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: TRAITÉ philofophique & politique fur le luxe; par M. l'abbé PLUQUET.

Qua fi voles frequenter cogitare, id ages ut

fis felix, non ut videaris; ui tibi videaris, non aliis, SENEC. Epik. 110.

A Paris, chez Barrois l'aîné & le jeune, 1786. Avec approbation & privilege du roi. Deux volumes in 12. d'environ 500 pages chacun.

PLUSIEURS

LUSIEURS Ouvrages, accueillis du public; ont acquis à M. l'abbé Pluquet une réputation méritée; l'Examen du fanatifme, en trois volumes in-12. le Dictionnaire des héréfies, des erreurs & des fchifmes, en deux volumes in-8vo. le traité fur la fociabilité, en deux volumes in. 12. les Livres claffiques de l'empire de la Chine, recueillis par le P. Noël, précédés d'obfervations fur l'origine, la nature & les effets de la philofophie morale & politique de cet empire, dont il a déja paru quatre volumes in- 18. & dont les deux fuivans ne tarderont pas à paroître. Le traité fur le luxe ne peut qu'accroî. tre la réputation de fon auteur. Il y a peu de fujets fur lefquels les fentimens fe foient auffi partagés. Ici on le croit pernicieux, là il est regardé comme néceffaire au bonheur des hom. mes, & à la profpérité des états. Les uns le

jugent funefte feulement aux républiques, & utile ou plutôt néceffaire aux monarchies; les autres prétendent que toujours bon en lui mê. me, il ne devient dangereux que par la mauvaife adminiftration de la chofe publique. Ceux là foutiennent que, malgré toutes les précau tions poffibles, le luxe s'introduit néceffairement dans les fociétés politiques, & qu'après les avoir élevées au plus haut degré de richef fe, de puiffance & de gloire, il les dégrade, & finit par les replonger dans la pauvreté & dans le malheur. Si l'on en croit ceux-ci, il eft un luxe modéré, toujours utile, & qu'il faut encourager, & un luxe exceffif qu'on ne doit jamais permettre.

Pour traiter cette queftion, une des plus importantes en morale & en politique, & pour diffiper l'obfcurité qui femble l'envelopper, l'au teur a cru devoir la décomposer, en confidé. rant d'abord le luxe dans l'homme, & enfuite dans les fociétés politiques, parce que le parti qu'on doit prendre fur la queftion envisagée fous le fecond rapport, dépend de celui qu'on aura pris après l'avoir examinée fous le premier point de vue. Il faut donc envisager le luxe dans l'homme, avant de le confidérer dans l'état civil; le traiter comme principe moral, avant de l'examiner comme reffort politique; en un mot le connoître en philofophe, avant de le profcrire, ou de l'encourager comme ma"giftrat, & comme adminiftrateur de la chofe publique. Ce double rapport divife naturellement en deux parties l'ouvrage de M. l'abbé Pluquet.

Il ne fe diffimule pas qu'il paroîtra peut-être inutile dans un tems où toutes les nations de l'Europe fe portent avec une efpece de fureur vers le luxe, & que par tout la politique pa roit être réduite à la connoiffance des moyens de faire fleurir le commerce & les arts de luxe. Mais peut-être arrivera-t-il auffi un tems où les adminiftrateurs de la chofe publique foupçonneront la néceffité d'examiner fi en effet le luxe eft utile ou nuifible aux fociétés politiques, & alors on ne trouvera pas inutile un ouvrage où l'on verra fur cet objet les vues des politiques, des philofophes, & des législateurs les plus illuftres. D'ailleurs la connoiffance des avantages ou des dangers du luxe intéreffe le pere de famille & le fimple citoyen. Il eft important pour eux & pour leur famille qu'ils aient fur ce point des idées juftes & des principes fûrs qui reglent leur conduite, quelle que foir l'adminiftration publique.

