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L'INCONSTANT, comédie en 5 aftes & en vers ; par M. COLLIN, repréfentée pour la premiere fois par les comédiens François, le 13 juin 1786. in-8vo. de 102 pages. A Paris, chez Prauit, imprimeur du roi, quai des Augustios. Prix, 30 fols.

Jusq

USQU'ICI tous les auteurs comiques qui ont présenté ce caractere fur la scene, ne l'ont envifagé que du côté de la galanterie, & c'eft en effet le côté le plus piquant & le plus théatral. L'Inconftant n'est pour eux qu'un hom• me qui change fouvent de maîtreffe; quoique la légèreté en amour puiffe très-bien s'allier avec beaucoup de conftance, & de fermeté dans le reste de la conduite, fur-tout quand cette légèreté, comme c'est l'ordinaire, a pour principe la mauvaise opinion qu'on a du carac tere moral des femmes.

L'Inconftant de l'abbé Pellegrin n'eft qu'un amant volage, fa comédie eft une piece d'in trigue & non de caractere; on y trouve un trait fort plaisant. L'Inconstant fait la revue des lettres de fes anciennes maîtreffes, & en trouve une qui ranime fon ardeur éteinte. Mais il eft malheureusement furpris dans cette occupation par fa maîtreffe actuelle, qu'il a grand intérêt d'époufer; alors fon valet le tire d'embarras en apportant tout-à-coup une bougie allumée;

l'Inconftant demande pourquoi cette lumiere: » Ne m'avez-vous pas dit, Monfieur, que » vous vouliez brûler tous ces billets doux ?«

M. Collin a donné plus d'étendue à fon fujet. Il a voulu nous montrer un homme dont les idées, les goûts, les actions n'ont aucune confiftance, dont la vie n'eft qu'un flux & un reflux continuel de deffeins, de caprices, de défirs auffi tôt détruits que formés, qui fe fuccedent & s'effacent mutuellement. Ce caractere eft vrai & dans la nature; il n'eft même que trop commun dans la fociété ; mais il étoit très-difficile, pour ne pas dire impoffible, de le développer d'une maniere heureufe & intéreffante au théatre.

Comment jetter de l'action dans un pareil fujet : l'Inconftant, presque toujours dégoûté avant l'exécution, projette plus qu'il n'agit. Comment raffembler & rapprocher avec quel que vraisemblance, dans l'espace de vingt-qua tre heures, les divers changemens que produit l'inconftance. Un mifanthrope peut donner en un jour vingt traits d'humeur & de brufquerie; il peut aifément fe trouver en un jour avec vingt perfonnes qui échaufferont la bile, & auxquelles il rompra en vifiere; mais eft-il naturel que l'homme le plus inconstant change plufieurs fois en un jour d'état, de féjour, d'amis, de maîtreffe, de valet, &c. Il faut plus de tems pour donner à ces variations l'air de la vérité.

Ce qui contribue encore à rendre ce sujet très-ingrat, c'est que les perfonnes qui peuvent

mettre en jeu le caractere principal, ne font pas de nature à produire des fiuations piquan tes; les juftes plaintes d'un ami abandonné, d'une femme délaiffée, ne font point comiques; & d'ailleurs ce font les chofes plus fouvent que les perfonnes qui font les objets de l'in conftance; il ne peut donc y avoir, dans une pareille comédie, de rôle important & agréa ble, que celui de l'Inconftant ; néceffité fâcheufe 'pour l'auteur, vis-à-vis des spectateurs, & plus encore peut-être vis-à-vis des acteurs. Ces confidérations fe feroient préfentées à quelqu'un qui auroit eu le tems de faire des réflexions fur l'art dramatique. Heureufement que M. Col lin, jeune homme plein d'ardeur & de facili té, s'eft laiffé entraîner par fon talent. Il n'en eft pas réfulté une excellente comédie; le fujet ne le comportoit pas mais on feroit fàche que l'auteur n'eût pas hafardé ce premier eff qui donne tant d'efpérances, & qui abonde en jolies fcenes, en traits comiques, en détails brillans & naturels à la fois.

