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Maîtreffe, & en parloit à tous ceux qui avoient encore quelque commerce avec luy. Enfin se trouvant un jour avec une Dame en qui il avoit de la confiance, & qu'il ne pouvoit fe difpenfer de voir quelquefois, après qu'elle euţ écouté à l'ordinaire ce qu'il avoit à luy conter de lugubre, elle tâ cha de luy infpirer d'autres fentimens que ceux qui l'entretenoient dans les reflexions chagrinantes, qu'il faifoit fans ceffe. C'étoit une de ces femmes qui font nées pour obliger, & qui n'aimant que la joye, ne, pouvoit fouffrir que leurs Amans fouffrent. Elle luy dit agreablement que l'Amie de fa défunte Maîtreffe, à qui il rendoit de fi frequentes visites, avoit une fille toute aimable, & bien plus capable que fa mere, d'adoucir fes déplaifirs; qu'elle avoit du bien, de l'efprit, de la fageffe;

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& que s'il vouloit la croire, au lieu de foupirer pour un Ombre qui ne pouvoit luy en fçavoir aucun gré, il foupireroit pour une jolie perfonne qui pouvoit luy rendre foupirs pour foupirs; que la premiere année de fon deüil étoit expirée, & que les pleurs ne pouvant redonner ce qui étoit perdu fans reffource, il faloit laiffer les morts en paix, & chercher à vivre avec les vivans. Le Baron rejetta d'abord cette propofition comme un crime de leze - memoire dont il étoit incapable, & prétendit qu'il étoit de fon honneur de préferer le fouvenir de la Demoiselle, quelque inutile qu'il fût, à tout ce que pouvoit avoir de douceurs le mariage le mieux afforty; mais la Dame, qui joignoit à l'enjouement toute l'adreffe qui eft neceffaire pour réuffir dans une entreprise, le tourna fi Ι

bien de tous côtez, qu'elle luy fit avouer que la Demoifelle dont elle parloit avoit uff merite fingulier, & qu'il croyoit qu'un mary feroit heureux avec elle. Elle l'engagea infenfiblement à raifonner fur tous les obftacles qui fe pouvoient rencontrer dans cette affaire; & ce qui l'embaraffoit le plus, s'il avoit à y fonger; c'étoit le perfonnage d'Amant où il faudroit fe réfoudre pour s'acquerir le cœur de la Belte, & qu'il luy feroit honteux de faire, après avoir parú fi long-tems inconfolable de la perte qu'il avoit faite. La Dame n'eut pas de peine à luy aplanir la difficulté. Elle luy dit, qu'il feroit jufte qu'on le difpenfât des formalitez accoûtumées, qu'il fuffifoit qu'il fçût bien aimer pour être affuré de plaire, & qu'un homme qui avoit pleuré une Maitreffe pendant plus d'un an, de

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voit être cru plein d'amour fur fa parole, en quelque lieu qu'il fe déclarât, fans qu'on fût en droit d'en exiger de plus grandes preuves; qu'elle fe chargeoit de tout, & qu'elle étoit feure qu'on ne demanderoit pas de plus forte caution des affurances qu'elle donneroit pour luy, que fa conftance qui étoit connuë.

Le Baron ne donna point fon confentement à ce que la Dame fe montroit prête à faire pour luy, mais auffi il ne luy dit rien pour d'en empêcher, Ainfi elle alla des le lendemain trouver la mere de la jeune Demoifelle, & luy découvrir la peniée qu'elle avoit euë. Elle la trouva dans des difpofitions fi favorables pour le Baron, par toute la connoiffance qu'elle avoit pour fon merite, qu'il ne fut plus queftion que de fçavoir fi la fille n'auroit point d'averfion

pour le mariage. Elle n'en marqua aucune, & comme elle avoit l'efprit folide, tout avoit contribué à la détromper de fes jolis hommes, qui fiers du brillant de deur jeuneffe, en regardent les défauts comme des vertus utiles à pratiquer. Sa beauté & les agrémens de fa perfonne, luy avoient attiré depuis deux ans cinq ou fix Amans de cette efpece, qui tous, plus fous les uns que les autres, avoient déferté, après avoir fait paroître des tranfports d'amour au délà de tout ce qu'on peut imaginer. Leur conduite évaporée, & le peu de fermeté qu'ils avoient eûe à foûtenir leurs premieres proteftations, luy avoit fait voir avec admiration la fidelité du Baron, que la mort même, malgré l'averfion que l'on a pour tout ce qui peut en offrir l'image, avoit été incapable d'ébranler.

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