페이지 이미지
PDF
ePub

L'auteur du mémoire de M. Proyet dénonçoit de grands abus; ces abus étoient connus depuis long-tems, & il n'étoit, dans cette dé nonciation, que l'interprête de l'opinion géné rale. Mais fon mémoire écrit avec autant de force que de fenfibilité, fouleva, pour aing dire, tout d'un coup la piété publique, & émut, pour un inftant, jufqu'à ces hommes qui, par leurs principes & leur maniere d'exister, femblent ne devoir éprouver, à l'égard de leurs femblables, d'autres fentimens que ceux de la dureté, de la tyrannie & du vice.

Après avoir tracé d'une maniere énergique le tableau des abus, l'auteur du mémoire expo. foit les moyens qu'il jugeoit les plus propres à les faire ceffer; ces moyens confiftoient d'abord dans la coaftruction d'un nouvel Hôtel dieu, qu'il place à l'Ile des Cygnes, où cer édifice, parfaitement ifolé, féparé par des ef paces immenfes des habitations les plus voifiBes, entouré de tous côtés de deux bras de riviere dont le mouvement rendroit l'air auff falubre que prompt à fe renouveller, auroit encore la poffibilité de s'étendre fur un terrein vague, & mettroit à portée de procurer des promenades en plein air aux convalefcens; ce qu'on ne peut faire à l'Hôtel dieu actuel; &c. &c.

Bientôt après, les faits & les raisonnemens contenus dans ce mémoire devinrent un objet de conteftation. On nia l'exiftence de quelques abus, on diminua l'énormité des autres; on parla de l'impoffibilité & même du danger d'adopter les réformes propofées; M. Proyet ré;

pliqua. Au milieu de ce conflit d'opinions les malheureux ont continué de souffrir & de gé mir, les ames fenfibles ont continué de les plaindre, & les hommes indifférens ont dit qu'il étoit permis de douter, & qu'il falloit attendre.

Dans ces circonstances le miniftere perfuadé qu'il eft de fon devoir d'être attentif à toutes les réformes que l'on projette, & d'empêcher qu'aucune idée ne s'égare, lorfqu'elle a pour objet le bien public, a cru qu'il n'avoit d'au tre parti à prendre qué de recourir aux lumieres d'une compagnie favante; qui, fans autre intérêt que celui de la vérité, pût, après l'examen le plus profond, donner une décifion propre à fixer tous les doutes. Il a confulté l'académie des fciences; & le public attend avec impatience le résultat du travail auquel elle fe livre fur cet objet.

C'eft uniquement pour les commiffaires de cette compagnie que les idées que nous annonçons avoient été jettées fur le papier. Ils ont jugé qu'il pouvoit être utile de les publier & l'auteur s'eft conformé à leur intention.

Il expofe dans l'avant-propos, le motif qui l'a engagé à leur préfenter ces idées. » Accou» tumée, dit-il, à ne pas s'écarter du cercle » des connoiffances qui ont paru jufqu'à ce jour "l'objet particulier de fon inftitution, il fe» roit poffible que l'académie fut portée à ne "confidérer les queftions qui lui ont été pro"pofées, que dans ce qui a rapport à la mé»decine, à la phyfique & à l'architecture; il » paroît à souhaiter qu'elle étende plus toin

fes regards; & c'est ce qui détermine à met tre fous les yeux quelques obfervations mo rales & politiques fur la matiere dont elle » eft occupée. «

Perfonne n'étoit mieux fait pour se livrer à un travail de ce genre, qu'un administrateur qui a médité toute fa vie l'intérêt public, & qui a parcouru avec le plus grand fuccès la carriere des fciences morales. Les réflexions qu'il vient de publier nous paroiffent dignes de la réputation qu'il s'eft acquife. Nous allons en faire l'analyse avec toute, l'exactitude que mérite ua ouvrage de cette nature.

