l'amour de ce Prince moins il ne pouvoit s'empêcher d'avoir pour elle beaucoup d'eftime. En effet, il luy dit que

du

malgré l'averfion qu'elle témoignoit pour luy & pour tout ce qui venoit de fa part, il ne laifferoit pas de conferver dans fon cœur tous les fentimens d'amour & d'eftime qu'on devoit avoir pour elle. La Demoiselle luy répondit que pour fon amour elle l'en tenoit quitte; mais que pour fon eftimie elle le fuplioit de la luy conferver, & qu'elle auroit toûjours pour luy tout le refpect qui étoit dû à son merite & à sa naiffance. En achevant ces mots, elle fe leva, fit une profonde 'reverence à ce Prince,& changea d'allée. Tout cela ne fervit qu'à augmenter la paffion du Prince, & il y avoit à craindre pour la Demoiselle qu'un amour méprisé ne se tournât en fureur, & ne la fit enlever. C'est pourquoy en ayant parlé à quelqu'un de fes parens, on luy confeilla de fe mettre dans

un Convent pour quelque tems; ou bien d'aller à la campagne, efperant que le tems l'effaceroit de la memoire de ce Prince. Elle profita de cet avis; & dès le lendemain elle partit avec fa parente, & s'en alla à Rennes en Bretagne chez une Tante qu'elle y avoit, dont elle étoit heritiere, qui fut ravie de la voir.

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Cependant le Prince alloit tous les matins à faint Roch, & les après-dînées aux Tuilleries, efperant d'y rencontrer la Demoifelsle; mais voyant qu'il ne pouvoit

la trouver, il crut qu'elle étoit malade, & il envoya chez elle s'informer de l'état de fa fanté. On luy dit qu'elle étoit allée à Toulouse, & qu'elle ne reviendroit de longtems: il écrivit auffi-tôt en ce pays-là, & n'en recevant aucune nouvelle certaine qui l'accommodât, fon amour diminua peu à

peu

peu, & ne fongea plus à la Demoiselle.

Avant que Mademoiselle, de Silvacane partît de Paris, elle prit congé du Chevalier de Bachimont, auquel elle fit confidence du fujet de fon départ, & du lieu où elle alloit. Elle luy recommanda s'il luy écrivoit, de ne pas mettre fon nom fur le deffus de fes lettres, & de mette feulement. àMademoiselle Dupont,chez Madame de Surville à Rennes, & de figner de la Salle. Après avoir pris ces précautions ils s'embrafferent tendrement, & fe dirent adieu. Elle partit le même jour, & il y avoit plus d'un mois qu'elle s'en étoit allée, fans que le Chevalier eût reçû de fes nouvelles: il ne fçavoit à quoy attribuer fon filence. Il étoit dans une inquietude extrême: enfin ne pouvant plus vivre en cet état, voicy la lettre qu'il luy écrivit.

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