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refolut d'accepter ce Penfionnaire, dans l'efperance que, fur le prétexte de fe décharger fur moi du foin de l'enfeigner, à caufe de fon âge & de fes infirmités,il pourroit fournir à ce jeune homme le moïen de me plaire, & faire ceffer le goût que j'avois pour le célibat, perfuadé que les occafions frequentes qu'il auroit de me voir pour peu qu'il fût aimable, m'ameneroit enfin au point où il me defiroit.

Dans cette vue le Medecin de Lisbonne eut une réponse polie, & qui acceptoit les offres qui avoient été faites, avec l'affurance qu'il pouvoit faire partir fon fils quand il lui plairoit, & qu'on tâcheroit, par les foins qu'on auroit de lui, de lui prouver qu'on n'étoit pas indigne de la confideration qu'il marquoit.

Ileft vrai qu'avant que cette let tre fût envoïée, mon pere prit une

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précaution affés extraordinaire. Comme il ne vouloit accepter le Penfionnaire qu'on lui propofoit que pour les raifons qui ont été déduites, il fit écrire à Lifbonne pour s'informer fi le fils du Medecin étoit un Cavalier affés bien fair pour être vû avec plaifir du fexe. Il fut ravi d'aprendre que celui dont il s'agiffoit fe paroit de la plus jolie figure, & qu'on ne pouvoir rien ajouter ni à fa conduite ni à fes moeurs; ce raport fait, il fit partir la lettre dont nous avons parlé, & en attendit la réponse avec beaucoup d'impa

tience.

Huit jours fuffirent pour lui donner cette fatisfaction, la lettre du Medecin aprenoit le départ de fon fils. Mon pere nous. l'annonça à ma mere & à moi ; mais il s'y prit d'une maniere bien adroite pour me furprendre, & pour faire effet fur mon cœur ; il

dit à ma mere, en feignant de ne pas s'appercevoir que j'étois prefente, que ce qui lui déplaifoit dans cette affaire, étoit que le jeune homme qui artivoit, felon ce qu'on lui mandoit, étoit d'une figure à faire peur, & très - mal fait, & apuya fur le defagrément qu'il y a de vivre avec de telles gens ; qu'il auroit bien voulu s'exempter de le recevoir, mais qu'on lui avoit fait parler par des gens fi refpectables, & qu'il confideroit fi fort, qu'il aimoit mieux fe faire violence que de les mé

Contenter.

L'averfion que je confervois toujours pour les hommes, ne me fit point faire attention au dif cours de mon pere, il ne fervit qu'à peindre le Penfionnaire dans mon efprit avec les traits les plus defagreables mais que j'eus lieu d'être furprise lorfqu'un foir que nous étions à table, il entra un

grand jeune homme fait comme l'Amour, qui venoit nous être annoncé pour le Penfionnaire que nous attendions ; mon pere le reçut avec joïe, charmé de connoître par fes yeux qu'on ne lui en avoit pas impofé, & perfuadé par la contenance interdite que je fis paroître, qu'il avoit peut-être trouvé le fecret de venir à fes fins.

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Heft vrai que l'abord poli & refpectueux de cet homme, m'émut & m'étonna; s'attendre à du laid & voir du parfait, cause de ferieuses impreffions fur le cœur d'une jeune perfonne ; je ne pouvois ceffer d'examiner ce Penfionnaire, je lui cherchois des défauts, & je ne lui trouvois que qualités fes cheveux négligés, d'un blond cendré, tomboient à groffes boucles fur fes épaules, & nonobftant le dérangement où le voyage avoit mis fon ajufte

ment, il avoit l'air fi noble, qu'il me fut impoffible, après cet examen,de le haïr. Je me levai de table piquée de ne lui rien trouver qui fût conforme à l'aversion que je m'imaginois avoir pour les hommes, & malgré l'ordre de mon pere & de ma mere, qui vouloient m'obliger à refter, je fus me renfermer dans ma chambre en pleurant comme une folle.

Ne taxe-t'on pas avec juftice notre fexe de caprice? N'en voici-t'il pas un exemple fingulier? Dès que mes yeux & mon cœur furent revenus de la prévention dont j'ai parlé, je me trouvai plus refolue que jamais à ne point me marier; mes fentimens eurent beau se revolter contre l'injuftice de ce procedé, mon entêtement prévalut fur les follicitations de mes parens & fur mon inclination même pour le jeune homme, puifqu'il eft vrai que je ne

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