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fible à fa paffion ; & une bonne Amie qu'elle consultoit en toutes choses, ayant aprouvé fon choix, il ne fut plus question que de dreffer le Contrat de mariage. Les Articles ne furent pas difficiles à regler. Le Chevalier l'en laiffa la maîtreffe ; & ne voulant du bien que pour elle, il ne chercha que ce qui pouvoit luy faire plaifir.

Des manieres fi genereuses & fi défintereffées, redoublant l'eftime qu'elle avoit pour luy, augmenterent en même tems fon amour; & il eût peut-être été mal-aifé de voir une liaison plus tendre que celle que la fympathie de leurs humeurs forma entre eux en fort peu de tems. C'étoit en l'un & en l'autre beaucoup de douceur & d'honnêteté, & fans qu'il y eût ni d'empire pris, ni de complaifance trop foumife, is

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fe rencontroient toujours dans, les mêmes fentimens, & ne fouhaitoient qu'une même chose. Ainfi la bonne Amie de la Demoifelle l'étant auffi devenuë du Baron, n'avoit point à craindre d'être employée à prononcer fur ces petits differends qui ont coutume de naître entre les perfonnes qui s'aiment le plus. Ils n'avoient jamais à luy parler que du plaifir qu'ils prenoient à fe donner des marques d'une vraye tendreffe; & le Baron fur tout s'en expliquoit avec elle d'une maniere fi vive, que charmée des fentimens qu'il luy découvroit, & toujours plus penetrée de fes bonnes qualitez, elle ne ceffoit d'aplaudir la Demoifelle fur fon heureufe fortune.

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Le jour étoit pris pour le mariage; & le Baron qui le voyoit proche, montroit une joye qu'on

ne fçauroit exprimer, quand la Demoiselle tomba tout à coup malade. Le mal qui éroit preffant, fut jugé devoir être long & dangereux. Ce fut pour le Baron un accablement qui alla jusqu'à l'excès. Il fit venir Medecins fur Medecins, comme fi le nombre eût dû avancer fa guerifon; mais tout leur art fut une reffource qu'il employa inutilement. La malignité de la maladie l'emporta fur les remedes ; & il falut changer l'appareil des nôces en celuy des funerailles. Rien n'eft comparable à la douleur que fit voir le Baron. Il ne la foulagea point par de vains regrets, ni par cette abondance de larmes que les yeux fourniffent dans les afflictions medio. cres; il en fut entierement occupé, & parut pendant quelques jours comme privé de tout fen

timent. On avoit beau luy parler, il fembloit ne rien entendre; & fes yeux diftraits marquoient je ne fçay quoy de funefte qui faifoit peine à tous ceux qui jugeoient de la grandeur de fon déplaifir, par la connoiffance qu'ils avoient de l'excès de fon amour. Enfin quand à force de le plaindre, fes Amis l'eurent engagé à s'expliquer avec eux du trifte état où il fe trouvoit reduit, fes pleurs commencerent à couler, & il leur dit enfuite les chofes les plus touchantes fur la perte qu'il venoit de faire. On n'adoucit fa douleur qu'en l'approuvant dans toute fa violence; & comme il vouloit qu'elle fût connue de tout le monde, quoiqu'il fût contre l'ufage d'en donner publiquement des marques exterieures, il priz le deuil, & le fit prendre à fes

gens, comme fi le mariage avoit été accompli, & qu'il eût veritablement perdu fa femme, & non pas une Maîtreffe. On peut croire qu'après cela il renonça à tous les plaifirs, & qu'il n'y eut rien pour luy de plus que la folitude. Il ne la rompoit que pour certaines perfonnes avec qui il pouvoit s'entretenir fans contrainte, de ce qui étoit gravé fi profondément dans fon cœur. Il voyoit fur tout la bonne Amie de la Demoiselle, & alloit fouvent pleurer avec elle ce que fes larmes ne pouvoient luy rendre. Elle admiroit tous les jours de plus en plus la conftance d'un amour qui fembloit braver la en

mort, & dont le tems,

core pû diminuer la force.

Il y avoit déja plus d'un an qu'il paffoit fa vie dans les foupirs, toujours rempli de fa chere

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