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épouvantable qui fit fremir les fpectateurs. On voyoit quelquefois des oyfeaux fi fort acharnez les uns contre les autres, que pour mieux combattre, ils fe dégageoient de la mêlée, & fe devoroient en l'air; d'autres qui ne pouvant plus foutenir l'effort de leurs ennemis, feignoient de s'enfuir pour prendre haleine ; & enfuite fe partageant par pelotons, les attaquoient en tête, en queue & en flanc. Ceux qui tomboient à demi morts, fembloient vouloir encore combattre, en donnant contre terre des coups d'aî les, de pates & de bec ; & les cris & les écumes qu'ils jettoient ne marquoient que trop la rage & le defefpoir de leur défaite. En fin ce combat fut fi rude & fi opiniâtré, qu'on trouva dans la plaine plus de deux mille Oyfeaux tant morts que mourans.

On a remarqué que les vaincus étoient presque tous étrangers; qu'il y avoit parmi eux des Corbeaux blancs, des Cicognes & des Orfrayes; que les vainqueurs étoient des Oyfeaux du pays qui, après leur victoire, vinrent fe repofer fur les Eglifes & fur les maifons voifines, où par leur ramage ils chanterent leur triomphe d'une maniere agreable, tandis que les autres fans rien dire, precipiterent leur retraite du côté du Nort.

Voilà de quelle maniere cette bataille fe paffa, elle eft fort furprenante ; & je ne doute pas que les incredules ne la traitent de fiction; mais qu'ils lifent les Hiftoriens Greques & Romaines, ilsverront des évenemens femblables arrivez prefque dans tous les fiecles, & les jugemens heureux ou malheureux que les peuples en faifoient.

Parmi ce grand nombre d'Oyfeaux qui étoient morts à terre, on en trouva un vivant d'une beauté admirable. Son plumage étoit moitié rouge, moitié verd & moitié blanc; fa tête étoit houpée d'une espece de couronne couleur d'orange; fon eftomac étoit garni d'un duvet d'un bleu celeste, qui étoit parfemé d'une couleur de citron. Il étoit un peu plus gros qu'un Pigeon. Son bec, ' fes pieds & fes ongles étoient couleur de feu & d'or; fes yeux brilloient comme des étoiles. Il ne pouvoit fe foutenir fur fes pieds, tant il étoit las. C'eft pourquoy le Baron le portoit doucement entre ses bras, lorsqu'il fut joint par une fort belle Demoifelle, qui s'étant arrêtée tout court' pour admirer cet Oyfeau, ne put s'empêcher d'en faire l'éloge, & de feliciter le Baron fur la capture

de

de cet animal, qu'elle croyoit être le Phenix des Oyfeaux, ou le Roy de la bataille. Comme le Baron étoit naturellement genereux, & qu'il connut que cette aimable Demoiselle auroit bien voulu avoir cet Oyseau, il le luy offrit; elle n'ofa d'abord l'accepter, mais il l'en preffa avec tant d'instance, & de fi bonne grace, qu'elle l'accepta. Le Baron accompagna la Demoiselle jufques chez elle, qui n'étoit qu'à cent pas du lieu où ils étoient. C'étoit une maison fort belle, & très-proprement meublée. Elle apartenoit à une Tante chez, qui la Demoiselle. demeuroit. Cette Tante demeurée veuve fans aucuns enfans. ayant toujours aimé le monde, étoit ravie qu'une jolie Niéce luy attirât une groffe cour. La Belle tiroit tous les ans de fon Tuteur, une fomme affez confiderable 珏

qu'elle employoit en ajuftemens de mode; & la Tante qui la regardoit comme fa fille, contribuoit de fa part à luy fournir toute la parure, qui touche fi fort les jeunes perfonnes. Ainfi elle changeoit fouvent d'habits ; & comme elle avoit les traits delicats & le teint fort vif, il n'y en avoit aucun qui ne luy donnât quelque éclat nouveau. C'étoient par là tous les jours de nouveaux fujets de l'admirer pour tous ceux qui l'aprochoient.

Le Baron qui avoit envie de fe marier, s'attacha auprès de la Demoiselle, qui par fa conduite toujours reguliere, s'étoit acquife une estime generale: Il parla, il fut écouté ; & les foins qu'il luy rendit luy faifant connoître que fon cœur étoit touché, eurent le fuccès qu'il en avoit attendu. Enfin la Demoiselle fe montra fen

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