:

L'auteur expofe d'abord quelques principes généraux déduits de la nature de l'homme. L'homme fouffrant, commence par fupporter fon mal il fe foulage lui-même autant qu'il le peut. Quand fes propres moyens ne fuffilent pas, il fe plaint, il commence à implorer le fecours de fes parens & de les amis. Chacun d'eux l'affifte par ce penchant naturel que la compaffion met dans le cœur de tout le mon• de. » Les fecours de la famille unie par l'a »mour & l'amitié, font toujours les premiers,

les plus attentifs, les plus énergiques, & » ceux dont et plus véritablement foulagé l'ê » tre fouffrant, qui, dans l'affiftance qu'il recoit, compte pour beaucoup la confolation qu'il éprouve, & a befoin de trouver une » jouiflance morale, jointe à un fervice phy fique, «

Lorfque les efforts de la famille ne peuvent pas fuffire aux befoins de l'individu qui fouffre,

[ocr errors]

elle invoque le fecours des voisins. Ces fe cours deviennent utiles; mais comme ils ne font ni offerts avec le même zele, ni fuivis avec le même intérêt, ils n'ont pas la même efficacité. » C'est bien pis, quand au-lieu de > l'affiftance des voifins, il faut avoir recours » à celle du village, ou de la paroiffe, ou de » la municipalité, ou de la province, on de » l'étar. Plus le fecours vient de loin, moins il vaut, & plus il paroît lourd à ceux qui l'ac» cordent, a

Ces principes font d'une grande évidence; & il eft impoffible à la mauvaife foi la plus de-. terminée, d'en diminuer la force, & par conféquent de nier les propofitions qui vont en être déduites.

L'auteur parle enfuite des fecours à donner aux pauvres malades domiciliés.

Le pauvre fain & robufte doit être fecouru, en lui fourniffant l'occafion & le falaire d'un travail profitable. Lorsqu'il eft malade, il ne doit retomber à la charge de la fociété que pour cette portion de foins & de dépenfes à laquelle la famille naturelle ou adoptive ne fauroit pour voir.

Un artisan, pere de famille, qu'on transporte à l'hôpital, quitte fa femme & fes enfans, avec la double affliction d'être privé de leurs foins, & de les laiffer fans pain & réduits à la mendicité. Si on ne les fépare point, il fera foigné & confolé; il fera moins long-tems & moins dangereufement malade. Une partie de la dépense que la charité fera pour lui dans fa

maison, tournera fans lui nuire, & fans mul tiplier les frais au profit de la famille : elle fera fauvée de la mifere, fi on laiffe le malade au milieu d'elle, confommer vingt fols au-lieu d'en aller dépenser trente à 1 Hôtel-dieu.

Employer les forces des individus & des famil les, tel eft le principe que dictent l'équité, la prudence, l'économie, l'humanité. C'est la perfection de la charité; c'eft la véritable bienfai fance; celle qui est conforme aux principes d'une bonne administration. L'auteur développe cette vérité de la maniere la plus lumineule.

Après avoir parlé de tous les avantages phy. fiques & moraux qui réfulteroient d'une pa reille opération, il propose d'établir, dans cha que paroiffe, pour exécuter ce plan, une ad miniftration proportionnée au nombre & aus befoins des pauvres malades domicilíés : il n'y en a point où l'on ne pût faire, par ce moyen, des biens inappréciables, Les frais ne feroient confidérables nulle part; ils feroient par tout diminués: d'abord, parce que les parens ou les voifins rendroient aux malades des fervices gratuits; enfuite, parce que le plus grand article de dépense que préfentent les hôpitaux, celui des bâtimens & l'intérêt du capital de leur conf truction, feroit entiérement fupprimé. Il en feroit de même des immenfes objets de dépenfe qui font attachés à l'établiffement des hôpitaux.

[ocr errors]

L'auteur obferve qu'il ne propofe rien de nouveau: ce plan', dicté par les principes d'une fine philofophie & d'une véritable charité,

« 이전계속 »