Florimond, le héros de la piece, arrive Paris avec fon valet Crifpin, dans un hôtel garni, appellé l'hôtel de Breft; il vient en effe de cette ville, où il a laiffé brusquement contrat prêt à figner, & une maîtreffe nom née Léonore, qu'il étoit fur le point d'époufer il a quitté auffi le fervice, quoiqu'il en com ferve encore l'uniforme; c'eft par ce double trait d'inconftance qu'il ouvre la fcene s'écrie,

Je fuis vraiment furpris d'avoir, un mois entier,
Eu fupporter l'ennui d'un fi trifte métier.

CRISPIN.

Mais j'admire en effet votre persévérance :
Un mois dans un état! quelle rare conftance!
Depuis quand cet ennui?

FLORIM O N D.

Depuis le premier jour.

J'eus Pabord du dégoût pour ce morne féjour,
Dans une garnifon toujours mènes ulages,

Mêmes foins, mêmes jeux, toujours mêmes vifages; 22 Rien de nouveau jamais à dire, à faire, à voir: Le matin on s'ennuie, & l'on bille le foir. Mais ce qui m'a furtout dégoûté du fervice, C'eft, il faut l'avouer, ce maudit exercice. Je ne pouvois jamais regarder fans dépie Mille foldats de front vêtus du même habit, Qui, femblables de taille ainfi que de coéfure, ce Etoient auffi, je crois, femblables de ígure.

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Un feul mot à la fois faic hauder mile bear;
Un autre mot les fait retomber tout en bas
Le même mouvement vous fait à gauche, à mute„
Tourner tous ces gens-là comme une gratera.

Le hafard lui fait rencontrer, dans 'e nene hôtel, une certaine Angloife, nommes Elone, qu'il avoit aimée à Breft, & deja praia DLbliée: fon amour fe réveille; it for a seve Eliante les plus vives proteftations de free, & dine avec elle: il fort après dice, & se vient déja mécontent du fracas de Pars for il étoit enchanté en arrivant. Il chaffe fon ver Crifpia, dont l'habillement & Tai

fiduité toujours uniforme, l'ennuient & l'excedent refté feul, il prend des livres pour fo défennuyer.

:

Qu'est-ce que je vois ?

Des livres je n'ai plus befoin de compagnie ;

Quand j'ai des livres, moi, jamais je ne m'ennuie. Est-il rien en effet de fi délicieux ?

Cela tient lieu d'ami, fouvent cela vaut mieux.

Que je vais m'amufer!

Ah ah ! C'est la Bruyere ! J'en fais beaucoup de cas; lisons un caractere.

>> me,

(Il lit à l'ouverture du livre,)

» Un homme inégal n'eft pas un feul hom ce font plufieurs; il fe multiplie » autant de fois qu'il a de nouveaux goûts & » de manieres différentes : il eft à chaque » moment ce qu'il n'étoit point, & il va être » bientôt ce qu'il n'a jamais été : il fe fuccede » à lui-même. «

Où diable a-t-il trouvé ce caractere-là ?

Jeux d'efprit tout le livre eft fait comme cela :
On le vante pourtant lifons quelqu'autre chofes
Auffi bien fuis-je las de lire de la profe;

Les vers tout-à-la-fois charment l'oeil & l'efprits
Par fa diversité la rime réjouit ;

Voyons s'il eft ici quelque poëte à lire.
Boileau bon ! celui-là ! j'aime fort la fatyre.

(Il lit de même à l'ouverture du livre.)

.

» Voilà l'homme en effet : il va du blanc au noir; Il condamne au matin fes fentimens du foir; "Importun à tout autre, à foi-même incommode, » Il change à tout moment d'esprit comme de mode;

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