Mais quelle eft la nature du luxe? Quelle eft l'idée que préfente ce terme ? C'eft fur quoi ne s'accordent entr'eux ni les apologiftes ni les ennemis du luxe : c'est un de ces termes dont la notion eft plus ailée à fentir qu'à définir. Auffi M. l'abbé Pluquet, après avoir rapporté les définitions préfentées par différens auteurs, obferve-t-il qu'aucune n'eft propre à l'objet dont il s'agit, & fi toutes offrent des idées vagues, elles conduifent auffi à des conféquences fauffes, contradi&oires même quelquefois avec les principes de leurs auteurs. Prefque tous ont conçu la nature du luxe d'après les effets qu'on lui

attribuoit, au lieu de juger, par fa nature, des effets qu'il devoit produire. C'est donc à bien déterminer cette nature que s'attache l'auteur, & pour la reconnoître il remonte à fon origine, c'est-à-dire, à cet état de fimplicité, où l'hom. me ayant joui de tout ce qui étoit néceffaire à la vie & à la fanté, de tous les plaisirs attachés à l'exercice des vertus fociales, ne fe crut pas encore affez heureux pour fe dérober à l'ennui & à l'apathie, il chercha à fe procurer d'autres plaifirs par les impreffions que les corps étrangers peuvent faire fur les organes : il employa toute fon induftrie à inventer des arts & des métiers, tous relatifs aux plaifirs des fens. Ces plaifirs, ces amusemens que procu rent les arts agréables, lui devinrent néceffaires, dès qu'il ne fe contenta pas du bonheur que donnent les chofes dont la nature a rendu l'ufage néceffaire ou utile à la vie & à la fan. té, ni de celui qui naît des inclinations focia les, ou des penchans naturels de l'ame. » Le » luxe, confidéré en lui-même, eft donc l'ufage des objets qui produifent des fenfations agréables que Thomme a rendu néceffaires à » fon bonheur, quoique par les loix de la na

ture l'ufage de ces objets, & les fenfations » agréables qu'ils produifent ne foient ni né» ceffaires, ni utiles à la vie & à la fanté, ni » néceffaires au bonheur de l'homme. Confi. » déré dans l'homme, le luxe eft une difpo

fition de l'efprit & du coeur, qui fait regar »der & rechercher comme néceffaires au bon. heur de l'homme, des objets qui produisent

» des fenfations agréables que la nature n'a reng ; » dues ni néceffaires ni utiles à sa vie, à fa » fanté, à fon bonheur. « Ainfi l'opinion des partifans du luxe eft un fyftême qui fait dépendre le bonheur de l'homme des objets dont on vient de parler. D'où l'auteur conclut que le luxe eft un principe moral qui n'exifte que dans le cœur de l'homme. » Un aliment, ou » un habit n'eft pas un aliment ou un habit de » luxe precifément, parce qu'il n'eft pas nécef» faire à la vie ou à la fanté; c'est parce que » la nature ne l'ayant rendu néceffaire ni à la » vie, ni à la fanté, ni au bonheur de l'hom» me, l'homme l'a cependant rendu néceffaire » à fon bonheur. Le fauvage, qui fait dépen» dre fa félicité des plumes qui environnent fat »ête, des coquilles qui pendent à fes oreilles, » du raucou dont il fe barbouille, eft un hom

me de luxe, comme l'homme élégant, fomp» tueux & recherché dans fes habits & dans » fa parure.

» Au contraire, l'homme qui fait ufage des fuperfluités de fon fiecle, fans y attacher fon » bonheur, n'a point de luxe : il renonceroit » à ces fuperfluités fans ceffer d'être heureux; il ne fera jamais de mal pour fe les procu»rer; jamais il ne facrifiera au plaifir de les " pofféder, l'honneur, la probité, fa confcien» ce, l'eftime des hommes vertueux, parce que " ces avantages font les principes de fon bon

heur, & non les fuperfluités dont l'ufage lui » eft fouvent importun, faftidieux; & qu'il n'admet que par condefcendance; c'eft Ulyffe

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